Jenson Button avait défrayé la chronique en 1999. Il n’avait pas vingt ans et allait intégrer le pinacle du sport automobile. Seize années se sont écoulées. Il vient de disputer son dernier Grand Prix de F1. Il prend sa retraite.
Lui doit on la vague des baby drivers ? Son arrivée avait pourtant suscité les critiques. Qu’avait fait Williams en signant ce pilote ? Avec pour seul bagage une 3e place au championnat de Grande Bretagne de F3 et deux années en sport auto.
Et pourtant…Il rejoint en 2009 la glorieuse caste des champions du monde britanniques ; Mike Hawthorn (1958), Graham Hill (1962,1968) Jim Clark (1963, 1965), Jackie Stewart (1969,1971,1973), James Hunt (1976), Nigel Mansell (1992), Damon Hill (1996), Lewis Hamilton (2008, 2014, 2015). Couronné après Hamilton, il est le dernier en date.
Au moment où il négocie un passage délicat vers la catégorie « Classic », nous rendons hommage à cet homme de la trempe de ceux que nous apprécions. A l’instar de Coulthard ou Webber, on peut l’imaginer dans les années 50 au volant d’une Maserati 250 F ou dans les années 70 bataillant au volant d’une Penske ou d’une Brabham-Alfa. L’archétype du pilote de course ?
Olivier Rogar
2000 – Papa conduit la voiture.
Vainqueur du championnat de Grande Brtagne de Formule Ford en 1998, il est troisième du championnat de Grande Bretagne de F3, et second du Grand Prix de Macao 1999. Cela lui vaut quelques essais F 3000 et F1, notamment chez McLaren et Prost Grand Prix où Il se distingue en battant les temps de Jean Alesi et Nick Heidfeld, fraichement titularisé. Cela ne manque pas d’attirer l’attention de Frank Williams qui lui fait signer un contrat. A long terme.
Arrive le premier Grand Prix. Melbourne. Australie. Le vol long courrier qui l’amène de Londres à Avalon Airport lui réserve une surprise. En Australie, seuls les conducteurs de plus de vingt et un ans ont le droit de conduire une voiture de location… Il a beau agiter sa Super Licence FIA sous le nez des préposés, cela ne change rien à l’affaire et il devra à John, son père dont il restera toujours proche, d’être conduit pendant les quatre jours du Grand Prix.
Il se qualifie avant dernier, devant Gaston Mazzacane sur sa Minardi. Ca ira mieux en course. Avant son abandon sur casse moteur il naviguait en sixième position.
Il marque ses premiers points dès le second Grand Prix au Brésil où il finit cinquième. Les tabloïds lui font suffisamment de publicité pour faire dire au « jovial » Patrick Head, lors du Grand Prix d’Angleterre à Silverstone : «Button ? C’est un phénomène analogue aux Spice Girls ».
Pourtant, comme nous le raconte Renaud de Laborderie, lorsqu’il vire à Stowe devant Michael Schumacher, le pilote qui domine alors la F1, il sait qu’il vient de franchir un cap. Il finira la course cinquième et le championnat huitième avec 12 points.
2004 – Un contrat c’est quoi au juste ?
Les années 2001 et 2002 le voient chez Benetton Renault puis Renault. En 2003 il passe chez BAR. British American Racing. Issue du rachat de l’écurie Tyrrell par l’entremise du canadien Craig Pollock. Ce dernier est l’ami et manager de Jacques Villeneuve qui en est le premier pilote, l’un des actionnaires aussi. L’accueil que le champion du monde 1997 fait au toujours très jeune Jenson Button est pour le moins frais. Il ne cesse de critiquer la jeunesse et le manque d’expérience de l’impétrant qui ne lui « inspire aucun respect en tant que pilote ». Pourquoi être gentil quand on peut être méchant ?
Button s’accroche, travaille, ne perd pas son temps et son énergie dans les intrigues de palais. Le pouvoir de Honda augmente au sein de l’écurie. Celui de Craig Pollock s’effondre avec l’arrivée de David Richards comme Team Manager. La capacité de Villeneuve à faire parler de lui sur la piste continue de s’étioler. Ce dernier achève sa saison avec 6 points… Bien loin des 17 points de celui qu’il méprise.
En 2004, toujours chez BAR Honda, il finit le championnat à la troisième place. Il annonce pourtant au cours de l’été qu’il va chez Williams-BMW pour la saison 2005. Le contrat Williams signé en 2000 était à long terme et Button est toujours lié à cette équipe. Les juristes du FIA Contract Recognition Board s’en mêlent en octobre 2004 et confortent BAR – Honda dans leur bon droit. Repoussant l’échéance à la saison 2006.
La saison 2005 commence moyennement et se finit mieux avec au final une place de neuvième au championnat. Et c’est alors que Button, qui est libre d’aller chez Williams-BMW comme il le souhaitait l’année précédente, décide de rester chez BAR–Honda. L’explication est simple : « Williams-BMW » est sur le point de redevenir « Williams » à partir de 2006 tandis que « BAR–Honda » ne va plus être BAR mais simplement « Honda » à partir de 2006… Ce qui change la donne. La F1 reste un sport de moteurs. Les parties s’entendent à l’amiable et BAR–Honda dédommage Williams pour conserver Button.
2009 – Donc champion du monde sur Tyrrell ?
Jenson a bien fait de rester chez Honda en 2006 puisqu’il y gagne son premier Grand Prix. La 114e tentative a été la bonne, le 6 août en Hongrie. La course se déroule en partie sous la pluie où son style de pilotage coulé et sa capacité à ménager ses pneus lui permettent de remonter un à un tous ses concurrents et de l’emporter. Il finit le championnat en sixième position devant son nouvel équipier Rubens Barrichello. Mais 2007 et 2008 sont à oublier. L’écurie s’effondre et dans un contexte économique difficile, Honda annonce son retrait de la F1 fin 2008. Et missioin est confiée à Nick Fry de chercher des racheteurs. Vingt cinq dossiers sont présentés dont cinq ou six sérieux. On parle même de Peugeot…
Dans cette écurie, il y a Ross Brawn, récemment rentré de son année sabbatique Thaïlandaise et qui a fait faire des progrès notables à la voiture. Et que fait ce dernier à l’annonce des difficultés rencontrées par les constructeurs japonais en général et Honda en particulier ? Il fait tout pour réliaser un montage lui permettant de reprendre l’écurie. Ce n’est que très tardivement juste avant le début de saison 2009 que les deux places vancantes parmi les écuries engagés vont être comblées par l’Ecurie Brawn Grand Prix. Ecurie qui a failli s’appeler Tyrrell. Ross Brawn le souhaitait mais les gens du marketing ont pensé que ce nom constituait une image passéiste. L’équipe s’entend avec Mercedes qui fournit les moteurs. Le staff de Brawn Gradn Prix est composé des acquéreurs : Nick Fry, Nigel Kerr, Caroline McGrory et John Marsden. En échange de baisses de salaires substancielles, Button y laisse 80% de ses émoluments, lui et Rubens Barrichello s’embarquent dans la nouvelle aventure. La voiture est vierge de tout sponsor ce qui n’empêche pas certaines innovations de parfaitement fonctionner. Le double diffuseur arrière par exemple.
Les essais d’intersaison sont bons, laissant entrevoir un potentiel mais ils auraient pu être explosifs. L’écurie cache son jeu. Ross Brawn entend conserver aussi longtemps que possible le bénéfice de ses innovations. Et la saison démarre de façon parfaite. Premier Grand Prix, première victoire. Pas si fréquent pour une nouvelle écurie depuis la victoire de la Wolf WR1 pilotée par Jody Scheckter en 1977 trente deux ans auparavant. Mais à la diférence de Wolf la saison sera au diapason de cette entrée en matière. Du moins la première demie saison car faute de moyens il y a peu de développement et la seconde demie – saison est plus terne. Mais l’avance prise en début d’année est si confortable que Jenson Button coiffe la couronne mondiale le 18 octobre 2009 au Brésil.
Pour résumer cette saison, Brawn Grand Prix remporte les deux titres Constructeur et Pilote avec 8 victoires ( dont 6 pour Button et 2 pour Barrichello qui finit troisième du championnat), 5 poles, 4 meilleurs tours, 15 podiums et 172 points en 17 grands prix. Mais Brawn revend aussitôt la majorité de ses parts à Mercedes qui engage le retraité Michel Schumacher pour un retour en piste en 2010. Une autre histoire.
Jenson Button rejoint alors McLaren et le très redoutable Lewis Hamilton déjà titré en 2008. Tout le monde s’attend à une difficile période pour lui, mais il n’en n’est rien et Button au fil des saisons ajoute six nouvelles victoires à son palmarès sans avoir à rougir de la cohabitation avec son ultra-rapide coéquipier.
Toujours chez McLaren, il a retrouvé depuis 2015 le moteur Honda. Mais celui – ci est très loin du niveau requis pour briller. 2015 sera donc un long chemin de croix pour Button et Alonso. Malgré une amélioration qui permet à l’écurie de rejoindre le milieu de peloton en 2016, les perspectives d’étoffer un fort respectable palmares sont infimes. Il semble que le coeur n’y soit plus. Button jette le gant.
Illustrations © DR