Luc Augier, grand reporter pour RTL a vécu la F1 au bord des pistes, a rencontré les pilotes « à chaud », a suivi les carrières d’un oeil aussi discret que perspicace. Alors sa synthèse du parcours de Tambay nous intéresse d’autant plus qu’elle est suivie d’un texte plus approfondi sur Arnoux. Mais ce sera dans la 2e partie ! A suivre …
Olivier ROGAR
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Par Luc Augier
Ce sont des opportunités hors de son contrôle qui ont fait revenir Patrick Tambay au premier plan. Le renoncement définitif de Jean Pierre Jabouille, mal remis de ses blessures aux jambes, lui a valu son volant chez Ligier en 1981. Quand Didier Pironi suggéra son nom pour remplacer Gilles Villeneuve chez Ferrari, ce n’était que pour un intérim censé s’achever fin 82. Parce que René Arnoux avait déjà signé avec la Scuderia pour 1983, Gilles Villeneuve ayant projeté de former sa propre équipe avec Gérard Ducarouge. C’est l’accident de Pironi qui lui valut de prolonger son bail à Maranello.
Quand il fut recruté par Renault, c’était pour être le coéquipier d’Alain Prost. Le parchemin était déjà paraphé quand la Régie se sépara de son leader et Tambay l’apprit en même temps que tout le monde, le jour de l’opération Marlboro cherche son pilote à la Châtre ; mesurant le poids des responsabilités supplémentaires qui venaient brusquement de lui incomber.
L’élégance et le charisme du personnage lui ont valu la sympathie du milieu et le prix orange décerné par l’Irpa. Et ses deux victoires ont été accueillies avec une profonde émotion : à Hockenheim le lendemain de l’accident de Didier Pironi, à Imola avec la « rossa 27 » de Gilles. Mais il ne faisait pas bon l’approcher quand il était contrarié. Je me rappelle une poursuite effrénée dans la prairie de Zeltweg en 1982, après une séance d’essai, lui courant vers sa voiture de location, moi tentant de le rattraper avec le lourd Nagra sur l’épaule. Il ne condescendit à m’accorder quelques phrases lapidaires qu’après avoir fait mine de m’apercevoir. Motif de ce courroux ? « Son con de kiné, disait alors Guiter, lui avait bousillé le dos ».
A Rio, en 1984, pour sa première course avec la Renault, il avait été victime du nouveau règlement restreignant la consommation : il était tombé en panne sèche à deux tours de l’arrivée alors qu’il était deuxième. Face au micro, il plongea un regard noir dans le mien et resta obstinément muet. Il fallut revenir une heure plus tard, avec mille précautions oratoires, pour recueillir un commentaire !
A l’issue du Grand Prix de Monaco 1986, il n’était pas muet mais interloqué : en quoi sa sortie de route, alors qu’il ne jouait pas un rôle majeur au volant de sa Lola Haas, justifiait-elle une déclaration ? « Patrick, tu as vu les images ? » Ce n’est qu’après avoir visionné son vol plané au-dessus des rails qu’il comprit qu’il était miraculé et qu’il convenait de manifester un brin d’émotion !
Le pilote fut aussi un passionné engagé. En 1985, le samedi du GP de Belgique, le PDG d’Euromarché faisait office de rédacteur en chef du journal inattendu de RTL et désirait évoquer en direct par téléphone l’avenir de Renault en Formule 1, remis en question par Georges Besse : « Super, m’avait répondu Patrick, des investisseurs comme lui peuvent faire basculer la décision et c’est ce dont nous avons besoin en ce moment, voilà le numéro du motorhome, qu’il m’appelle. » Peu après, il m’aborda d’un air désolé : « quand le téléphone a sonné, c’est l’attaché de presse qui a décroché et je l’ai entendu dire que je n’étais pas là . Il m’a ensuite signifié que je n’avais pas à répondre à ce genre de sollicitation sans l’aval du service communication !»
Après avoir raccroché, Il tenta aussi de renflouer l’écurie Larrousse, s’impliqua dans la résurrection du Grand Prix de France et devint un confrère agréable, apprécié et recherché en tant que consultant. Infatigable boute en train lors d’une nuit de liesse à Jerez, pour fêter le titre de champion du Monde de son « filleul » Jacques Villeneuve.
Luc Augier
A suivre …