Les pilotes du GP de Monaco Historique ont des profils variés. Anciens pilotes, Ingénieurs, amateurs passionnés, chefs d’écurie, ils viennent chercher ici l’adrénaline que procure l’un des circuits les plus exclusifs du monde. De l’exceptionnel challenge lié à la difficulté du circuit à la satisfaction intense « d’en avoir fait partie ». Ils évoquent avec nous leur propre expérience.
Olivier Rogar
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Résultats des courses
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Fred Lajoux
Le pilote Monégasque est un habitué des plateaux F3 historiques où il joue régulièrement victoire ou podium. Et chaque année, il s’offre son Grand Prix de Monaco. Jusqu’à présent on avait l’habitude de le voir sur une Arrows de 1978 aux couleurs Warsteiner, mais cette année il est inscrit sur la Surtees TS19 de 1976 ex Alan Jones aux couleurs Durex. Ce qui lui inspirera la mention « EXDUR » sur sa combinaison. On est en historique, que voulez-vous…
8e temps aux essais sur 20 concurrents, il finira 6e en course.
OR-CC : Fred, un gros changement avec cette Surtees ?
Fred Lajoux : J’ai fait 25 tours en tout et pour tout sur cette voiture que je ne connaissais pas. On a essayé de trouver les réglages. On a bien solutionné les problèmes d’instabilité du train arrière, d’étagement de la boîte. Mais je n’ai jamais réussi à la faire tourner dans les serrés. Donc mes pneus ont surchauffé. Et je ne pouvais pas faire beaucoup mieux. Devant ça va super vite. Mais devant ce sont des mecs qui courent tout le temps et les quatre premiers sont inscrits dans les quatre catégories, donc ils sont douze fois en piste dans le week-end ! Imagine le rythme qu’ils ont ! Ils sont redoutables.
OR-CC : Est – elle très différente de l’Arrows sur laquelle on te voit d’habitude ?
Fred Lajoux : Déjà il n’y a pas d’effet de sol . C’est un peu comme une grosse F3, assez joueuse, plaisante mais tu es quand même moins en confiance. Moins stable. L’Arrows a un empattement plus long, l’effet de sol… Il n’y a que deux ans d’écart entre les deux voitures mais ce sont les deux ans où tout a changé.
Ici la Surtees est très piégeuse dans les rapides. Pas survireuse mais quand tu braques tu as l’impression d’avoir des roues arrière directrices. Tu n’es pas en confiance. Tu sens que le train arrière est à deux doigts de t’échapper. On l’a donc bien baissée de l’arrière et on a bien résolu le problème. Mais l’avant on n’a jamais réussi à le faire tourner correctement dans les serrés. Dans les rapides et moyens ça allait. Mais dans les serrés elle ne tournait pas.
OR-CC : On entend certains pilotes dire que les Teams anglais ont les meilleures pièces, notamment pour leurs moteurs. Pièces inaccessibles aux « continentaux ».
Fred Lajoux : Je partage ce sentiment. Mais pas de là à dire qu’ils ont des cylindrées plus grosses ou des moteurs pipés comme on l’entend parfois. Je ne m’avance pas là-dessus. Ce qui est sûr c’est que tous les mecs qui jouent devant ont des voitures hyper peaufinées. Il y a un gain de ce côté. Mais pour moi ça vient surtout du fait que les mecs roulent tout le temps, tout le temps, tout le temps ! Et faire rouler une F1 ça coûte un saladier !
Soit tu le fais pour gagner et tu mets de très gros moyens. Soit tu fais comme tu peux mais tu ne peux pas gagner.
En F3 je roule pour gagner. J’ai un super matériel, on met les moyens qu’il faut, mais c’est de la F3, ce n’est pas le même prix.
OR-CC : Que penses tu de cette moyenne d’âge des pilotes qui diminue d’année en année en historique ?
Fred Lajoux : Je suis assez partagé. D’un côté je trouve ça bien parce que ça apporte du sang neuf et ça perpétue l’engouement pour ces voitures-là. Et ça assure un avenir à ces compétitions. Donc c’est plutôt bien. Après tu as des pilotes pros. C’est un peu moins l’esprit du truc.
Il y a des différences de niveau importantes entre les pilotes. Mais il ne faut quand même pas oublier qu’en F1 historique et en particulier à Monaco, les vedettes ce sont les voitures et pas les pilotes. Il faudrait peut-être trouver une règle qui harmonise les performances. Mais d’un autre côté c’est bien qu’il y ait de jeunes pilotes.
Alors évidemment il y a des différences de performances, mais ça se gère. Et quand on regarde la Tyrrell qui s’est mise en tête à queue, ça a entrainé un drapeau rouge. Et lors du nouveau départ on a mis cette voiture qui naviguait dans le peloton de tête, en dernière position. Ce qui me semble anormal. On reprend le classement au tour précédent. Il aurait dû repartir de sa place, la 3e. Quand on met un mec aussi rapide à l’arrière il y a des risques que ça bouscule lors de la remontée qui va suivre immanquablement. J’ai connu ça il y a deux ans. Je n’avais pas de chrono à cause d’un problème technique et je suis parti dernier. Pour finir 4e, çà n‘arrête pas.
OR-CC : Tu regardes les autres voitures ?
Fred Lajoux : Ah je regarde TOUTES les autres voitures ! Sentimentalement je suis touché par les voitures des années 70 parce qu’à cette époque, j’étais ado et tous les ans j’étais dans le paddock à chasser les autographes des pilotes ou les autocollants des écuries. Cette période me touche particulièrement. La Wolf de Scheckter que j’ai vue gagner en 1977 lors de sa première apparition ici est super belle. Il y en a d’autres, la Shadow DN9 Villiger, magnifique. Dans les plus modernes aussi, comme les Tyrrell 011 ou 012. Je suis moins touché par les autos qui étaient championnes à l’époque . Les Lotus, McLaren etc… De magnifiques autos mais je suis plus sensible aux exploits des écuries moins fortunées, les vrais « garagistes » ou « assembleurs » , ceux qui achetaient un Cosworth, rivetaient quatre boûts de tôle et faisaient une F1. Il n’y avait pas deux autos qui étaient pareilles.
Les avant-guerre sont très belles et indissociables de l’histoire du GP de Monaco mais en piloter une ne me dit rien du tout. Ah non ! Mais pas du tout, du tout, du tout ! A la limite les F1 1500 cc, oui. Mais pas ce qui est plus ancien. Pas d’intérêt pour moi.
OR-CC : As tu apprécié l’hommage rendu à Ayrton Senna ?
Fred Lajoux : Je crois que ça aurait été une erreur de ne pas le faire. Un pilote emblématique. Le plus grand nombre de victoires ici à Monaco, six victoires. Et le 30e anniversaire de sa disparition
OR-CC : Regardes-tu la F1 moderne ?
Fred Lajoux : Je crois que je regarde davantage par reflexe que par réel intérêt. En fait ce qui m’intéresse et me motive à regarder c’est la présence de Charles (Leclerc) et de Fred (Vasseur). Pour le reste les courses sont rarement intéressantes. Il y aurait à dire sur la réglementation. C’est devenu un championnat Hi-tech, plus de constructeurs que de pilotes. Et ce n’est pas l’essence de la F1. Pour moi, la F1 ce sont les pilotes. Les constructeurs devraient être en WEC et la F1 devrait avoir une règlementation qui met en avant les pilotes. Quitte à diminuer l’aspect haute technologie.
Gregor Fisken
Le grand marchand anglais est un habitué de Monaco, comme il l’est également de Goodwood et de nombreux autres circuits « historiques ».
OR-CC : Gregor comment s’est passée cette séance de qualification ?
Gregor Fisken : Nous avons eu un problème avec les freins arrière. Ils se bloquaient, l’arrière avait des soubresauts. Ça influe sur l’équilibre de la voiture. Mais dans la gestion de la séance de qualification je n’aurais de toute façon pas pu faire mieux. J’ai suivi la Maserati 300 S de Claudia Huertgen. Elle était plus rapide. En la suivant j’aurais pu améliorer. De façon réaliste j’ai fait 2’02’’, la voiture aurait pu faire 2’01’’ peut être un peu mieux. Mais je n’aurais jamais pu descendre vers les 1’59’’. Pour cela il aurait fallu des freins à disques. On a des tambours à l’arrière. Donc la performance et le temps au tour sont probablement corrects.
OR-CC : Tes prévisions pour demain ?
Gregor Fisken : Nous sommes en 6e position au départ. Ce n’est pas une piste facile pour remonter. Mais je crois qu’avec beaucoup de trafic, il y a des chances que je puisse améliorer la position demain pendant la course. Ce qui est sûr c’est qu’on va s’amuser ! Et la voiture est à sa place en termes de performances.
OR-CC : Pourquoi es-tu engagé sur cette HWM en Sport alors que les années précédentes on t’a vu sur la Shadow DN5, en F1 ?
Gregor Fisken : Oui effectivement. La Shadow a un nouveau propriétaire. Malheureusement il a eu un accident pendant la première séance d’essais. Mais lui n’a rien, c’est le principal. Donc tu sais je voulais essayer quelque chose de nouveau. Cette voiture était disponible. Elle est à vendre. Donc c’était une opportunité agréable de l’amener à Monaco. Et j’ai eu de bons résultats déjà avec cette voiture à Silverstone où j’ai gagné et j’ai aussi bien fini à Goodwood, en deuxième position. Donc mon rêve ici serait de faire un podium ! Et sinon, on essayera de faire bonne impression.
OR-CC : Et que penses-tu du Grand Prix Historique de Monaco ?
Gregor Fisken : Pour moi, venir à Monaco tous les deux ans est un rêve. Piloter ici. Avoir des voitures différentes. Regarde cette voiture, elle a besoin de beaucoup plus d’engagement du pilote d’une certaine manière qu’une F1. Il n’y a pas de bons freins, on doit gérer le poids de la voiture mais elle a une bonne puissance. Elle fait 340 cv. Ce qui n’est pas mauvais. Et elle doit peser environ 1100 kg. Pour 1955 c’est exceptionnel.
Et pour revenir à Monaco avec Goodwood et Le Mans Classic, c’est le Ruban Bleu !
Nicolas Matile, pilote et Sébastien Boulet, Team principal Zig Zag Motorports
L’écurie varoise ZIG ZAG Motorsports, dirigée pas Sébastien Boulet, engageait les deux autos du pilote monégasque Nicolas Matile. Située au Luc, l’écurie bénéficie des infrastructures du circuit adjacent. Ecole de pilotage, coaching, maintenance et assistance courses constituent la palette des services proposés.
Nicolas Matile, nous a expliqué que passionné depuis toujours a pourtant découvert le pilotage sur le tard. Karting puis F4 et FR sur le circuit du Luc ont fini de le convaincre qu’il lui fallait tenter quelque chose de « Grand ». Il a simplement acheté deux F1. Une Matra MS 120B de 1971 Ex Jean-Pierre Beltoise avec le fabuleux V12 Matra et la March 771 de 1977 ex Ian Scheckter. ( On dit de lui qu’il a trouvé cette voiture si mauvaise en 1977 qu’il a repris le modèle de 1976 pour courir)
Aux essais il a réussi des qualifications respectables avec une 11e place pour la Matra et une 13e place pour la March. Comme il nous l’a dit, « Etre là est fantastique et les sensations ressenties avec ces voitures sur le circuit de Monaco sont absolument incomparables ».
En course toutefois les aléas mécaniques de la Matra ont douché les espoirs d’un bon résultat. Une surchauffe engendrait un arrêt aux stands. Handicap insurmontable sur cette piste courte avec un nombre de tours restant à couvrir aussi restreint. De quoi entretenir des regrets puisque seuls 3/10 le séparaient de l’autre Matra MS 120 qui finit sur le podium. Quant à la March, elle fut la victime indirecte d’une course relancée après trois drapeaux rouges et réduite à 7 tours.
Au fil des aléas et des relances, certaines voitures très performantes se sont retrouvées en queue de peloton avec la vitesse nécessaire pour remonter au classement. Quand on sait à quel point il est difficile de doubler sur ce circuit, même avec des F1 des années 70, ça a un peu bousculé. Nicolas Matile a été victime d’un involontaire « brake test » de la voiture qui le précédait. Dommages limités heureusement. Sur 23 concurrents Nicolas, classé 17e, a réalisé le 8e meilleur temps en course.
A revoir dans deux ans !
Adrian Newey
Pour tous les passionnés de F1, c’est l’homme qui fait l’actualité depuis le début du mois de Mai 2024. Après dix neuf saisons chez Red Bull assorties de 13 titres de Champion du monde, il a décidé d’opter pour… une traversée de la France en mobil Home. Original n’est – ce pas ? Il est en poste jusque fin 2024 avec des fonctions allégées. On entend dire qu’il rejoindrait Ferrari. Deux indices plaident pour cette hypothèse. D’une part Fred Vasseur, le team manager de Ferrari est capable d’un tel coup. Un peu dans le style Todt si vous vous souvenez de ses recrutements et de son organisation une fois arrivé chez Ferrari. D’autre part si on suit les indications de Newey, la traversée de la France en partant d’Angleterre forme une belle diagonale qui pourrait finir en Italie. Interprétation très subjective, je vous l’accorde.
En attendant que ce mystère soit levé pour la plus grande joie ou la tristesse des tifosi, Adrian Newey est engagé ici avec sa belle Lotus 49 de 1969 qui permit à Graham Hill de débuter le championnat cette année – là. (4e à Monaco en 1969 avec Richard Attwood). Celle-là même dont il avait monté, enfant, la maquette Tamiya au 1/12. Une bel accomplissement que de pourvoir s’offrir, une fois adulte, ses maquettes à l’échelle 1.
Ce n’est pas sa première participation au GP de Monaco Historique avec cette auto. Et il s’en sort plutôt bien. Que peut bien venir chercher ici l’ingénieur ? L’aérodynamicien ? La passion chevillée au corps, la F1 est son univers. Et dans cet univers l’élément répondant le moins aux règles de la physique est sans doute l’élément humain. La concentration, la rigueur, la précision dont font preuve les pilotes engagés à ce niveau sont exceptionnelles. Leur capacité à supporter la pression également. Peut-être trouve-t-il ici des réponses à des questions que la planche à dessin ou la règle à calcul ne lui donnent pas. Après s’être qualifié en 8e position aux essais, Adrian Newey s’est classé 4e de la course et 1er dans sa classe.