Racing Solutions nous ont ouvert leurs portes juste avant un Tour de Corse Historique pour lequel ils mettaient la dernière main à une Subaru Legacy construite chez eux et « raide de neuf ».
Le rallye, voici une discipline qu’on aime et dont on ne parle pas assez sur Classic-Courses. Donc, lorsque l’occasion se présente, on en profite avec jubilation.
Olivier Rogar
Pour aller plus loin :
Racing Solutions
Tour de Corse Historique
Un peu d’histoire
De Nakajima…
Tout avait commencé en 1917 avec la création de sa Compagnie Aéronautique Chikuhei Nakajima. Il allait devenir le plus gros producteur japonais d’avions de combat au cours des années 1930-1945. 16763 avions sortirent de ses usines, soit plus de la moitié du total de la production japonaise. Si l’on parle des moteurs, cette part monte à 88%.
Cela donne un aperçu de la puissance du groupe et explique que dès la paix revenue, l’administration du commandement suprême des forces alliées dans le Pacifique le démantela en quinze entreprises différentes. Plusieurs d’entre- elles se regroupèrent sous le nom de Fuji Sangyo Co. Ltd puis Fuji Heavy Industry en 1953. Leur production était centrée sur des avions civils, des scooters et des voitures. En l’occurrence, les fameuses Subaru dont la marque apparut en 1956.
Le Marché Unique Européen fut instauré en 1993. Les biens, les services, les personnes, les capitaux circulent donc librement au sein de l’Union Européenne depuis lors. Mais se souvient-on des quotas limitant à 3% du marché, pour la France, les importations de voitures japonaises ? Ils tomberont graduellement à partir de 1993 pour disparaître en 2000. Pour cette raison Subaru n’était pas connue chez nous avant 1992 et le début de l’importation de ces étranges voitures.
Subaru signifie Pléïades en japonais mais aussi la notion de se réunir. Six des étoiles de cet amas étant visibles à l’œil nu, ce nom fut adopté en référence aux six entreprises qui constituèrent le groupe Fuji Heavy Industry suite au démantèlement de Nakajima. Depuis 2017, Subaru étant la marque la plus connue du groupe, elle s’est substituée à Fuji Heavy Industry comme appellation globale sous la forme de « Subaru Corporation ».
…à Subaru
La marque est connue en France depuis le début de son importation en 1992 et les exploits en rallye des Impreza. Mais elle se distinguait de la production normale par le recours à la traction intégrale, qui était en Europe l’apanage d’Audi et dans une mesure plus confidentielle, de Porsche avec sa 964. Et puisqu’on parle de Porsche, un autre point commun les réunissait : le recours au moteur à plat. Quatre cylindres pour Subaru, comme sur les 356 et 912.
La chronologie de la montée en puissance de la marque en quelques étapes clé :
En 1958 sort la première Subaru, la 360 qui sera construite à plus de 400 000 exemplaires jusqu’au début des années 70.
En 1965, la 1000 est la première Subaru dotée d’un moteur à plat et la première traction avant japonaise fabriquée en série.
En 1972, le break Leone bénéficie d’une traction intégrale avec trois différentiels.
En 1989 est lancée la Subaru Legacy qui fait entrer la marque dans le domaine des voitures de tourisme plus raffinées, aux prestations élevées, avec des moteurs allant jusqu’à 220 ch et la transmission intégrale en série sur le haut de gamme.
En 1990 la Legacy est engagée en rallye et c’est précisément ce qui nous intéresse ici.
Engagement en WRC
Le Subaru World Rallye Team étrenne la Legacy
On pourrait se demander pourquoi Subaru s’est lancé dans cette aventure, étant peu connue et devant attendre de cette expérience des remontées somme toute modestes compte tenu son absence totale d’antécédents en la matière.
Pourtant les choses furent réalisées très sérieusement, comme souvent avec les Japonais. En 1990 la Legacy fut choisie comme cheval de bataille. Il faut rappeler que la réputation de rusticité des Subaru Leone leur destinait jusqu’alors les rallyes les plus durs, en Afrique notamment. L’arrivée de la nouvelle auto sera également consacrée par l’épreuve de la piste – en terre – et ce sera, dans la cadre du championnat du monde des rallyes – WRC – le Safari Rallye. Pas moins de six Legacy y furent engagées, cinq en groupe A et une en groupe N. Avec une 6e place en Gr A et une 8e place en Gr N. Au cours de cette année, les pilotes Subaru avaient pour nom : Marku Alen, Mike Kirkland, Peter Possum Bourne, Ian Duncan, Jim Heather Hayes, Patrick Njiru, François Chatriot et Derek Warwick ( On retrouve la F1 !).
En 1991 la Subaru finit 3e du rallye de Suède (Marku Alen) puis 2e en 1992 (Colin McRae). La même année elles finirent 2e et 6e au RAC Rallye (Ari Vatanen et Colin Mc Rae). Enfin en 1993 elle remporta la première place au rallye de Nouvelle Zélande (Colin Mc Rae). Une fin de carrière en apothéose pour celle qui sera bientôt remplacée par la plus compacte et légère Impreza. Cette dernière permettra au constructeur Japonais de remporter trois fois le titre mondial en 1995, 1996 et 1997 et trois fois le titre pilote avec Colin McRae (1995), Richard Burns (2001) et Peter Solberg (2003).
La Legacy en historique
Quand on pense Rallye Historique, on pense suivant son âge aux Alpine, Porsche, Lancia, Renault 5 Turbo, 306, Xsara mais moins fréquemment aux Subaru Legacy. Elles sont moins emblématiques que les Imprezza mais, au contraire de ces dernières, agréées en VHC (Véhicules Historiques de Compétition) et VHRS (Véhicules Historiques de Régularité Sportive) par la FIA.
On n’évoquera ici que la plus puissante des Legacy, homologuée en full Gr A. Et ses pilotes sont unanimes : solidité, facilité d’utilisation, tenue de route assimilable sans être un acrobate du cerceau, aisance, grâce à ses quatre roues motrices, sur le gras et le mouillé.
Plusieurs préparateurs ont eu la pertinence de cibler ce modèle et de mettre sur le marché. Lorsqu’on voit le nom des pilotes qui lui ont permis de glaner ses principaux titres, il y a matière à s’y intéresser de très près. C’est le cas de Racing Solutions.
Racing Solutions
Tapie dans une discrète zone artisanale du Haut Var, terre de rallyes s’il en est, l’officine créée par Philippe Dran Padovani avec le concours de l’ancien pilote Frédéric Capuccio vous fait immédiatement pénétrer dans le monde Subaru. Dehors, des caisses « ayant vécu » de Legacy, dedans des pièces aux couleurs 555 qui rappellent de bons souvenirs aux amateurs et à l’intérieur des autos en cours de construction ou de finition, dans une ambiance clinique.
Comme vous le savez, si Classic Courses est un repaire de passionnés de compétition, il nous arrive plus souvent de placer les hommes au cœur du sujet que les autos. Dans cette présentation, les deux seront à égalité. Même si on a envi de parler de ces autos, c’est comme presque toujours une histoire d’hommes qui a prévalu dans cette création.
Philippe Dran Padovani
Philippe, est le boss. Son métier, garagiste. Non pas du tout. On vous l’a dit, on le répète, on parle ici de passion. Philippe est un capitaine au long cours. Un capitaine de motor yachts en l’occurrence. Ceux que vous admirez ou détestez dans les ports de Méditerranée ou des Caraïbes ou d’ailleurs. Et comme entre deux saisons, il lui arrive d’avoir du temps libre, il donne cours à sa passion pour le rallye. Avant cela il est passé par la moto avec la Coupe Kawasaki dans les années 70 puis il a accédé au rallye en 1983 comme co-pilote. Avec plusieurs pilotes dont Patrice Zaina, Antoine Albertini ( Champions de France Groupe N en 1987 sur Peugeot 205) , Antoine Casabianca (2e Coupe Peugeot sur 205 Gr A) ; Patrick Bernardini.
Après une pause de 1992 à 1997 pour raisons professionnelles, il s’est relancé en rallyes sur terre avec Félix Santarelli sur Visa 1000 pistes et les années passant il a sauté le pas vers l’historique en 2010 avec André Caruso , préparateur et pilote, en étant lui aussi selon les cas, co-pilote ou pilote. Il s’agissait d’une 911 Gr4 pas si facile à mener…
C’est à ce moment que la passion a -encore- frappé et qu’il a décidé en 2020 de créer son propre garage pour préparer des voitures historiques de rallye. Racing Solutions était né.
Frédéric Cappuccio
Il est la cheville ouvrière de Racing Solution. Il vient de la moto, sa famille ayant un garage spécialisé à Saint Tropez. Il y travaillait et entretenait aussi des jets-ski. Ce qui lui a valu de rencontrer le pilote de rallyes François Delecour et son copilote de l’époque, Daniel Grataloup. François lui a proposé de participer à ses essais de la Peugeot 306 Maxi, l’a embarqué avec lui et il a eu le déclic.
Il a débuté en rallye en 2000 et a remporté en 2004 le Volant Peugeot sur une 206 XS, ce qui lui a permis d’être pilote officiel Peugeot en Championnat de France sur Asphalte en 2005 sur Peugeot 206 RC N3. Un souvenir aigu où il a pu réaliser la capacité que l’on a parfois de se mettre dans un état second pour réaliser une performance. Une sensation vertigineuse qui nous rappelle ce qu’avait ressenti et su exprimer Ayrton Senna lors des essais du GP de Monaco.
Malheureusement pour que tout se passe bien, il faut que les étoiles soient alignées. Le plus fréquent étant qu’elles ne le soient pas… Fin 2005 Peugeot a fermé Vélizy où étaient préparées les voitures de rallye. Il n’y avait plus de programme en WRC. Fin du programme PSA en rallye. Frédéric a donc continué en amateur, là où il le pouvait, et quand son travail le lui permettait. Il a notamment participé au championnat de France des rallyes avec une Porsche 997 GT3 qui ne lui a laissé que de bons souvenirs malgré un coût d’exploitation élevé.
Lorsqu’il a recroisé le chemin de Philippe en 2019, le projet de ce dernier le séduit, d’autant plus qu’il a préparé lui-même une Ford Escort pour courir en VHC. Les deux hommes lancent la machine Racing Solutionnes commençant par la 911 Gr4 et deux R11 Gr A. Et presque naturellement, cherchant à pérenniser leur savoir-faire dans le monde très concurrentiel de la voiture historique de compétition, il décident de se spécialiser dans un modèle et un seul.
La Subaru Legacy de Racing Solutions
La réflexion stratégique, le goût pour les Subaru et leur savoir faire les amènent à la Legacy. Homologuée. Rare. Abordable techniquement. Accessible par ses qualités de solidité et de tenue de route. Polyvalente, elle est aussi à l’aise sur asphalte que sur terre. D’une prise en main sécurisante, elle présente globalement un très bon rapport prix/ polyvalence/ fiabilité.
Peu importée en France à l’époque, trouver des Legacy n’est pas évident. Celles de Racing Solutions proviennent surtout de Belgique, d’Allemagne et des Pays-Bas. Les caisses sont totalement mises à nu et envoyée chez le spécialiste Matter qui les décape, soude l’arceau homologué indispensable à la destination de la voiture et les retourne à Racing Solutions qui va les (re)construire de A à Z.
Un réseau de sous-traitants et fournisseurs s’est peu à peu mis en place. Oreca notamment comme équipementier. Très pros et réactifs comme le précise Philippe. Q Sport, FP Carrosserie (c’est à Cyril Feraud que nous devons les magnifiques décorations historiques des voitures). Les qualités que partagent ces partenaires sont l’écoute, la réactivité, les prix et la disponibilité.
Et chez Racing Solution, on ne se contente pas de commander les pièces et de remonter la voiture. On conçoit en informatique et on fabrique les protections en kevlar, les bols de frein ( sur un modèle réalisé en impression 3D), le réservoir en aluminium homologués FIA, le carter de protection placé sous le moteurs, les reposes pieds, le tableau de bord, le levier de vitesses.
Victor Aillaud, l’informaticien crée les maquettes des pièces en 3D ainsi que les boitiers électroniques et la cartographie. Il suit et interprète les data pour vérifier le bon fonctionnement des autos avant livraison aussi bien qu’en course.
La qualité de fabrication et d’assemblage est impressionnante et comme les spectateurs assistants au passage des autos Racing Solution, une question remonte fréquemment : « Est-ce une Prodrive ? ». Oui Prodrive qui gérait les Subaru en course et dont la taille est sans commune mesure avec celle de Racing Solutions. Quel plus bel hommage ?
Une demande soutenue
Les Subaru Legacy ont eu deux variantes, la phase 1 a été produite de 1989 à 1991 et la phase 2 en 1992. Elles pèsent 1360 kg, leur moteur 4 cylindres à plat développe 300 cv avec 40 mkg de couple. Il est doté d’un turbo avec intercooler à eau, ce qui est assez rare. Quatre disques ventilés, une boîte cinq et trois différentiels autobloquants lui permettent de bonnes performances en toutes circonstances. Elles ont leur Passeport Technique Historique (PTH) FIA.
Ces caractéristiques attirent nombre de gentlemen drivers dont certains concrétisent un rêve ou donne corps à une passion. Il le faut parfois dans une vie accomplie ! Cinq voitures on été construites ou sont en cours.
La n°1 pour le Team Evo Motor Sport.
La n°2 fait de la terre avec Philippe Herran
La n°3 bleue et jaune que vous voyez dans ce reportage est destinée à faire de l’asphalte et de la terre.
La n°4 est la bleue de Jean-Jacques Julien
La n°5 va bientôt être commencée.
La Subaru « Castrol » Racing Solutions au Tour de Corse Historique 2024
L’un des plus beaux Rallyes, celui qu’on appelait Rallye des 10 000 virages, revit ses heures de gloire grâce à sa version historique. Il a eu lieu du 5 au 12 octobre. Il comptait 203 engagés en VHC et 152 en VHRS. Engagée en VHC, « notre » Subaru portait le n°120, pilotée par Jean-Claude Billot, son propriétaire et copilotée par Pierre Ruffin.
La liste des engagés comprenait notamment Alain Oreille, Julien Saunier, Tom Pieri , Jérôme Mancini, Philippe Gache, Jos Verstappen (le père de Max), ce qui donne une idée du niveau.
Jean-Claude Billot fut parmi les 96 engagés à voir l’arrivée et il le fit avec brio, terminant à la 35e place du rallye, parmi les BMW M3, Porsche 911et Ford Escort qui avaient dominé le rallye. En spéciales, ses classements allaient de la 30e à la 56e place. Pour la première course d’une auto qui sortait tout juste d’atelier, c’est très encourageant pour la suite en ce qui concerne le pilote et pour la réputation de Racing Solutions en ce qui concerne la qualité de préparation.
Racing Solutions et le futur de l’historique
On a évoqué ici cette belle aventure qui nous a conduit au Tour de Corse Historique. Une voiture neuve qui termine sans le moindre problème une épreuve aussi exigeante que le Tour ne Corse, ce n’est pas fréquent. Et c’est peut-être là qu’on attend Racing Solutions. En effet bien que de taille modeste, nous dirons plutôt de taille « humaine », cette « Officine », dans le meilleur sens du terme, travaille avec les process, les outils et les compétences de structures bien plus importantes.
On la sent non seulement capable de préparer des autos avec l’excellence qu’ils viennent de démontrer mais aussi d’évoluer vers la prise en mains de projets complets, en historique bien sûr mais aussi en moderne. On attend la suite avec impatience.