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Spa 6 Hours 2021-1
Spa 6 Hours 2021-2
1907 Brooklands (GB), 1909 Indianapolis (USA), 1921 Spa ( BEL), 1922 Monza (I), 1923 Le Mans (F), 1924 Monthlery (F), 1927 Nurbürgring (D).
Il y a cent ans, les grandes puissances faisaient étalage de la supériorité de leur industrie en construisant des circuits sur lesquels les nations concurrentes étaient invitées à s’affronter avec des voitures portant leurs couleurs. L’automobile était le fleuron de la technologie d’alors.
Olivier Rogar
On m’autorisera la comparaison peut-être osée qui me vient à l’esprit, entre ces réseaux routiers dont le summum étaient les circuits de course et les réseaux sociaux actuels. Les puissances dominantes s’y affrontent par milliards d’adhérents et font du monde un terrain de jeux à plusieurs bandes.
Rassembler naguère des nations derrière leurs industriels. Donner envie aux individus d’accéder au progrès en faisant l’acquisition de voitures dont la course avait démontré la qualité. Une manière de concrétiser un rêve social aussi bien qu’une aspiration à la liberté. De mouvement du moins.
Ou permettre aujourd’hui à des individus « mondialisés », de jouir d’une forme d’égalité virtuelle et de liberté sédentaire. Le tout à l’invitation de sociétés américaines ou chinoises qui ont le poids économique de plusieurs états. Monstres électroniques et marketing, capables de déterminer les aspirations personnelles et matérielles des milliards de personnes qui y adhèrent, voire de devancer ces aspirations.
Les enjeux qui ont permis hier à ces circuits d’exister sont les mêmes qui aujourd’hui permettent au « net » de se développer. Avec comme différence une concurrence moins ouverte.
Tout un chacun se satisfaisant plus aisément de la part virtuelle des choses. Comme si l’imaginaire en renonçant au réel ouvrait la porte du bonheur.
Spa – Vitesse avant toute chose
Tel n’était pas l’état d’esprit des individus qui a Spa, à Monza ou au Mans allaient permettre après la première guerre mondiale, l’avènement de manifestations certes internationales mais avant tout sportives.
La Belgique avait eu, elle aussi, une industrie automobile de qualité avant-guerre. Tout le monde se souvient de Minerva mais il y avait aussi Excelsior et Auto métallurgique. Cette dernière avait été emportée avec la destruction de ses usines.
Tout était à faire ou à refaire. Et au début de l’année 1920, c’est pour mettre au point leur projet de circuit que se réunirent à l’Hôtel des bruyères à Francorchamps Jules de Thier, PDG du journal « La Meuse », Joseph de Cerawhez, Bourgmestre de Spa, Le baron Raymond de Tornaco et Henri Langlois Van Ophem, Président de la commission sportive du Royal Automobile Club de Belgique.
Ils décidèrent de créer un circuit naturel de 15,82 km dans la forêt des Ardennes, essentiellement sur des routes ouvertes à la circulation le reste du temps. Spa-Francorchamps était né.
La première course, le Grand Prix de Belgique, le 12 août 1921 fut un flop avec un seul inscrit. La suite fut plus prometteuse, douze concurrents en 1922 dans ce constituait le début d’un longue tradition : une course d’endurance. On passera sur les aménagements successifs d’infrastructures de plus en plus conséquentes.
En 1924 sont courues les premières « 24 Heures de Spa-Francorchamps ». Le 28 juin 1925 a lieu ce que l’histoire retiendra comme étant le premier Grand Prix Automobile de Belgique, il s’agit du Grand Prix d’Europe. Il a été organisé par le Royal Automobile Club Belge à la demande de l’association Internationale des Automobiles Clubs Reconnus ( IAACR).
Au cours de cette période d’entre les deux guerres, le but recherché par les concepteurs du circuit est toujours d’en faire l’un des plus rapides d’Europe. C’est ainsi qu’en 1939 est créé le Raidillon de l’Eau rouge. Il succède au virage en « U » de l’ancienne douane. La rive droite de l’Eau rouge était en effet Belge mais la rive gauche, Prussienne jusqu’en 1871 puis Allemande jusqu’en 1920. Ce nouveau virage, emblématique du circuit, est à la fois plus court et plus rapide. La longueur du circuit est ramenée à 14,12 km.
Spa – Puis vint le temps de la sécurité
Après-guerre, les performances des voitures augmentent et des mesures visant à améliorer la sécurité sont prises. La piste passe de 6 à 9 m de large en 1950 et la plupart des arbres qui bordent le circuit sont abattus. Les premiers rails de sécurité sont implantés en 1958. Cela fait suite à l’accident mortel d’Archie Scott-Brown lors de son duel avec Masten Gregory survenu pendant le Grand Prix des voitures de sport. Les rails se généralisent dès 1963.
Et c’est toujours au nom de la sécurité que ce circuit aux courbes ultra-rapides sera de plus mis en question à partir des années 1960. En effet, lors du Grand Prix de cette année-là Stirling Moss et Michael Taylor se blessent gravement lors des essais et Chris Bristow et Alan Stacey se tuent en course.
Les sorties de route à Spa pardonnent rarement. Le progrès continu permet d’améliorer les performances des voitures et rend le circuit de plus en plus dangereux. Les pilotes, dont notamment Jackie Stewart puis Jean-Pierre Beltoise manifestent ouvertement leur préoccupation. Le Grand Prix de Belgique n’est pas disputé en 1969. Le dernier Grand Prix sur l’ancien circuit a lieu en 1970 et est remporté par Pedro Rodriguez sur BRM devant Chris Amon et Jean-Pierre Beltoise.
Les courses du Championnat du monde d’endurance se poursuivent jusqu’en 1975 et les 24 Heures de Spa-Francorchamps jusqu’en 1978. C’en est fini du grand circuit de Spa-Francorchamps.
Henri Pescarolo, un record pour l’histoire
En 1973 Henri Pescarolo est l’un des piliers de l’équipe Matra en Championnat du Monde d’Endurance. Au volant de sa 670 B il effectue un tour d’anthologie en course (*). Il en attribuera par ailleurs le mérite à la tenue de route de la Matra. Il le raconte lui-même dans la préface du livre de Patrick Sinibaldi consacré au circuit de Spa Francorchamps , publié aux éditions E.T.A.I. Nous la reproduisons ci-dessous :
« Sortant en plein dérive de la source au volant de ma Matra 670, je passe devant les stands. Mon panneau signale que mon avance n’a pas varié depuis le tour précédent. Concentré au maximum , je suis prêt à ne plus céder à cette force impérieuse qui contraint mon pied droit à relâcher sa pression sur l’accélérateur, là où mon cerveau ne le voudrait pas ! Le problème à Spa est que toute faute a des chances de mettre un terme à votre carrière. C’est alors que, comme dans un rêve, progressivement, mon esprit a repris les commandes. D’abord le Raidillon de l’Eau Rouge, à fond de cinq. Je ne ralentis pas. La Matra ne bronche pas, elle est parfaite. Je viens de gagner 400 tr/ mn, je sais que je vais les conserver jusqu’à Malmedy. Ca ne va pas me faciliter la tâche, ce virage est tellement impressionnant, tellement bosselé ! (**) Je n’ai jamais pu le passer sans ralentir. Il faut dire qu’on l’aborde à plus de 330 km/h. Je ne lève pas et aussitôt je me prépare pour le « S » de Masta. J’ai encore pris de la vitesse dans la descente. Tangenter le coin de la première maison avec la roue droite, flirter avec la deuxième maison en gauche en sortie… C’est passé comme dans un rêve. Puis de la même manière, à la limite absolue, je termine mon tour, après Stavelot à travers la forêt, par la Carrière puis Blanchimont jusqu’à la Source. Quand je repasse devant les stands, je ne sais pas que je viens de rentrer dans l’histoire. Le record du tour toutes catégories que je viens de d’établir ne sera jamais battu. Il représente en outre la moyenne sur un tour la plus élevée, jamais égalée même de nos jours sur un circuit routier. Plus de 260 km/h de moyenne !
(*) Jacky Ickx avait été encore plus rapide lors des essais de cette même édition mais le record ne pouvait, semble-t-il n’être validé qu’en course.
(**) Henri Pescarolo évoque ici sans la nommer, la grande courbe de Burnenville.
Spa – Changer sans perdre son âme
Refaire un circuit comme Spa pour l’adapter aux attentes de tous en matière de sécurité sans pour autant lui faire perdre son caractère exceptionnel, relevait de la gageure. Il n’était pas question d’aménager ici un nouveau tracé dans le genre stéréotypé de l’architecte Tilke auquel on doit nombre de circuits actuels du championnat du monde de F1, aussi insipides que lents. Bien que les dégagements qu’ils offrent en sécurisent beaucoup l’exploitation. Avec, en contrepartie, des pilotes qui se trouvent sans cesse en position de dépassement des limites de la piste…
Non. Le passage du tracé de 14 km à celui de 7 km s’est fait avec la contribution active d’un grand connaisseur, à savoir Monsieur Jacky Ickx lui-même. La découpe du nouveau tracé s’est faite comme si on avait relié par une piste dotée de plusieurs virages Les Combes à Stavelot.
Exigeante, gratifiante pour les pilotes, cette piste de caractère, dans un environnement boisé et vallonné est toujours l’une des plus belles du monde, l’une des plus appréciée par les pilotes.
Ce qui justifie pleinement son maintien au calendrier Championnat du Monde de F1. Quelle que soit l’évolution des exigences du promoteur de ce championnat.
L’avis des pilotes
Dan Gurney : « Un tracé qui différencie les hommes des petits garçons. »
Jenson Button : « Un de mes circuits préférés. Un tracé qui propose tout ce qu’un pilote peut désirer. Un des circuits le plus rapides et les plus difficiles du monde…. »
Fernando Alonso « … Tous les pilotes aiment rouler à Spa qui présente un des challenges les plus intéressants du calendrier. Les virages rapides sont impressionnants, surtout l’Eau Rouge et Pouhon…. »
Lewis Hamilton : « Comme Monaco, Silverstone et Monza, Spa est l’un des circuits historiques que j’adorais voir à la télévision lorsque j’étais plus jeune. C’est aussi un endroit magnifique, un circuit sur lequel on peut pousser les F1 à leurs limites. Passer dans l’Eau Rouge, Pouhon ou Blanchimont vous donne des sensations incroyables. Tout votre corps est à la limite et vous continuer à pousser pour aller encore plus vite. Je pense que ce circuit ne devrait jamais quitter le calendrier de la F1. »
Quand Lewis Hamilton a pratiquement les mêmes mots que Pescarolo pour dire que le cerveau prend le dessus pour aller encore plus vite…
Spa – En un tour de piste
En 2021 l’occasion nous avait été donnée de faire un tour de l’ancien tracé de Spa, sous l’égide de Jean-Luc de Krahe et de Happy Years Racing. Dans sa partie désormais abandonnée par le nouveau circuit. En voiture de tourisme d’abord puis avec une De Tomaso Pantera. Sur route ouverte il n’était pas question de faire de fantaisies mais découvrir au ras du sol la courbe de Burnenville ou le « S » de Masta entre les maisons, vous fait respecter à jamais les pilotes tels que Ickx, Pescarolo et beaucoup d’autres qui déboulaient à ces endroits à des vitesses dépassant les 300 km/h…
Les photos qui suivent et illustrent cet ancien tracé sont de Patrick Sinibaldi, déjà cité plus haut. Nous les publions avec son accord.
Nous ne saurions que vous recommander le déplacement si vous ne l’avez jamais fait. Que ce soit pour le Wec ou la F1 et peut être encore préférable, s’il s’agit d’une manifestation historique. Vous sentirez à la fois l’histoire, la vitesse et la proximité.
Remerciements :
A Patrick Sinibaldi dont l’ouvrage « Circuit de Spa Francorchamps » – Editions ETAI – nous a servi de référence et de sources de photos, avec son accord.
A Jean-Luc de Krahe qui nous a servi de guide sur place et a rendu possible cet « emprunt » de la De Tomaso.