Notre « minia-chronique » est une nouvelle fois l’occasion de mettre à l’honneur une discipline trop rare sur Classic Courses : le rallye. Penchons-nous cette fois non pas sur une mais sur cinq miniatures. Nous couvrirons ainsi l’essentiel de la carrière d’une Renault de compétition un peu oubliée : la R17.
Quand on se remémore la liste des sportives Renault vues en rallye et sans même inclure les Alpine, certains noms viennent rapidement à l’esprit : Dauphine, R8 Gordini, R5 Alpine, R5 Turbo, Clio Williams, … La Renault 17, elle, ne remonte pas spontanément du fond de la mémoire. Pourtant, son histoire et son palmarès ne sont pas ridicules. Les fabricants de miniatures au 1/43 ne l’ont d’ailleurs jamais ignorée. A commencer par Solido qui sortit il y a 50 ans une version contemporaine des exploits de la vraie voiture. Plus près de nous, d’autres versions, en kit (Mini-Racing) ou tout monté (Ixo) sont venues garnir les vitrines des amateurs. Mais il semble qu’en ce printemps 2024 le poids lourd du secteur, Spark, soit décidé à retracer l’essentiel de la carrière sportive de ce coupé. Avant de voir cela de près, rappelons brièvement la genèse de la R17 en course.
La Renault 17, Gordini avant l’heure
Dérivés de la R12, les coupés 15 et 17 apparaissent au Salon de Paris en octobre 1971. En cette fin d’année, Renault peut mettre l’accent sur la réussite sportive de la berlinette A110 qui vient de décrocher le titre international des marques. Mais l’Alpine vient de Dieppe, c’est une proche parente, ce n’est pas une Renault. Et ce n’est ni une traction avant ni un modèle de grande série. Or, les coupés populaires sont en vogue depuis quelques années. Avec les nouvelles R15 et 17, la Régie entend s’implanter sur ce segment nouveau pour elle. Il s’agit de concurrencer ainsi les Opel Manta, Ford Capri et autre Fiat 124 Sport. Et rien de tel que la compétition, surtout en rallye, pour booster l’image d’une voiture et stimuler ses ventes. On connaît l’adage : « win on Sunday, sell on Monday » (gagner le dimanche, vendre le lundi).
A Boulogne dans un petit atelier du Quai du Point du Jour se trouve le service compétition de la Régie qui s’occupe notamment des R12 Gordini. C’est Hubert Melot (décédé en janvier dernier) qui dirige ce service . C’est sous sa direction que la R17 va être transformée en bête de compétition. Côté châssis, il s’agira surtout de renforcer la coque, de durcir les suspensions, d’élargir les voies, d’éliminer le superflu. Et de remplacer partout où c’est possible l’acier par de l’alu. Quant au moteur, sa cylindrée va passer de 1 600 à 1800 cm3 alors que quelques raffinements (admission, échappement, carburateurs, …) lui donneront plus de souffle : Renault annoncera 170 ch en 1974.
R17 Ronde Cévenole 72
La Renault 17 fait sa première apparition en course début septembre 1972, lors de la Ronde Cévenole, cette petite Targa Florio française. Habillée d’une sobre et discrète livrée verte, elle est confiée à Jean-Pierre Nicolas. Le pilote marseillais se hisse jusqu’en 5e position, avant d’abandonner trahi par sa transmission. Comme le montre le drapeau tricolore sur le socle, c’est dans sa série limitée France (300 exemplaires) que Spark rappelle cette course inaugurale. Affichant une agressivité de bon aloi, le modèle réduit paraît bien traité. Il faut dire que la décoration, très simple, ne présente aucun piège.
Ronde Cévenole 73
Retour dans les Cévennes un peu moins d’un an plus tard (la Ronde étant avancée en juin), avec deux voitures cette fois. A présent homologuée en groupe 2, la verte 3771 CC 92 est revenue avec cette fois Jean-François Piot au volant. Elle est accompagnée d’une autre 17, plus « méchante » pour Jean-Pierre Nicolas. Avec cet exemplaire très allégé et classé en groupe 5 (protos), Renault monte d’un cran et ne se cache plus : la livrée tricolore est celle que les berlinettes Alpine du championnat du monde revêtent en ce printemps 73. Le bleu choisi par Spark paraît d’ailleurs un peu trop soutenu, même si la teinte très pâle sur certains clichés d’époque provient probablement de la qualité d’impression douteuse des photos issues de magazines. Ce proto 17 relève également de la série France, à 300 exemplaires.
Bandama 73
En cette fin d’année 73 le choc pétrolier de l’automne secoue le sport automobile mondial. Mais Renault a le Safari en ligne de mire et un test en situation serait donc bienvenu. La Régie envoie donc une Alpine et une R17 en Côte d’Ivoire pour le rallye du Bandama. Celui-ci passe pour l’épreuve la plus dure du monde depuis que l’année précédente, pour sa première édition, aucune voiture n’est arrivée dans les délais ! Jean-François Piot et Jacques Jaubert se chargent de ce baptême africain. L’aventure tourne court assez vite, pour cause de panne moteur. Spark se tire bien de sa tâche avec cette version qui se distingue notamment par les poignées sur le capot et les ouïes d’aération de l’habitacle sur le toit.
Press on Regardless 74
Désormais engagé sous l’appellation « Renault 17 Gordini », fièrement arborée sur son pare-soleil, le coupé de la Régie effectue une mini-campagne internationale. Elle se concentre sur les rallyes lointains, dans les pays où Renault cherche à augmenter ses parts de marché. Après un double abandon au Safari et une deuxième place (Thérier) au Maroc (hors championnat mondial), la R17 arrive en force au Press on Regardless, le rallye forestier du Michigan aux Etats-Unis : trois voitures pour Thérier, Nicolas et Darniche. Les favorites sont les Fiat 124 et les Lancia (Stratos et Beta). Mais, contre toute attente et en partie grâce à des organisateurs en dessous de tout (1), Thérier l’emporte, alors que Nicolas 3e et Darniche 6e complètent le beau résultat d’ensemble de la 17. Les bonnes photos de la voiture victorieuse ne sont pas légion, mais il semble que là encore Spark ait fait du bon travail.
Sur la lancée de cette victoire américaine, la Renault 17 va encore fréquenter deux rallyes mondiaux en 1975. D’abord le Monte-Carlo avec une très belle 5e place (et victoire en groupe 2) pour Jean-François Piot, puis le Safari où ce même Piot fait mieux que se défendre. Quatrième à 300 km de l’arrivée, soit presque rien à l’échelle du Safari, il doit finalement s’avouer vaincu par les éléments.
R17 Maroc 76
Après 1975, la carrière de la Renault 17 se poursuit dans les pays de l’Est avec quelques beaux résultats pour des pilotes assistés par l’usine. Par ailleurs, certains des 14 exemplaires produits seront vendus à des pilotes privés, tels que Jacky Privé le bien nommé. Ce dernier décroche le dernier beau résultat d’une R17 au niveau mondial : une 6e place assortie du titre de premier indépendant au rallye du Maroc 1976. Spark fait donc un bon choix en reproduisant cette version, d’autant qu’elle apporte une touche de variété dans les couleurs. En effet, depuis 1975 et l’A441 Turbo, Renault est passé du bleu au jaune. Voilà donc une quatrième décoration différente pour illustrer le parcours de la 17.
On peut donc saluer Spark pour ce bouquet de Renault 17. Non seulement pour leur indéniable qualité de reproduction, mais aussi pour leur apparition quasi simultanée chez les revendeurs spécialisés. En effet, le collectionneur désireux de retracer la carrière d’un modèle spécifique hésite souvent à s’engager. Telle version qui lui plaît est certes attirante, mais combien de mois voire d’années devra-t-il attendre la sortie des trois, quatre, cinq autres modèles qui lui permettront d’être complet sur le sujet ? Le modélisme et la collection sont certes affaire de patience, mais quand même … A contrario, quand une telle rafale de cinq miniatures arrive sur le marché en quelques semaines, certaines en séries très limitées, mieux vaut avoir les reins solides financièrement.
NOTE :
(1) Il faudrait plutôt parler de « désorganisation » pour ce rallye. Les faiblesses des organisateurs couplées aux interventions zélées d’une police avide de sanctionner tout contrevenant (Markku Alen et sa Fiat perdant la victoire à cause d’un excès de vitesse de son break d’assistance !) menèrent au dépôt de pas moins de neuf réclamations officielles de la part des équipes en lice. Il fallut attendre plusieurs semaines après l’arrivée pour que le résultat final soit entériné par la CSI. Celle-ci admit qu’une telle épreuve n’avait pas sa place dans un championnat mondial.
Photo d’ouverture : Jean-François Piot au Tour de Corse 1974 – © DR