Brands Hatch Circuit, Fawkham, Dartford, Kent (UK), le 16 mars 1975
En dépit de son nom, Graham Macbeth n’a rien d’un acteur shakespearien.
Son rôle est néanmoins capital quand ce fils naturel de Benny Hill et de Stan Laurel farfouille dans une boîte à chaussures à la recherche d’une enveloppe marquée « Vatan Patrice, Promoto ». Derrière moi s’allonge la file des journalistes réclamant leur accréditation
Un oeil à travers la baie vitrée qui donne, en contrebas, sur la pelouse centrale de Bottom Straight. Les perce-neige y obéissent à leur raison d’être en perçant une fine couche de neige.
« Here it is ! » lance enfin le chef de presse du BRSCC en me tendant l’inestimable enveloppe d’où, fébrile, j’extrais un rectangle de carton frappé d’une inscription magique : DAILY MAIL RACE OF CHAMPIONS PHOTOGRAPHER TRACK & PITS.
Race of Champions. Trois mots qui électrisent notre mental depuis des semaines. Ils signifient l’irruption d’une saison qui précède le printemps, la saison européenne de F1, tant attendue par Guy, Martine, Jean-Michel, Christian, moi.
Une liturgie qui ne souffre aucune entorse régit la Course des Champions. Location d’une R16 chez Autorent à Paris, motel à Gravesend, The Inn on the Lake Hotel, espace hors du temps dont les chambres regardent un lac où niche une sauvagine incroyable, pinte de Pale Ale au Rising Sun, à un jet de pierre du circuit.
Il neige. Ça part quand même.
Jailli comme un diable d’une boîte, Jacky Ickx hisse sa Lotus 72 hors d’âge, qui entame sa sixième saison, en tête à partir de la deuxième ligne qu’il partage avec Jean-Pierre Jarier sur la nouvelle Shadow DN 5. De lui, on attend les merveilles qu’il avait laissées entrevoir en Argentine et au Brésil sur cette auto terriblement efficiente en grandes courbes.
« Il va gagner tous les Grands Prix ! » nous avait déclaré au bord de l’apoplexie, Jean-claude Bruley, le président du club Jarier au Salon de la voiture de course un peu plus tôt.
Las, le Parisien est chaussé de pneus pluie quand la neige cesse de tomber. On le rappelle au stand. Jody Scheckter confirme alors le potentiel de la Tyrrell 007, victorieuse à Kyalami il y a quinze jours, en prenant la tête avant qu’une fuite d’huile le stoppe. Ce sera la première de Tom Pryce.
Jean-Michel partage avec Jarier une position commune de l’accélérateur : à l’horizontale. La R 16 fend la paisible campagne du Kent en direction de Douvres à la vitesse d’une Shadow, le sponsor UOP en moins. Faut pas rater le ferry.
Ça débriefe sec dans la caisse. Dire qu’on se réjouit de la première victoire de Tom Pryce est un euphémisme. Christian remarque qu’il est le premier Gallois à remporter une course de F1. Martine le trouve beau, moins que Mass cependant mais sa gueule à la Leny Escudero la fait flasher.
Je ne dis rien. Je pense à Thruxton F2 à la fin du mois. Pas encore reçu de réponse du BARC, l’organisateur, grrr….