Quoique sans la moindre incertitude, l’attribution du titre de champion du monde focalise excessivement les media. Au point de perturber notre façon de vivre les grands prix. Personne ne doute désormais du couronnement prochain (et mérité) de Lewis Hamilton. Gloire à lui ! Pourtant, aussi minime soit-elle, la seule incertitude qui demeure – la date où il sera concrétisé – éclipse le reste. Le Grand Prix des USA 2018 disputé ce 21 octobre sur le magnifique circuit d’Austin (Texas) est un exemple frappant de cette paradoxale situation. Son déroulement à lui seul aurait dû combler le public. Mais s’y mêlait constamment ce prétendu « suspense » (le vrai n’existe plus depuis Monza) : Hamilton serait-il couronné le soir même ou plus tard ? Pendant que les caciques fixaient leur attention sur cette broutille, Raïkkonen, Verstappen et Hamilton lui-même nous offraient un spectacle grandiose dont, en début de saison, on aurait fait la course du siècle.
Johnny RIVES
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RAÏKKONEN FAIT L’UNANIMITÉ
Malgré sa discrétion et sa modestie, Kimi Raïkkonen est un personnage de poids en F1. Rares sont les grands prix qu’il ne marque pas de son talent. Voire de son humour quand, d’un mot bien choisi, il justifie un échec. Sans frasque aucune, il est toujours là, fidèle à son poste (envié) de pilote Ferrari. D’une loyauté irréprochable envers son équipier Vettel autant qu’avec ses autres adversaires. Longtemps que l’on espérait qu’il en soit récompensé. Cela a enfin été le cas à Austin, et d’admirable façon. Le premier à lui rendre hommage fut le futur champion du monde en personne. Hamilton a dès ses premiers mots tenus à souligner sa brillante prestation. « Sans faute », a-t-il même souligné. Ce qui, au rythme endiablé qu’il devait soutenir sur ce circuit diabolique, n’était pas à la portée du premier venu. Et lorsqu’il se hissa enfin sur la plus haute marche du podium, Kimi put apprécier l’hommage que lui rendait la Scuderia pour l’ensemble de son oeuvre. Le bonheur unanime de le voir triompher lors de ce Grand Prix des USA 2018, se reflétait avec évidence dans les sourires et les cris de satisfaction de l’ensemble des mécanos italiens.
GRAND PRIX DU SIECLE ?
Une bataille aussi serrée, aussi indécise, entre trois pilotes de trois équipes différentes a-t-elle jamais atteint une telle intensité ? Depuis l’avènement de ce XXIe siècle, il est permit d’en douter. Ferrari, Red Bull et Mercedes nous ont offert à Austin une lutte à trois qui n’aurait pu atteindre un tel sommet sans la qualité de leurs trois mousquetaires Raïkkonen, Verstappen et Hamilton. Kimi, auteur du départ exemplaire que l’on espérait de sa part, s’est défait dans un premier temps d’Hamilton qui ne lui avait portant pas ouvert la porte. Puis il a rondement mené son train, tandis que Vettel rejeté à l’arrière par sa propre faute tentait de refaire le temps perdu. Chose impossible, on le sait depuis toujours.
On crut que la Scuderia avait manqué le coche, quand, profitant de la Safety Car virtuelle, Hamilton changea ses pneus sans perdre de temps (11e tour). Mais non : dix tours plus tard, Kimi s’arrêtait à son tour, changeant ses pneus « ultra » (violets) pour des « super » (rouges). Avec ses tendres (jaunes) Hamilton semblait avoir la partie facile. Mais tel ne fut pas le cas. Et, alors 2e, Kimi récupéra la première place au deuxième changement de pneus d’Hamilton (37e tour). Tout n’était pas gagné pour autant, comme l’haletante fin de course nous l’a montré. Mais Kimi était un roc…
Sur la course de Verstappen, tout a été dit pendant ce grand prix. Son brio pour commencer : 18e sur la grille de départ et 9e au premier tour ! La qualité de sa stratégie aussi : parti en pneus tendres (jaunes) il les troqua au 22e tour pour des super tendres (rouges) avant même que Bottas (23e) ou Vettel (27e) se contentent de tendres (jaunes). Ce qui ne l’empêcha pas de finir à un rythme infernal, très supérieur aux deux derniers nommés. Seul Hamilton (1’37’’392) effectua un tour plus rapide que Max (1’38’’246) mais après deux changements de pneus.
Quant à Hamilton, il est tombé à Austin sur plus forts que lui. Pour une fois. Quand on dit plus forts que lui, on devrait préciser « plus forts que le tandem Hamilton-Mercedes ». Car, en ce 21 octobre, une fois n’est pas coutume, les Mercedes F1 ont pêché par une usure excessive de leurs pneus arrière. Défaut ayant forcé Lewis à deux arrêts et contraint Bottas à s’incliner en fin de course sur la pression de Vettel. Manquant un freinage faute d’adhérence, Bottas céda sa 4e place à Vettel au milieu du 55e tour. Un tour et demi plus tard, à l’arrivée, il avait concédé plus de six secondes à l’Allemand, ce qui en dit long sur l’état de ses pneus.
UN DUEL D’ANTHOLOGIE
L’intense bataille de fin de course connut son moment le plus mouvementé quand une infime correction de trajectoire amena Verstappen sous la menace directe d’Hamilton. Alors les deux pilotes, poussant leurs capacités à un niveau inouï, parcoururent cote à cote six virages. Les roues de la Red Bull et de la Mercedes se frôlaient dangereusement, mais Max autant que Lewis, surent tenir leur ligne au centimètre près. Et le Batave finit par conserver son avantage tandis que l’Anglais était rappelé à la sagesse après un écart dont il se tira magistralement sans perte. A montrer dans toutes les écoles de pilotage. Et peut-être aussi à des pilotes comme l’inénarrable Magnussen. Qui, au Japon, n’avait pas exprimé vis à vis de Leclerc le même respect que Verstappen et Hamilton ont montré l’un pour l’autre à Austin !