Grand Prix Suisse, une rétrospective sur les courses de F1 en Helvétie
Le Musée historique de Berne présente jusqu’au 22 avril une exposition intitulée Grand Prix Suisse. Celle-ci dépasse largement le cadre sportif en abordant de façon très intéressante la profonde mutation des transports en Suisse, entre 1934 et 1954, période au cours de laquelle Berne a accueilli les meilleurs pilotes du monde.
Laurent Missbauer
Vous envisagez de vous déplacer prochainement en Suisse, par exemple pour visiter le Salon international de l’automobile de Genève, qui se tiendra du 7 au 17 mars, ou pour toute autre bonne raison? Sachez alors qu’un petit détour par Berne s’impose pour tous les passionnés de voitures anciennes ou de courses automobiles d’antan. Le Musée historique de Berne propose en effet jusqu’au 22 avril une rétrospective à ne pas rater sur les courses de F1 organisées dans la capitale de la Confédération helvétique.
C’est un vélo qui accueille les visiteurs à l’entrée de cette exposition temporaire. Et c’est une Vespa qui prend congé d’eux à la sortie de cette rétrospective qui retrace l’histoire de ce qui était à l’époque le plus grand événement sportif de Suisse. «De 1934 à 1939, puis de 1947 à 1954, Berne a vibré chaque année au rythme du Grand Prix de Suisse. Ce week-end de compétition, qui attirait plus de 100’000 spectateurs, était une manifestation dont la renommée dépassait largement les frontières de notre pays Du coup, nous nous sommes également intéressés à son importance économique et sociale», nous a expliqué Jakob Messerli, le directeur du musée.
Des bolides exceptionnels
C’est cette importance économique et sociale qui est symbolisée par la bicyclette et la Vespa respectivement placées à l’entrée et à la sortie de cette exposition temporaire. «En 1934, lors du premier Grand Prix de Suisse, les automobiles étaient encore très rares et la majorité de la population se déplaçait à vélo. En 1954, année de la dernière édition du grand prix, les automobiles faisaient déjà davantage partie du paysage et, la plupart du temps, les Vespa avaient remplacé les vélos. Nous avons ainsi assisté, en l’espace d’à peine 20 ans, à une profonde mutation des transports. Non seulement à Berne, mais également dans toute la Suisse», relève Jakob Messerli.
Différents bolides, dont certains sont exceptionnels à l’image de ceux prêtés par les musées Audi, Mercedes et Schlumpf à Mulhouse, sont exposés à côté d’une tribune de spectateurs qui fait office de salle de cinéma.
On note également plusieurs véhicules utilitaires dont un petit fourgon Fiat des années 40. Ce fourgon, spécialement transformé pour le transport de bidons de lait, a assuré le ravitaillement en lait pendant le Grand Prix de Suisse.
Il est vrai que la société bernoise Ovomaltine était alors un partenaire incontournable de la manifestation équivalente à l’époque aux grands prix de Monaco, de Monza ou du Nürburgring. Et si le slogan actuel de Red Bull est «Donne des ailes», celui d’Ovomaltine à l’époque était «Donne des forces».
Des aspects plus sombres, à l’image des différents accidents mortels qui ont endeuillé le circuit bernois, ne sont pas passés sous silence. Ils sont évoqués à côté d’une ambulance dont les dimensions sont si grandes qu’elles dépassent celles de bon nombre de camions de l’époque.
Il s’agit d’une Packard Super Eight de 1938 transformée en ambulance par la carrosserie Köng à Bâle. Un modèle similaire avait été acheté par la police sanitaire de la ville de Berne en 1947. A propos d’accidents mortels, c’est celui qui causa 84 victimes aux 24 Heures du Mans de 1955 qui mit un terme à de nombreuses courses à travers le monde dont le Grand Prix de Suisse.
L’avenir du réseau routier suisse
«Nous nous sommes interrogés sur la façon dont nous pourrions terminer cette exposition», nous a confié Jakob Messerli. «Fallait-il évoquer le retour d’une course en circuit en Suisse en 2018 avec l’ePrix de Zurich réservé aux monoplaces électriques? Fallait-il parler des pilotes suisses qui, malgré l’interdiction de courses en circuit dans leur pays, ont tout de même brillé en F1 à l’image de Jo Siffert ou de Clay Regazzoni? Nous avons choisi de conclure en illustrant la profonde mutation des transports en Suisse. Cela non seulement en évoquant l’essor de la motorisation avec une magnifique photo d’un couple qui se balade sur les rives du lac de Thoune sur un Vespa mais également en montrant une affiche de General Motors.»
«On lit sur cette affiche que General Motors organise en 1956, à la maison des congrès de Zurich, une exposition sur l’avenir du réseau routier suisse. Cette affiche est illustrée par deux autoroutes qui se croisent et qui sont reliées par des bretelles susceptibles d’éviter les bouchons. Ceux-ci commencent en effet déjà à faire parler d’eux en Suisse. Les premiers bouchons constatés à Berne l’ont d’ailleurs été au terme du Grand Prix de Suisse», conclut Jakob Messerli qui a parfaitement réussi son pari avec cette exposition. Celle-ci, avec ses aspects sociaux et économiques, n’intéressera pas seulement les passionnés de sport automobile mais également un public beaucoup plus large.
C’est en tout cas l’avis du collectionneur Christian Jenny qui ne tarissait pas d’éloges sur cette exposition temporaire: «Il s’agit vraiment d’une exposition exceptionnelle. Elle est très réussie et j’ai particulièrement apprécié le soin du détail apporté aux différents aspects de cette course qui était, à l’époque, l’événement sportif le plus important de Suisse avec plus de 120’000 spectateurs.»
Christian Jenny est l’actuel propriétaire de la Jaguar XK-120 qui est l’une des différentes voitures exposées au Musée d’histoire de Berne. Il s’agit de la voiture au volant de laquelle le gentleman driver suisse Albert Scherrer s’imposa en 1951 dans la course nationale disputée en ouverture du Grand-Prix de F1.
Toutes les informations relatives à l’exposition temporaire que le Musée d’histoire de Berne consacre aux grands-prix de Suisse organisés à Berne de 1934 à 1954 peuvent être consultées ici*. Cette exposition sera visible jusqu’au 22 avril 2019.
* http://www.bhm.ch/fr/grandprixsuisse