De Mathieu Lustrerie à Paulo Antunes et ses Facel Vega en passant par Matra Sports ou Bizzarrini. De reconstitutions en renaissances, Rétromobile est une terre de passionnés que peu de choses arrêtent. Quelques exemples.
Olivier Rogar
Mathieu Lustrerie illumine Rétromobile 2024
L’homme de Gargas, Régis Mathieu, s’y entend pour faire briller les objets de nos rêves. Cette année il a illuminé de son art plusieurs parties du salon. Le « Club », le patrimoine vivant et l’une des MG de records.
Comme il nous l’a fait remarquer, les spots qui éclairent les voitures sont la plupart du temps zénithaux. Créant des champs lumineux souvent pénalisants pour les visiteurs et les photographes. Des lumières plus douces, moins hautes, créent une atmosphère qui bénéficie aux expositions, une ambiance apaisée, rapprochant les gens et les objets dans une intimité complice.
Matra Sport
Idec Sport Racing s’est fait particulièrement remarquer l’an passé en s’associant visuellement au projet Delage de Laurent Tapie ( * Le fils de Bernard) . D’un côté une équipe impliquée depuis 2015 en ELMS et de l’autre une marque prestigieuse, relancée par la construction d’une hypercar, la D12. La livraison des premiers exemplaires d’une série de 30 devrait bientôt commencer. Toutefois lors du salon Rétromobile on ne parle plus de Delage sur le stand d’Idec mais de Matra Sport ! La surprise est de taille. On en saura plus prochainement mais il semble que la marque a été concédée par les ayants droit, directement ou non au groupe Idec. Le challenge est de taille car le souvenir des succès de Matra en course est encore récent. La marque est auréolée d’un nombre de titres qui font encore se gonfler d’orgueil et de fierté les boomers français, leurs pères et leurs fils ! Tel est l’art de se mettre la pression.
Des installations sont en cours de construction entre Signes et le Paul Ricard. Elle abriteront ateliers de restauration, de course, conciergerie, club. Liste non exhaustive. Comme tout ce que produit Patrice Lafargue, c’est du sérieux. L’ancien pilote Nicolas Minassian est de la partie tout comme Gérard Neveu, ex-directeur du circuit puis CEO du WEC. On y reviendra.
- : voir notre article : Le Mans Classic 2023
Bizzarrini
Giotto Bizzarrini nous laissera l’image d’un ingénieur ayant du génie qui a lâché la proie pour l’ombre. Il a participé à la création de la monumentale Ferrari 250 GTO. Puis il a fait partie en 1961, de la révolution de palais qui a vu une partie du staff de Ferrari quitter Maranello. De projet en projet Bizzarini a laissé sa marque. Une marque exceptionnelle. Jugez en : La 250 Bredvan pour l’écurie Serenissima du Comte Volpi, le moteur V12 Lamborghini, L’ISO A3L…
Puis il s’est mis à son compte, plus comme consultant mais comme fabriquant de voitures. On lui doit la Bizzarrini 5300 GT Strada et sa version course, la 5300 GT Corsa issues de l’ISO. 9e place au général au Mans 1965 et victoire en proto + 5L avec Fraissinet et Mortemart. La suite sera faite de créations sporadiques et sans lendemain, rendant compliquée la fin de carrière de l’ingénieur.
En 2020 une nouvelle société est fondée autour de Bizzarrini, une filliale de Pegasus Brands. Alroumi Group Holdings est partie prenante dans le projet. Le PDG du group, Rezam Alroumi, était déjà le maître d’oeuvre de l’alliance d’investisseurs qui avait repris Aston-Martin Lagonda en 2007. On peut prédire de fortes ambitions pour la marque créée par Giotto. En premier lieu un hommage lui est rendu avec le lancement d’une série de 24 exemplaire de la 5300 GT Corsa. Lien entre passé et présent, fondement de nouvelles ambitions. L’image de Bizzarrini suffira-t-elle ? Gageons que les moyens mis en oeuvre et le public ciblé le permettront.
2024 devrait voir l’arrivée d’une hypercar, la Giotto.
Paul Antunes et Facel Vega
Nous suivons Paulo Antunes avec attention. Peu à peu son rêve prend forme et les photos de synthèse de sa « Le Mans » plaident pour le sérieux de la réalisation. Le fameux Raoul que connaissent tous les youtubeurs l’a rejoint pour tester, développer et éventuellement piloter la belle. Pour notre part nous n’avons aucun doute sur la compétence technique d’Antunes Automobiles et la concrétisation du projet. Réalisation qui donnera encore plus de visibilité à son créateur. Nous sommes simplement étonnés de sa solitude dans l’effort. L’exemple de Delage et de IDEC dont on a parlé ci-dessus a renforcé l’image des deux marques en 2023. De Facel Vega, outre les anciennes, il ne reste que l’Amicale et le projet Le Mans. Nous n’avons pas l’impression qu’ils marchent main dans la main. Pourtant, quelle opportunité !
Itala 35/45 HP 1907 Pechino – Parigi
Une histoire de fous comme le début du XXe siècle a su en produire à foison. Un défi automobile organisé par un journal. Nous sommes en janvier 1907 et l’Aurore lance les téméraires équipages dans une course Paris-Pékin. Course qui s’inversera pour devenir Pékin-Paris afin d’éviter les effets de la mousson et qui n’est pas une course puisque les équipages devront s’entre-aider en cas de besoin. On passera ici sur les contraintes diplomatiques, géographiques, topographiques, logistiques et mécaniques : des quarante candidats initiaux, on ne trouve plus que cinq au départ le 10 juin 1907.
Le prince Scipione Borghèse avec son mécanicien Ettore Buzzardi et le journaliste Luigi Barzini sur une Itala,
Charles Godard et le journaliste du Matin Jean du Taillis à bord d’une Spyker néerlandaise sans mécanicien, Georges Cormier à bord d’une De Dion-Bouton et son mécanicien Jean Bizac, Jean Collignon à bord d’une De Dion-Bouton et le journaliste italien Eduardo Longoni, enfin Auguste Pons sur une Motori Contal. Les équipages franchissent en roulant ou sur bateaux ou en pièces détachées, les obstacles qui du désert de Gobi aux steppes de Sibérie entravent leur marche courageuse.
Fin juillet le prince Borghese arrive à Moscou, le 5 août à Berlin et le 10 août à Paris. 16000 kilomètres d’absence de route ont été parcourus en deux mois. Seul Pons a du abandonner. L’Itala des vainqueurs est garée sur une estrade sur les Champs Elysées. Après la gloire vint l’oubli mais la voiture fut sauvée par Itala qui, avant le fermeture de l’usine en 1933, fut offerte à Carlo Biscaretti créateur du musée automobile de Turin.
La seconde Itala du salon exposée par un annonceur serait une voiture retrouvée en Grande Bretagne dans les années 50 et restaurée puis reprise en 2005 pour en faire une réplique parfaite de la « vraie ». Elle a participé à la réédition de la course en 2007.
Renault
J’aurais tendance à pardonner la schizophrénie latente des grands constructeurs. Des produits à vendre. Donc plutôt dans l’air frelaté du temps et un ancrage dans le passé pour légitimer une histoire et se rassurer comme on peut sur l’avenir. Je fais partie depuis le début de cette folie, de ceux qui pensent que la voiture électrique est une vaste …bêtise pour rester poli. Je souhaite avoir le temps d’y revenir en approfondissant sérieusement le sujet et ses paramètres car j’ai à dire.
Toutefois concernant Renault, je pense qu’ils se font pardonner avec ce stand leurs errements passés. Ils parlent de patrimoine. Montrent des maquettes de R5 Electriques et un malheureux SUV à piles surnommé le Rafale. J’y vois une certaine forme d’humour. Pourquoi pas Redoutable, il doit peser quatre fois le poids du Caudron ? Conforté dans cette idée par la présence des baby-foots. Dans le style, « Bon on fait une pause en attendant que ce délire électrique prenne fin ». Et ils nous montrent sur un podium de superbes engins de vitesse, de record aux couleurs bleues de notre pays. Totalement incorrects politiquement ! Quant à la nouvelle dénomination Rnlt, c’est sans doute pour nous donner du grain à moudre. Renault Classic pourtant, ici ça nous plaisait.
Voisin
Dans cette histoire il y a le génie et la personnalité de Gabriel Voisin. Prenons le Petit Duc. Une voiture des années 30 utilisées jusqu’en 1955 et qui fut sa dernière voiture. On la voit en photo avec Voisin lui – même. Elle n’est pas en très bon état. Et pour cause : elle lui a servi de voiture expérimentale. Toujours contrarié par les problèmes de transmission résultant du faible couple du moteur à explosion, il est revenu au cours de la guerre, en 1941, sur la solution du moteur à vapeur. Ensuite elle fut dotée d’un moteur 3L pour pouvoir tracter sa caravane. Quant au coffre qu’on aperçoit, il était destiné à recueillir son matériel de pêche. Depuis elle a été restaurée.
Par ailleurs la silhouette du grand ingénieur André Lefebvre apparait derrière le capot de la Petit Duc sur la photo en couleur. On lui doit toutes les innovations techniques de Citroën mais c’est auprès de Gabriel Voisin qu’il a fait ses armes et a acquis sa « philosophie » technique. En deux mots : Légèreté et centrage des masses.
Renaissance enfin avec la reconstitution du prototype Aerosport de 1935 dont la forme est tellement hors normes qu’elle en devient fascinante. (Carrosserie alu sur structure en lamellé collé et moteur 3.3L sans soupape, 150 km/h).
Artcurial
Ces ventes aux enchères sont autant de possibilités de renouveau pour les biens proposés. Il y a la aussi conjugaison de la passion et d’une forme de renaissance. La belle 250 GT California, n’a pas trouvé preneur au moment de la vente, mais cette dernière fut intéressante. Les estimations semblaient plus raisonnables que l’an passé. Les non ventes ont sanctionné les hypercars. Nous ressentons néanmoins un tassement du marché. La Porsche 911 2.0 S ex-JC Killy ne s’est pas vendue. Elle était semble-t-il un peu chère et à ce niveau, comme me l’a laconiquement fait remarquer JCK lui-même, il aurait fallu qu’elle soit restaurée par Porsche…