A en croire Flavio Briatore, la F1 manquait d’excitation depuis le début de la saison. Il a dit qu’elle était trop « plate ». On traduira « sans relief ». Heureusement, selon lui, c’est un peu différent depuis le week-end de Monaco. Parce que Red Bull et Ferrari ont paru amorcer des progrès pouvant laisser présager que les Mercedes en auront prochainement fini avec leurs promenades de santé ? Non bien sûr. Mais en raison de l’antagonisme désormais affiché entre Lewis Hamilton et Nico Rosberg.
Johnny RIVES
LA F1 A-T-ELLE PRIS DU RELIEF ?
Déjà, avant d’arriver en principauté, l’Anglais avait tenu des propos aigres sur ce que l’on croyait être un de ses bons copains pour la raison essentielle qu’ils se connaissaient depuis l’époque où ils rivalisaient en karting. Et que, depuis, tout se passait bien entre eux. Mais en affirmant que, contrairement à Nico, lui Lewis n’avait pas été élevé en enfant gâté et qu’il estimait pour cette raison avoir une plus grande motivation pour gagner en F1, Hamilton disait clairement que s’ils se connaissaient depuis longtemps ils n’étaient pas vraiment des amis.
Nico Rosberg avait-il le même point de vue sur leur relation ? On n’avait pas cette impression, se souvenant de l’étreinte amicale qu’il était allé donner à Hamilton en mettant pied à terre à Bahrein à l’issue de leur prodigieux duel. Ce geste nous avait fait penser que s’il a hérité de l’adresse et du sens de l’attaque de son père Keke Rosberg, champion du monde de F1 en 1982, Nico n’en a certainement pas le caractère abrupt, pour ne pas dire bourru. Il doit tenir son bon caractère de sa maman.
Mais revenons à Monaco où, préméditée ou non, l’erreur de Nico manquant son freinage à Mirabeau lors des qualifications a instantanément mis en relief une rivalité, pleine et entière. Contraint de couper son élan à cause des drapeaux jaunes qui en ont résulté, Lewis a affiché aussitôt sa mauvaise humeur. Plaçant sans coup férir Rosberg en situation non pas d’accusé mais carrément de coupable.
MÉSENTENTE AVEC ALONSO
Le conflit est désormais établi entre eux, même si les dirigeants de Mercedes F1, à commencer par Niki Lauda, essaient d’arrondir les angles. Un conflit qui nous renvoie en 2007 chez McLaren où Hamilton et Alonso ne se supportèrent pas longtemps. Au point que l’Espagnol écourta son séjour dans cette équipe où Hamilton jouissait des faveurs de Ron Dennis qui l’avait découvert à un très jeune âge – 12 ans ?
A propos du comportement d’Hamilton à Monaco, on retiendra encore autre chose : le reproche adressé par radio, pendant la course, aux responsables de sa voiture qui ne l’avaient pas arrêté au bon moment pour changer de pneus. Or, comme pour Rosberg et la plupart des autres (à l’exception de Felipe Massa) cet arrêt avait eu lieu pendant la seconde intervention de la voiture de sécurité. Mais y avait-il meilleur moment que celui que toutes les équipes avaient choisi ? Car si son changement de roues prit deux secondes supplémentaires, elles furent effacées dès qu’il se retrouva dans le sillage de Rosberg qui roulait au ralenti derrière la « SC », comme disaient les panneaux.
Heureusement, tout est bien qui a bien fini . Rosberg a remporté cette victoire sans laquelle sa situation au sein de l’équipe Mercedes serait devenue délicate. Et Hamilton aura bien d’autres occasions de le battre et de satisfaire son ego. Cela peut-être dès le prochain G.P. du Canada où les Mercedes devraient dominer leurs rivales plus que nulle part ailleurs. A moins que la pluie ne vienne brouiller les cartes.
PALME D’OR POUR BIANCHI
Un mot sur les Français avant de quitter Monaco. Parmi eux, une fois n’est pas coutume, le moins brillant des trois, Romain Grosjean, a été le mieux récompensé avec une 8e place inespérée – autrement moins belle que la 8e place obtenue précédemment en Espagne – et les quatre points dont elle est assortie, ce qui a doublé son capital. Si Grosjean a été le moins brillant à Monaco (en grande partie à cause de sa Lotus, inexplicablement hors du coup après ce qui avait été entrevu en Espagne), lequel entre Jean-Eric Vergne et Jules Bianchi fut le plus en vue ?
Pendant longtemps, ce fut Vergne, tant en qualification qu’en début de course. Mais comme trop souvent, le mauvais sort a fini par lui mettre des bâtons dans les roues. Si bien que la Palme d’Or est finalement revenue à Bianchi.
Ce tout jeune homme à l’aspect d’adolescent s’est comporté dans le dédale monégasque avec l’assurance d’un vieux briscard. Panachant témérité et retenue avec un authentique talent, il a conduit sa très modeste Marussia avec la maestria d’un champion accompli, très éloigné de l’image du teen-ager timide qu’il peut donner quand il répond aux interviewes. Son grand-père, Mauro Bianchi, qui fut un excellent pilote, peut être fier de lui. Comme l’aurait sans doute été son grand oncle Lucien Bianchi, célèbre pilote d’endurance des années 1960 dont la pointe de vitesse s’était également exprimée en F1. Notamment à Monaco où en 1968, il s’était classé 3e au volant d’une modeste Cooper-BRM, derrière Graham Hill (Lotus) et Dick Attwood (BRM).
Oui, la F1 a pris un certain relief à Monaco. Mais pas seulement à cause d’une inévitable rivalité intestine. Ricciardo, Vettel, Alonso, Raikkonen et quelques autres nous le rappelleront peut-être bientôt.