Quelques années ont passé et le petit garçon est devenu adolescent. Son grand cousin de Paris vient désormais dans le Lot au volant d’une voiture allemande : BMW. Une marque qu’on n’a encore jamais vue entre Cahors, Figeac et Saint-Céré.
Pierre Ménard
Vous pourriez aussi aimer :
Mon cousin (1) : la MGB
La BMW chasse la MG
Au tout début des années soixante-dix, les BMW ne sont pas légion sur les routes de France et seuls les connaisseurs en possèdent. Ayant enfin appris ce que représentait la marque bavaroise, l’adolescent lotois n’est pas peu fier de son cousin qui descend dans le Quercy avec cette auto vitaminée dont il règle le ralenti le dimanche matin dans le sous-sol de la maison. Pour venir de Paris, il lui arrive de faire le détour par Clermont-Ferrand, le col du Lioran et Aurillac : les routes du Massif central, c’est autrement plus rigolo que la trop rectiligne N20 !…
Le cousin n’est pas un professionnel du volant. C’est un passionné doué qui consacre ses semaines à son entreprise de maçonnerie et ses week-ends à limer les dalles de l’anneau de Montlhéry. Au début des années soixante, il s’est payé une Floride Renault, comme tous les jeunes Français persuadés de détenir là LA voiture de sport par excellence. Ayant vite compris son erreur après quelques chaleurs, il jeta aux orties son patriotisme et acheta une Austin Healey Sprite, avant que de passer à l’échelon supérieur avec la MG B. C’est avec elle qu’il fait ses débuts à l’école de pilotage de l’AGACI. Avec un moteur retravaillé par Hrubon, la MG « envoie » bien et le cousin va aller jusqu’à courir avec, sans arceau de sécurité : « De la vraie folie » se rappelle-t-il à rebours !
Le déclic Redman
D’élève, il devient moniteur en 1970. Sa rapidité dans la cuvette du Gendarme et sa victoire dans une course de régularité de l’AGACI ont impressionné le directeur, Roger Carmillet, qui lui offre ce poste d’instructeur. « En fait, j’ai vraiment compris comment négocier au mieux le Gendarme quand j’ai vu Brian Redman le faire lors des 1000 km. Il n’y avait pas de tribunes. On avait amené des planches et des tréteaux avec des copains et on regardait ainsi perchés les voitures passer ». La compétition coûte cher et les cent francs (plus le plein d’essence) alors octroyés par l’AGACI aident à être plus à l’aise quand on passe à la caisse de la petite épicerie du quartier.
Pour les cours, il utilise les voitures dont dispose le circuit : R8 Gordini, NSU TT, Triumph TR3 & 4, Opel GT (« Une vraie vacherie »). Tous ses dimanches se passent ainsi sur le plateau de Sainte Eutrope, à corriger les défauts des uns et des autres, et à parfois serrer les fesses à l’approche trop enthousiaste d’un virage par un élève ayant freiné au panneau « trop tard » : « Les pires : les moniteurs d’auto-école ! Un jour, j’ai dit à l’un d’eux particulièrement mauvais : si vous apprenez à conduire comme ça à vos élèves, le nombre d’accidents en France ne m’étonne plus ».
Ailettes rivetées et écopes maxi
Exit donc la britannique MG à la fin des sixties, place à la BMW teutone. Peut-être moins de glamour, mais des performances en augmentation, même s’il faut procéder à quelques aménagements. Par souci financier et amour du travail bien fait, le nouveau moniteur usine lui-même des écopes de freins avant surdimensionnées et des ailettes métalliques rivetées sur les jantes alu pour un refroidissement optimisé (« Parce que le freinage d’une Béhème de l’époque, hein !… »). La taille des roues augmente ainsi que celle des ailes.
Il s’aligne alors dans les courses sur le « 3,3 » ou le « routier » lors des diverses Coupes organisées. Pour le plaisir et uniquement à Montlhéry : pas le temps d’aller courir ailleurs, il y a l’entreprise à faire vivre. Surtout avec le choc pétrolier et ses conséquences économiques terribles qui vont changer la donne. Le temps se couvre salement pour les purs amateurs et le cousin de Paris devra dire adieu à l’AGACI au milieu des années soixante-dix.
Le casque, les gants et la combinaison furent définitivement remisés au fond d’un placard. Seules quelques photos rappellent combien il était bon de piloter en ce temps-là, surtout aujourd’hui que le grand cousin a pris son dernier drapeau à damiers. Le petit cousin du Lot, lui, garde en mémoire ces balades à belle allure sur les routes du Quercy ou de l’Aveyron dans cette Béhème qui poussait décidément beaucoup plus fort que la MG. Son grand cousin dispensa au passage quelques conseils de bonne conduite au papa qui avait laissé tomber les 404 au profit d’une Audi 100 GL plus intéressante. Assis derrière, le petit cousin n’en perdait pas une miette…