VERSTAPPEN ENSOLEILLE INTERLAGOS
La Formule 1 était en train de se noyer. La pluie était pourtant loin d’être diluvienne. Bien au sec dans sa tour de contrôle, Charlie Whiting ouvrait le parapluie. En désespoir de cause, on invoquait la mémoire de Senna au G.P. du Portugal 1985, celle de Beltoise au G.P. de Monaco 1972. Mais où étaient les pluies d’antan ? Ces souvenirs rendaient insupportables les tours au ralenti derrière la SC (25 au total !). Pour ne rien dire des deux drapeaux rouges (oui, deux !) qui interrompirent les évènements… Jusqu’à ce que, soudain, la lumière jaillisse ! Une lumière salvatrice, éclairant enfin la grisaille entretenue par des dispositions règlementaires insupportables. Cette lumière, ce soleil, avait un nom, un seul : Max Verstappen. Animé par un entêtement salutaire, changeant de pneus autant de fois que l’en inspirait le ciel maussade de Sao Paulo, prenant, à l’exception du seul Hamilton, ses adversaires à contre pied dans le choix de trajectoires qu’ils n’avaient pas décelées, Verstappen donna enfin vie à un événement qui avait frôlé le sabordage. Le G.P. du Brésil 2016 a finalement eu lieu. Grâce à lui.
Johnny RIVES.
HAMILTON MAINTIENT LE SUSPENSE
Comme lors des Grands Prix précédents, les Mercedes de Lewis Hamilton et Nico Rosberg ont accompli leur propre course sans (trop) se préoccuper de ce qui se passait derrière elles. Hamilton surtout. Lui n’a pas d’autre choix, depuis sa victoire au G.P. des Etats-Unis (23 octobre) que gagner, gagner et gagner encore pour garder une chance de combler son retard au championnat sur Rosberg. Ce retard s’élevait à 33 points, à l’issue du G.P. du Japon gagné par Nico. Restait alors quatre Grands Prix à disputer : Etats-Unis, Mexique, Brésil et Abu Dhabi. La condition nécessaire pour qu’il conserve son titre était qu’Hamilton évite désormais tout faux pas. Et qu’il gagne. Une condition qui n’était pas suffisante puisque si Nico se contentait de terminer 2e derrière lui à chaque fois, il garderait le commandement du championnat jusqu’au bout. Pari réussi jusqu’ici par Hamilton, qui a gagné trois fois sur trois. Et par Rosberg qui, trois fois sur trois, s’est classé 2e derrière lui. Un parcours qui met en évidence une supériorité de l’Anglais que le Germano-Monégasque ne pourrait contester que s’il réussissait à devancer Lewis au départ pour l’empêcher de poursuivre sa marche triomphale.
Mais voilà, Hamilton se montre constamment plus rapide en qualification, s’assurant la pole position pour deux dixièmes, parfois un seul – presque rien, mais un presque rien qui fait tout depuis qu’Hamilton réussit sans erreur ses départs. Il ne reste plus à Rosberg qu’à se réfugier dans la stratégie qu’Alain Prost prévoyait depuis le Texas : s’assurer prudemment des deuxièmes places salvatrices. Ce qu’il a failli ne pas réussir à Interlagos quand Verstappen réussit à le devancer (entre le 32e et le 43e tours) avant de changer de pneus. Mais finalement la stratégie très agressive des Red Bull concernant la gestion des pneus a tourné à son avantage. Il a terminé 2e, limitant comme prévu ses pertes sur son rival. Tout se règlera donc à Abu Dhabi le 27 novembre où, grâce aux 12 points d’avance qu’il compte encore, Rosberg pourra même se contenter de finir 3e pour être titré. A moins que le désir de redorer un blason quelque peu terni ne le pousse à jouer grand jeu pour décrocher la victoire. Une victoire qui donnerait à son titre mondial un relief que les supporters d’Hamilton remettent déjà en question.
LA CHEVAUCHÉE DE « MAX-LA-MENACE »
Animateur bienvenu d’une course qui a trop tardé à être enclenchée, Max Verstappen a fait évoluer sa position avec une constance qui touche à l’entêtement ! Quatrième sur le grille de départ, il s’est emparé de la 3e place au détriment de Raïkkonen dès que le feu vert a été donné (8e tour). Mais décidant de passer des pneus « maxi pluie » aux mixtes, il rentra au stand (14e tour) et reprit la piste quatrième derrière Raïkkonen. Celui-ci ayant subi son accident dès l’effacement de la safety car (20e tour), Max redevint 3e. Partant en chasse, il ravit alors la 2e place à Rosberg (38e tour), puis se rapprocha d’Hamilton sans cependant réussir à l’inquiéter. Estimant que ses pneus étaient en cause, il s’arrêta donc pour en changer encore (43e tour), retombant à la 5e place derrière Hamilton, Rosberg, Perez et Sainz. Ce nouveau train de pneus ne lui permettant pas de progresser autant qu’espéré, Verstappen décida d’en changer encore (56e tour) ce qui le fit dégringoler en quatorzième position. Ricciardo avait suivi la même stratégie ce qui incita Julien Fébreau à penser, non sans raison, que les Red Bull venaient de perdre leurs chances d’obtenir un bon résultat. Mais pas du tout ! Verstappen (et à un degré moindre Ricciardo) ne l’entendait pas ainsi. Tour à tour Gutierez, Wehrlein, Bottas, Ricciardo, Kvyatt, les inattendus Ocon et Nasr, puis Hulkenberg, Vettel, Sainz et enfin Perez l’apprirent à leurs dépens. Voilà comment « Max-la-menace » arracha de haute lutte une troisième place qui avait la valeur d’une victoire… morale !
FATALE LIGNE « DROITE » ( ?)
Comme l’infortuné Romain Grosjean en fit la cruelle expérience dès le tour de mise en place – anéantissant ainsi accidentellement sa brillante performance des qualifs où il avait devancé les Force India d’Hulkenberg et Perez – la portion séparant le dernier virage de la ligne de chronométrage a une fois encore fait des dégâts. C’est là que se sont produits tous les accidents de l’épreuve (Ericsson, Raïkkonen, Massa). Et même d’autres incidents n’ayant valu à leurs victimes que des frayeurs, à l’image de Vettel (tête-à-queue, sans dommage), Verstappen (demi tête-à-queue, glissières frôlées mais évitées miraculeusement) et enfin Rosberg (gros travers rattrapé de justesse). A porter à son crédit, Hamilton a réussi apparemment à surmonter la difficulté sans émotion.
On ne saurait achever ce panorama des faits majeurs ayant pimenté la course d’Interlagos sans mentionner le nom de Esteban Ocon. Le jeune français (20 ans) a accompli une prestation époustouflante, maintenant avec constance sa modeste Manor à la 8e place, jusqu’à ce que, en fin de course, des pilotes chaussés avec des pneus plus performants que les siens à cet instant (Verstappen, Ricciardo et Alonso) ne l’éjectent cruellement hors des points. Mais sa performance n’est pas passée inaperçue. Elle a dû rassurer l’équipe Force India à laquelle il appartiendra la saison prochaine.