Auteur de 35 livres et romans, journaliste de renom, il a écumé le monde de la presse automobile française avec constance et talent. Il concilie d’ailleurs souvent le meilleur des deux mondes, il en est ainsi de son encyclopédique mémoire du XXe siècle et de son entrain pour échapper aux caisses carrées du XXIe ! Il est donc impensable de le laisser là-bas, à Arcachon, sans le solliciter de temps en temps pour qu’il fasse souffler sur Classic-Courses le goût des belles autos ou des belles histoires. Voire des deux.
Place donc à :
Patrice Vergès
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Au début des années 70, le pilote automobile Guy Ligier s’était lancé dans fabrication d’une GT sportive concurrente des Porsche et Dino Ferrari qu’il engagea en compétition
Entrepreneur dans les travaux publics à Abrest près de Vichy, Guy Ligier avait débuté dans les sports mécaniques dès la fin des années cinquante. D’abord sur deux roues puis sur quatre avec un certain succès. Souvent au volant de sport-prototypes notamment Porsche 904 puis GT40 avant de grimper en Formule 1 en 1966 avec une Cooper Maserati puis Brabham Repco. Formule 1 qui était déjà inaccessible pour un pilote privé comme lui. Puis en 1969, il décida de se lancer dans la réalisation d’une voiture de sport. Elle fut dévoilée au salon 1969, sous le nom de Ligier JS 1, initiales de son ami, le pilote Jo Schlesser disparu au volant d’une Honda F1 au Grand-Prix de Rouen en 1968.
Née avec un petit 4 cylindres 1600 cm3 FVA Cosworth monté en position centrale, cette Ligier JS1 était au départ destinée uniquement à la course. Elle avait été conçue par l’excellent ingénieur Michel Têtu issu de chez CD. Son châssis original faisait appel à une poutre centrale rigidifiée à l’intérieur par de la mousse de polyuréthane sur laquelle était greffée une belle suspension à l’esprit très compétition. Des triangles superposés dont le train arrière offrait l’originalité d’avoir un cinquième amortisseur horizontal chargé de tempérer le roulis.
Début au Critérium des Cévennes
Dans l’esprit de Ligier, la JS1 devait être une voiture sportive aussi à l’aise en circuit qu’en rallye. C’est pourquoi, il l’avait voulu la plus compacte et la plus légère possible avec 650 kilos pour la première version animée par le moteur Cosworth 1600 cm3 de 220 ch issu de la Formule 2. La JS1 débuta au Critérium des Cévennes en catégorie prototype évidemment ce qui la désavantagea toute se vie car elle ne fut jamais homologuée en GT victime de sa trop faible production. Si elle fut handicapée par des ennuis, la JS1 prouva ses excellentes qualités routières. En 1970, propulsée cette fois par un Cosworth FVC de 1800 cm3 de 240 ch puis en fin de saison par un V6 Ford de 2,4 l porté à 220 ch, elle s’aligna avec le « patron » mais aussi Jean Claude Andruet dans quelques compétitions dont on retient une première victoire pour son pilote constructeur à Montlhéry. En 1971, dans l’attente d’un moteur plus efficient, la Ligier JS1 ne courut pas laissant cet honneur au vrai proto JS3 à moteur Ford Cosworth V8.
Pendant ce temps, à Abrest, on civilisa la voiture pour la produire en petite série au rythme d’une centaine par an. Elle fut allongée par Frua puis encore modifiée esthétiquement par le carrossier Pichon Parat l’année suivante. Incompatible avec une utilisation routière, son Ford de course céda sa place à un V6 Ford de 2550 cm3 de 160/165 ch emprunté à la Capri RS, accouplé à la boîte à 5 rapports de la récente Citroën SM suite à un accord passé avec Citroën. Rebaptisée Ligier JS2, elle fut exposée sur le stand de la marque sous une robe bleue au salon de Paris 1970 puis en version définitive de couleur rouge au salon suivant avec encore une nouvelle motorisation.
De la route à la …. piste
Mais Ford qui allait sortir le coupé sportif GT70, sentant le danger commercial de la JS2, décida de ne plus vendre de moteurs au pauvre Guy Ligier qui se trouva fort dépourvu quand la bise fut venue. Il avait déjà la boîte de la SM, pourquoi pas son moteur ? Un V6 de 2,7 l signé Maserati délivrant 170 ch produit pour Citroën alors propriétaire de la firme de Modène. Vous rajoutez une bonne année pour modifier la voiture, notamment le berceau arrière pour accueillir une moteur plus large ouvert à 90 degrés contre 60 pour le Ford et la mettre au point, installer une chaîne de montage dans ses locaux et nous voici début 1972 où la JS 2 fut enfin proposée à la vente au prix de 72 000 francs (près de 100 000 euros actuels). Sensiblement celui d’une Porsche 911 S 2,4 l. Mais elle ne s’appelait pas Porsche ! D’où l’idée de l’engager en compétition pour asseoir son image de voiture sportive auprès de la future clientèle. Au plan dynamique, la JS2 était bien supérieure à une Porsche ! Restait à prouver qu’elle était aussi une voiture de course. Quoi de mieux que les 24 heures du Mans pour la promouvoir ?
C’est l’ingénieur Alfieri de chez Maserati, concepteur du moteur de la SM, qui s’occupa de la partie mécanique. Porté à 2975 cm3, son V6 annonçait 265 ch ce qui assurait à la Ligier une vitesse de pointe de 270 km/h. Mais Têtu parti chez Alfa Romeo, les trois JS2 engagées au Mans en 1972 souffrirent de graves problèmes de tenue de route dus à une caisse trop surbaissée qui furent résolus après. On notera de l’année 1972 une victoire en rallye Bayonne Côte Basque avec le regretté Jean François Piot.
L’aide de Citroën
En 1973, la voiture fut considérablement améliorée et ses problèmes de tenue de route disparurent avec l’utilisation d’un aileron arrière qui doubla de surface en cours de la saison lié à un imposant spoiler à l’avant. Elle était toujours mue par le V6 qui comptait maintenant 24 soupapes et délivrait 330 ch. Au Mans, où elle améliora ses chronos de 10 secondes au tour, elle fut chronométrée à près de 290 km/h dans les Hunaudières. Mais de nouveau pendant toute la saison 1973, elle fut submergée par une foultitude d’incidents. Particulièrement au Tour Auto où Gérard Larrousse se montrera impérial avant qu’une fuite d’essence le priva d’une victoire largement méritée.
Ligier devient l’écurie officielle de Citroën en 1974. La JS2 fut habillée d’une robe bleue et blanche, couleurs qui étaient les couleurs du pétrolier Total. Nouvelle silhouette également avec des parements aérodynamiques plus évolués surtout au niveau de l’aileron arrière liée à l’apparition d’une prise d’air sur le toit. Sous la lunette à persiennes, le V6 Maserati grimpa dans sa version la plus évoluée à 380 ch permettant plus de 300 km/h au Mans. Mais cette fois, c’est la boîte de vitesses de la SM qui avait du mal à encaisser la puissance et dut céder sa place à une transmission à crabots. De nombreux abandons dus à des ennuis techniques émaillèrent le cours de la saison sanctionnée par une double victoire au Tour de France auto avec Larrousse suivi de Darniche.
Près de 430 ch
En 1975, Citroën racheté par Peugeot abandonna Ligier à son sort privé aussi du moteur Maserati. Grace à ses pilotes, notamment Jean Pierre Beltoise, Ligier récupéra le sponsoring conséquent de Gitane qui décora différemment les voitures qui se remarquaient par des prises d’air agrandies. Exit le Maserati remplacé par un V8 3 litres Cosworth client qui animait les Formule 1 mais dans une version légèrement dégonflée à 430 ch. Avec les JS2 participèrent au Championnat du Monde d’endurance malgré leur handicap de poids face aux vrais sports proto.
Conduites par des pilotes de premier plan, les JS2 Cosworth furent handicapées par les vibrations inhérentes à la conception du Cosworth qui détruisait les échappements et desserrait les accessoires périphériques. Beaucoup d’abandons sauf au Mans où profitant d’un plateau assez pauvre cette année là, une JS2 Cosworth parvint à se classer à la deuxième place derrière la Mirage avec Lafosse-Chasseuil. Ce fut la dernière fois que l’on vit les JS2 officielles en course. Leur production avait été arrêtée après seulement 78 voitures fabriquées en trois ans. Dans sa tête Guy Ligier était déjà en Formule1. On connait la suite….
Patrice Vergès
(Photos Citroën communication, le Figaro, Ford, archives privées)