Assez équilibrée depuis l’ouverture au Brésil, la lutte pour le titre reste très ouverte à la veille du Grand Prix de France 1987, qui promet un beau spectacle entre les quatre ténors de la F1. De quoi normalement attirer du monde, d’autant que le week-end est riche en courses annexes : Formule 3, Formule Renault, Superproduction et courses monotypes (Porsche 944, Alpine, Peugeot 505), il y a de quoi ne pas s‘ennuyer.
Olivier Favre
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Le classement final du championnat du monde 1987, ainsi que les souvenirs que l’on a gardés de cette saison quelque trente ans après, pourraient accréditer l’idée d’une nette domination des Williams-Honda tout au long de l’année. Or, il n’en fut rien. Certes, comme l’année précédente, la « bande des quatre » – Prost-Piquet-Mansell-Senna – s’est reconstituée et n’a laissé que des miettes aux autres lors des cinq premiers Grands Prix de l’année. Lors de ce Grand Prix de France 1987 subsistait encore le doute quant à l’issue de cette saison.
Mais après ce premier tiers de la saison, ce sont Senna, avec sa Lotus-Honda équipée d’une novatrice suspension « active », et Prost (McLaren-TAG) qui, comptant chacun deux victoires à leur actif, mènent la danse au championnat. Cela dit, les Williams boys ne sont pas largués : Mansell accumule les pole positions et a gagné à Imola, alors que Piquet enquille les 2e places avec une régularité de métronome. Et avec les circuits rapides de l’été, les deux hommes peuvent espérer imposer la puissance de leur V6 turbo Honda.
Une pole de plus pour Mansell
Bien que depuis l’année précédente, et les modifications suite à l’accident mortel d’Elio de Angelis, le Ricard ne puisse plus être mis sur le même plan que Silverstone ou Hockenheim, il n’en reste pas moins bien adapté aux Williams. Aussi leurs adversaires s’attendent-ils à souffrir sur le plateau varois pour ce Grand Prix de France 1987. Pourtant, les essais vont les rassurer quelque peu, en particulier Prost. Certes, il n’a pu empêcher Mansell de signer sa 5e pole de l’année. Mais il se place à ses côtés sur la première ligne, à seulement quatre dixièmes de l’Anglais.
Derrière eux, sans surprise, Senna et Piquet. Les quatre pilotes têtes d’affiche de la F1 sont les seuls à être descendus sous les 1’08’’, les Ferrari et Benetton étant les meilleures des autres. Un résultat honnête pour les voitures du fabricant de pulls, mais à Maranello on ne saurait s’en satisfaire. Surtout après avoir recruté à grands frais John Barnard, l’ingénieur star de l’époque, à qui l’on a de surcroît consenti des conditions totalement inédites, en lui aménageant une antenne technique anglaise à Guildford.
Quant aux voitures et pilotes français, heureusement qu’il y a Prost ; après avoir perdu leur motoriste italien Alfa Romeo juste avant le début de la saison, les Ligier d’Arnoux et Ghinzani sont dans le ventre mou de la grille avec leur moteur Megatron ex-BMW. Et les autres occupent les deux dernières lignes : Alliot et sa Lola-Larrousse, Streiff et sa Tyrrell, et enfin, dernier temps, à huit secondes de Mansell, Pascal Fabre et son AGS. Au moins cette petite équipe ne risque pas de manquer de supporters : elle évolue à domicile, Gonfaron n’étant qu’à quelques kilomètres du Castellet.
Derrière les grilles
Parlons un peu du public justement. Il sera certes plus nombreux que l’année précédente, mais le compteur du Ricard ne franchira toujours pas les 50 000 entrées payantes sur l’ensemble du week-end. En sus de la création de nouveaux parkings, l’installation de 500 m de gradins gratuits entre Signes et le Beausset était pourtant une bonne idée, qui fut appréciée.
D’autres mesures le furent certainement moins : floraison de grilles métalliques un peu partout, toilettes payantes, mise en fourrière systématique des véhicules garés dans des endroits non prévus pour, éloignement des journalistes de la piste sous prétexte de sécurité, … Sous la pression du duo Balestre-Ecclestone, au Ricard comme ailleurs, la F1 a entamé sa mutation en cette fin des années 80. En quelques années, elle deviendra un spectacle de plus en plus conçu pour la télé et de moins en moins pour le spectateur qui a consenti le déplacement. Sauf pour les V.I.P. qui eux ont droit à tous les égards.
Prost contre les Williams
Pour ce onzième Grand Prix de France dans la garrigue, le Ricard innove en matière de sécurité : un Renault Espace avec à son bord quatre techniciens équipés d’outils de désincarcération est prêt à prendre la piste à tout moment en cas d’accident grave. Le départ approche sous une chaleur orageuse. La consommation et la tenue des pneus vont encore être deux paramètres cruciaux pour ce Grand Prix de France 1987.
Mais l’un des favoris a déjà perdu une bonne part de ses illusions : très confiant le samedi soir, Prost ne l’est plus guère après le warm-up du dimanche matin. Son moteur ratatouille et il n’est plus au niveau des Williams, ni même de la Lotus de Senna.
Feu vert : Mansell s’élance devant Prost, Piquet et Senna ; mais le premier tour n’est pas achevé que Piquet a dépassé Prost et que s’installe un train monotone. La digestion des spectateurs ne risque guère d’être troublée. Progressivement, Senna, en délicatesse avec ses pneus, perd le contact.
Seul Prost semble en mesure de profiter d’un fait de course qui toucherait les Williams. Le voilà qui se produit au 18e tour quand Piquet se loupe au freinage derrière Mansell et part en tête-à-queue. Il repart aussitôt mais la McLaren est passée. Prost va alors tenter de faire pression sur Mansell. Mais celui-ci maîtrise son sujet avec un calme et une régularité qu’on ne lui reconnaît pas habituellement.
Toujours la bande des quatre
A partir du 30e tour commence la valse des changements de gommes. C’est Piquet qui l’entame, suivi par Prost, puis Senna et Mansell. Le perdant de l’opération est le Britannique qui se retrouve 3e derrière Piquet, nouveau leader, et Prost. Mais Piquet ne savourera pas longtemps son bénéfice.
Mansell revient sur lui comme une fusée. Au 45e tour, dans le double droit du Beausset, il profite d’une erreur du Brésilien arrivé un peu large et reprend son bien. Piquet, vexé, n’entend pas en rester là et tente un pari audacieux : un second changement de pneus à 15 tours de la fin. Hélas pour lui, il cale au redémarrage et ses 16 secondes d’arrêt le condamnent à une course-poursuite sans espoir.
Il rattrapera facilement Prost dont le moteur s’essouffle tour après tour, mais échouera à quelque 8 secondes de la Williams n°5. C’est sa quatrième 2e place en six courses ! Ce sont aussi les mêmes hommes sur le podium qu’en 1986, mais pas dans le même ordre : Prost et Piquet ont échangé leurs places. Derrière Senna, 4e, on trouve encore deux hommes heureux : Teo Fabi (Benetton) et Philippe Streiff (Tyrrell) marquent les premiers points de leur carrière en F1, le Français remportant en outre la catégorie « atmosphériques ». Notons enfin que le podium de la course F3 est composé de trois hommes dont on reparlera bientôt : Jean Alesi, Eric Bernard et Erik Comas.
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L’envol de Mansell
- Au soir de ce Grand Prix de France 1987, on peut légitimement s’inquiéter pour l’intérêt de la suite du championnat. Car, si Senna en conserve la tête devant Prost, il a fini à un tour des Williams, à moteur égal ! Quant aux autres, ils accusent un retard d’au moins trois tours ! Manifestement, les monoplaces de Didcot sont arrivées à maturité et semblent à présent devoir s’expliquer entre elles pour le titre. C’est bien ce qui va se passer : Mansell et Piquet vont se partager sept des huit courses suivantes. La régularité du Brésilien fera la différence au final.