Rossano profite de la livraison de sa BB 512i à Maranello pour écouter aux portes et il nous en fait profiter.
Rossano Candrini
Traduit de l’italien par Jean-Paul Orjebin
Dans la même série :
Rossano Candrini 1 – L’ami d’Enzo Ferrari
Rossano Candrini 2 – Fiorano
Rossano Candrini 3 – Modène et Hollywood
Rossano Candrini 4 – Ma 288 GTO
Rossano Candrini 5 – Test secret
Rossano Candrini 6 – Une 250 Gte
Rossano Candrini 7 – Padrone bienveillant
Rossano Candrini 8 – Merci Ingegnere Forghieri
Rossano Candrini 9 – La Ferrari 4 portes
Rossano Candrini 10 – Paris truqué
Rossano Candrini 11 – Partie de billard avec Gilles
Rossano Candrini 12 – 12 Cylindres au col d’Abetone
J’ai un souvenir particulièrement heureux avec Enzo Ferrari lié à ma 512i.
Nous sommes en septembre 1982, le lundi suivant le Grand Prix de Monza. Je suis allé à l’usine de Maranello pour prendre livraison de la BB 512i que je venais d’acquérir. Pour un homme comme moi, rien que d’aller chercher une telle voiture, directement à l’usine, aurait pu suffire à rendre cette journée particulièrement réussie, si un évènement encore plus incroyable et agréable ne m’était arrivé ce jour-là.
A l’accueil, lorsque j’ai demandé que l’on m’apporte la voiture, le portier me dit que le Commandatore souhaite me parler avant que je ne reparte à Modène. Me dire cela c’est « Come invitare un tedesco a bere » (1), la réponse est évidement oui. Pendant qu’ils préparaient ma voiture, je me suis donc dirigé vers le bureau de Ferrari.
En 1982, il avait encore gardé son ancien bureau à Maranello, dans l’usine. A gauche du local du portier il y avait un couloir un peu sombre et au fond le bureau historique du Patron.
Je ne me souviens pas lequel de Dino Tagliazucchi ou Valerio Stradi, m’a dit de patienter, Monsieur Ferrari terminait un appel avec l’avocat Agnelli. Il semble que c’était une habitude entre eux d’échanger par téléphone le lendemain d’un Grand Prix.
Je me suis assis sur un petit banc en bois situé le long du couloir, attendant d’être appelé.
C’est plutôt le minimalisme que le faste que prônait Ferrari. Les murs étaient sans décors, les chaises et le banc, plus tout jeunes, en bois, sans coussins, tout était d’une simplicité monacale ; il n’empêche que l’on y respirait à pleins poumons l’atmosphère et la magie du lieu.
La porte légèrement entrouverte du bureau du Commendatore laissait filtrer la conversation. Je rappelle pour ceux qui seraient trop jeunes pour se souvenir, qu’en 82 on courait en F1 avec des 1500 suralimentés et que nos pilotes à ce moment de la saison (Monza, NdT) étaient Andretti et Tambay (2). Aux qualifications nous avions fait premier et troisième.
Mais la course avait été remportée par un petit pilote transalpin nommé René Arnoux, il avait dominé presque tout du long, nous sommes arrivés deuxième et je crois troisième, je me demande pourquoi on se souvient bien que des vainqueurs. Arnoux était pilote Renault. Ferrari termine son appel avec l’avocat Agnelli en lui disant : « Il prossimo anno, quel Francesino correra’per noi ». ′′ L ‘ année prochaine, ce petit Français courra pour nous « . Cela s’est vérifié.
J ‘entre enfin dans son bureau où plus que tout je me souviens de la photographie de son fils Dino, et d’un tableau qui représente une Ferrari sur le circuit des Madonies en Sicile.
Ce qui m’a le plus surpris, c’est qu’il soit au courant de la livraison de la BB. J’ai compris qu’il était content de vendre une voiture de plus immatriculée Mo (Modena). Il m’a demandé quel allait être mon premier voyage avec cette voiture. Je me souviens très bien de ma réponse : « Je vais me faire accompagner par la symphonie du12 cylindres jusqu’au col d’Abetone, seul pour ne partager l’émotion avec personne » lui ai-je répondu spontanément.
J’ai senti qu’il avait bien aimé ma réponse, alors son sourire d’enfant aux lèvres il m’a accompagné jusqu’à la voiture, je suis sorti de l’usine, et j’ai eu le douze cylindres pour compagnon de voyage.
Texte de Rossano Candrini, traduit de l’italien par Jean-Paul Orjebin
Note du traducteur
- Comme inviter un allemand à boire
- Chacun sait que la saison 82 fut mouvementée pour Ferrari et que les circonstances dramatiques ont fait se succéder divers pilotes :
Villeneuve et Pironi jusqu’au GP de Belgique
Pironi seul jusqu’au Canada
Pironi et Tambay à partir des Pays-Bas jusqu’au GP d’Allemagne
Tambay seul pour l’Autriche et le GP de Suisse
Tambay et Andretti pour l’Italie et Las Vegas.