Monaco 1958 Vanwall F1 © D.R.
12 avril 2020

The Racer : hommage à Sir Stirling Moss

Sir Stirling Moss nous a quitté ce 12 avril 2020. En 2012 le premier article inédit de Classic Courses lui était consacré…

Pierre Ménard, journaliste et illustrateur connu pour ses ouvrages sur la course automobile, ses biographies et pour titanesque « Grande encyclopédie de la Formule 1 », nous fait l’amitié de produire le premier « inédité » de Classic COURSES.

Classic COURSES, le 30 septembre 2012

Sir Stirling Moss vient de souffler ses 83 bougies. Classic COURSES y va de son modeste hommage en rappelant à ses lecteurs tout ce que le jeune effronté d’alors a su apporter il y a quelques 60 ans au sport automobile.

Fangio, Farina, Gonzalez, Ascari, Trintignant, Ferrari, Alfa Romeo, Maserati, Talbot, Osca, voici les noms que le grand public est habitué à entendre sur les circuits ou lire dans les comptes-rendus de course à l’orée des années cinquante. La compétition de haut niveau est essentiellement latine, tant au niveau des hommes que des voitures. Italie, France, Argentine, c’est en gros là que ça se passe. En Grand Prix, le reste du monde n’a qu’un droit à la parole relativement limité, mais en sport, de nouveaux patronymes à consonance anglo-saxonne commencent à lentement émerger, dont celui du jeune Stirling Moss. Moss qui est en train de se faire un joli nom, notamment en ayant fait triompher une Jaguar au Tourist Trophy à deux reprises, en 1950 et 1951.

1951 Kieft-Norton F3 © LAT

Il n’est pas peu dire que les Anglais et leurs jeunes pilotes en pleine éclosion vont secouer le cocotier de la course dans ces early fifties. Les champions établis ont à ce moment précis tous dépassé la trentaine. Certains approchent même la quarantaine, ayant commencé leur carrière avant la guerre. Avec leur vingtaine triomphante, les Collins, Macklin, Hawthorn viennent joyeusement titiller leurs aînés sur leur terrain de jeu. Mais celui qui va véritablement s’imposer comme la référence est ce petit bonhomme au crâne déjà dégarni et au charme certain (de ce côté-là, Collins et Hawthorn s’avéreront vite supérieurs à Moss) !

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Silverstone 1952 ERA F1 © LAT


Dès ses débuts, Stirling s’affirme comme un pilote complet, capable de gagner dans toutes les catégories, F1, F2, F3, sport, grand tourisme et même rallye puisqu’il se distingue dans la Coupe des Alpes au volant d’une Sunbeam-Talbot. A la grande différence de ses pairs précités, il devient également un metteur au point recherché, n’hésitant pas lors d’un meeting à tester une voiture dont il ignore tout pour donner ses impressions à ses concepteurs tout heureux de l’aubaine. Durant près de quinze ans, Moss fut un stakhanoviste des circuits, disputant parfois deux, voire trois courses dans le même week-end, sautant allègrement du baquet d’une voiture de sport dans celui d’une monoplace. Plus que tout autre, Fangio compris, Stirling Moss avait une soif inextinguible de compétition, et naturellement de victoires. En cela, il représenta l’essence même du « racer« , du compétiteur né.

Sebring 1957 Maserati sport © Archives Bernard Cahier

Même s’il ne fut jamais couronné par le titre suprême, le parcours de Moss en Formule 1 fut exemplaire. Un peu à la manière d’un Nuvolari avant-guerre, Stirling n’avait pas son pareil pour gagner devant la crème du plateau au volant de voitures pas forcément les mieux affûtés (il est d’ailleurs singulier de rappeler que dans les récentes courses historiques auxquelles il participait assidûment, Moss aimait souvent piloter de « petites » voitures pour lutter avec encore plus de plaisir contre les puissantes machines alignées par d’autres). Les désillusions qu’il infligea notamment aux grosses Ferrari au volant de ses petites Cooper ou Lotus sont à retenir comme de grands moments de la course automobile. A ce sujet, son soi-disant chauvinisme lui fut reproché par certains, expliquant par sa volonté de piloter dans des structures britanniques pas toujours performantes son échec au championnat. Si les écuries HWM, ERA ou Connaught de ses débuts répondaient effectivement à ces critères, on ne peut pour autant pas dire que Vanwall ou Rob Walker étaient des équipes « non performantes ». Et le jeune champion qu’il était pilota avec succès chez Mercedes, puis chez Maserati, qu’il adora pour son ambiance (« Des gens totalement désorganisés, mais tellement sympathiques »).

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Monaco 1961 Lotus F1 © D.R.

Tout en vivant la course de façon chevaleresque, Moss fut néanmoins le premier pilote à réellement organiser sa vie professionnelle de façon précise (il notait minutieusement tout dans un journal de bord) et à la monnayer au prix qu’il estimait le plus juste. Si les sommes qu’il gagna à l’époque peuvent paraître misérables en regard de ce qu’obtinrent plus tard les champions qui lui succédèrent, il n’en demeure pas moins qu’il fut un redoutable négociateur (et pas seulement de virages !) et par là même un novateur en jetant les bases du professionnalisme en sport automobile. Les mauvaises langues parlèrent plutôt de radinerie, ce que ne dément d’ailleurs pas l’intéressé avec un certain humour. L’anecdote des 1000 km du Nürburgring 1959 est à cet égard assez croustillante. Elle fut contée par Stirling lui-même à Jacques Vassal et à votre serviteur lors de la préparation du livre que nous lui avions consacré en 2003*.

Nürburgring 1959 Aston Martin sport © D.R.


Désireux de s’imposer à tout prix dans la Sarthe, Aston Martin décide de se concentrer exclusivement sur les 24 Heures du Mans, en faisant l’impasse sur toutes les autres courses du championnat, y compris le Nürburgring. Vainqueur l’an passé dans l’Eifel au volant d’une DBR1 et totalement fan du tracé allemand, Moss fait alors le forcing pour courir là-bas, mais les dirigeants de l’écurie anglaise restent inflexibles ! Il propose alors d’engager la voiture de réserve (pour éviter une casse sur les modèles d’usine à quelques semaines du Mans) et de rembourser tous les frais si jamais il ne gagne pas ! « Moi qui suis assez radin, c’est vous dire si j’étais motivé » nous dit-il. Il l’était tellement qu’il remporta une victoire d’autant plus éclatante qu’il pilota quasiment toute la course, en remontant en outre un handicap de plus d’une minute suite à une sortie de route de son équipier Fairman. Et comme il avait également convenu par contrat avec les gens d’Aston qu’en cas de victoire, il garderait la prime d’arrivée pour lui, tout se termina au mieux pour l’avisé champion !

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Monaco 2008 Frazer-Nash Sport © Olivier Rogar

Tel fut Stirling Craufurd Moss, que beaucoup considèrent comme « le plus grand pilote à ne jamais avoir été couronné ». Il ne fut jamais champion du monde de Formule 1, ni ne gagna les 24 Heures du Mans. Là encore, il nous livra sa propre explication. S’il adorait les courses d’endurance sur un format court (3H, 1000 km ou 12 H) Moss n’appréciait pas le Mans : « Pas assez de pilotage et trop long. Je demandais toujours à faire le lièvre, avec l’espoir secret de casser avant la nuit pour aller me coucher pas trop tard après un bon dîner ».

Et le championnat du monde de Formule 1 ? « J’ai toujours privilégié le plaisir de la course aux calculs de championnat. Et je préférais perdre une course en conduisant assez vite pour la gagner, que la gagner en conduisant assez lentement pour la perdre. Vous voyez ce que je veux dire » ?

Pierre Ménard

* : Stirling Moss, le champion sans couronne – Ed.Chronosports

Crédits photographiques :
1- Monaco 1958 Vanwall F1 © D.R.
2- 1951 Kieft-Norton F3 © LAT
3- Silverstone 1952 ERA F1 © LAT
4- Sebring 1957 Maserati sport © Archives Bernard Cahier
5- Monaco 1961 Lotus F1 © D.R.
6- Nürburgring 1959 Aston Martin sport © D.R.
7- Monaco 2008 Frazer-Nash Sport © Olivier Rogar

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