1913-2013, un siècle depuis que le double-arbre français a conquis les Amériques et inspiré les moteurs Indy pour plusieurs décennies. Cet été, le Turbo de la 208 a célébré à sa manière, par la victoire de Pikes Peak, l’anniversaire de son glorieux aîné.
Classic COURSES
L’année 2013 s’achève, entraînant une augmentation substantielle de consommation de Champagne … Il y a 100 ans, fin mai, à Indy, certains membres du clan français firent la promotion du légendaire pétillant.
Pour cette édition, les organisateurs mettent les petits plats dans les grands. Ils cherchent à donner une dimension internationale aux 500 Miles. Dans le but d’appâter pilotes et constructeurs issus du vieux continent, des primes et récompenses financières inaccoutumées sont proposées aux européens. Ils mettent dans le mille et leurs émissaires envoyés en Europe décident une poignée de futurs participants. Peugeot, Mercedes, Isotta Fraschini et Sumbeam se lancent dans l’aventure d’autant plus que l’acheminement de leurs autos de l’autre côté de l’Atlantique ne leur coûtera rien.
A la veille du premier conflit mondial Peugeot va se mettre en évidence sur le célèbre speedway américain. Alors que les Américains produisent des voitures à soupapes latérales et régimes lents comme les Marmon et National victorieuses en 1911-1912, la firme française possède des références pour disputer ce challenge. Un moteur à double arbre à cames en tête de 7,6l installé dans un châssis allégé. La solution mécanique est inédite à l’époque et les ingénieurs français qui se surnommaient « Les charlatans » se sont penchés sur un élément important : la chasse au poids, optimisant ainsi l’avancée technologique du moteur. Les saisons 1912 et 1913 furent l’occasion pour l’équipe Lion-Peugeot de prouver le bien fondé de leur travail en catégorie Grand Prix.
Indy est tout de même une autre histoire ; les Européens vont-ils faire le poids sur l’anneau des 500 miles ? Les essais confirment que Jules Goux qualifié en deuxième ligne de même que Zucarelli compteront parmi les favoris de la course. Les deux Peugeot se sont montrées en verve durant les « Qualifying ».
Les américains ne seraient-ils pas tombés dans leur propre piège?
Le 30 mai 1913, 100 000 spectateurs se pressent sur le Speedway pour assister à l’affrontement Etats Unis – Europe, une belle opération pour les organisateurs. Goux prend la tête dès le départ, imprimant à la course un rythme échevelé. Des abandons se succèdent dont celui de la Peugeot de Zucarelli qui casse son vilebrequin au 18e tour. Jules Goux connaît des problèmes de pneus qui vont l’obliger à céder sa première place. Roulant grand train il reprend la seconde position après les 100 miles. Au 55e tour, l’arrêt pneus de Burman sur sa Keeton-Visconsin lui rend sa position de tête. A mi-course, un nouvel arrêt pneus le rétrograde en troisième place. Sa détermination et son aisance en piste vont le remettre en selle pour la victoire après 300 miles couverts. Malgré un autre arrêt pneus, Goux qui avait encore cédé la première place, reprend le commandement au 136e tour. Il va creuser l’écart sur Mulford et possède 12 mn d’avance aux 400 miles !
A partir de ce moment son manager lui demande d’assurer. Le français va cependant franchir la ligne en vainqueur avec un bel avantage sur la Mercer copilotée par les Américains Wischart et De Palma, empochant le chèque de 20000 dollars-or par la même occasion (1).
Il faisait très chaud le jour de la course et la petite histoire raconte que Goux ne s’arrêtait pas aux stands exclusivement pour ravitailler en essence et changer de pneus. Le bonhomme de même que son mécanicien se rinçait le gosier avec une gorgée de champagne. L’anecdote est difficile à vérifier mais Jules aurait proclamé à la fin de l’épreuve : « sans le bon vin français, je n’aurais pu vaincre! » Le célèbre cru français aurait prodigué une légère euphorie lui permettant de tenir le rythme sans altérer pour autant ses réflexes (2)… Ne le répétez pas ! La F.I.A pourrait annuler rétroactivement cette victoire en rendant la première place aux Américains ! A n’en pas douter ces derniers auront retenu deux leçons de ce succès : l’intérêt de la technologie du double arbre à cames en tête et les bienfaits du breuvage champenois (consommé avec modération).
1 : A noter que 100 ans plus tard, au mois de juin dernier, Peugeot s’est illustré aux USA avec le talentueux Sébastien Loeb qui au volant de la 208 T16 PP a pulvérisé le record de la montée de Pikes Peak dans le Colorado
2 : Depuis 1936, le vainqueur d’Indy 500 reçoit une bouteille de lait et en boit un verre, cette tradition a été instaurée par le vainqueur 36 Louis Meyer qui but un verre de lait à l’arrivée. La puritaine Amérique n’est pas responsable de la coutume, les producteurs locaux y virent l’occasion de faire leur promotion lors de la remise de la coupe au vainqueur.
François COEURET
Photos @ DR