Quand on vous dit que la Corrèze est une terre d’élection pour les anciennes ! Après le partenariat signé avec la Dordogne l’an passé et tous les rallyes qui s’y sont déroulés – et que seule une catastrophe sanitaire mondiale a réussi à interrompre – il était temps de partir à la recherche de ceux qui font vivre toute l’année ces modèles que nous chérissons. C’est ainsi que j’ai découvert le garage Champagne, par le plus pur des hasards en pleine cambrousse.
Pierre Ménard
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De Pimpin à Champagne
C’était le dimanche 15 mars précédant le « tous aux abris, les femmes et les enfants d’abord ». On s’était donné rendez-vous avec l’heureux possesseur d’une Traction 11 de 1937 pour une virée dominicale, la dernière avant on ne savait alors pas combien de temps, sur un carrefour non loin de Brive. Juste à côté d’un bâtiment d’apparence tout neuf devant lequel étaient entreposés une vingtaine de véhicules allant de la 2Cv à la Porsche 911 en passant par des Triumph, Alfa, Volkswagen, Jaguar, etc. Mon compère du jour me dit : « C’est l’ancien garage Pimpin de Brive qui s’est installé là ». Pimpin, oui ça me disait quelque chose. Mais quand j’ai appris qu’il s’appelait en fait « Champagne », je me suis dit qu’une rencontre pétillante s’annonçait peut-être.
« En quittant Brive, et le garage Pimpin que j’avais racheté il y a dix ans, je me suis dit que j’allais être un peu plus tranquille. J’adore les gens passionnés qui viennent faire des photos, discuter, et tout. Mais au bout d’un moment, on n’avance plus. Eh bien, il y a encore plus de monde qui vient (rires) ! J’envisage d’agrandir encore, j’ai embauché un carrossier, un mécanicien, ça n’arrête pas » ! Ainsi parle Laurent Champagne, heureux propriétaire d’un garage qui turbine à fond les balais et où on ne compte pas son temps de travail. « Ici, on travaille surtout avec passion. Je préfère travailler avec passion que pour l’argent. C’est ce que je dirais à un jeune : travaille avec passion ! Si on se lève le matin et qu’on se dit : « Chouette ! Je vais faire quelque chose de sympa aujourd’hui », quel bonheur » !
C’est cette saine philosophie qui régule les journées de cet atelier sur les hauteurs de Brive. Une règle qui veut que le travail soit bien fait et que tout le monde soit pleinement satisfait : le client et le restaurateur.
Trouver la pièce
Laurent Champagne œuvre dans une ambiance conviviale et familiale. Conviviale avec tous les clients passionnés qui lui confient leur belle et qui parfois deviennent des copains, voire des amis, et familiale avec sa femme et son fils. Du haut de ses vingt ans, Julien en sait déjà plus que beaucoup de gens prétendant tout connaître ; quant à madame Champagne, elle est un rouage essentiel dans la restauration des autos. Notamment dans la recherche de la pièce introuvable.
« J’adore les Coccinelles et les 2CV, parce que je les connais par cœur, au boulon près, confie Laurent. Et puis les moteurs sont des flat à refroidissement par air ! C’est pour ça aussi que j’aime travailler sur les Porsche anciennes, 911 ou 356. Et les pièces sont très aisément trouvables. Par contre sur certains modèles, dont des « popu » assez récentes, c’est plus compliqué, voire impossible. Ça demande beaucoup de temps pour la recherche de pièces et heureusement que j’ai ma femme qui s’en occupe ! Si on se donne la peine de chercher, on y arrive. Maintenant, avec l’expérience, on sait à qui s’adresser et, dans l’ensemble, ça se passe bien. Pour les 2CV par exemple, on a cinq à six fournisseurs différents, professionnels et de qualité. Mais pour certains modèles, c’est mission impossible ».
Restauration aux petits oignons
Laurent Champagne a commencé – comme tout le monde, devrions-nous dire – par les modernes, dans une concession. La restauration d’une 2CV, pour son plaisir propre, a aiguisé l’envie de copains qui lui ont demandé « leur » 2CV. De fil en aiguille, le Garage Champagne est devenu incontournable dans l’ancienne corrézienne, surtout depuis que La Montagne (quotidien régional) et France 3 Auvergne s’y sont intéressées de près. Les 35 heures s’y font en trois jours et on y prend tout le temps nécessaire à peaufiner le bel ouvrage : « Il faut du temps pour faire une belle restauration. De toute façon, je ne rends pas la voiture avant d’être sûr qu’elle est bien finie, que le moteur tourne parfaitement, même quand le client me tanne pour l’avoir plus tôt – et même s’il m’en veut un peu (rires). Je veux être satisfait de mon travail, et je veux que le client soit satisfait. Sinon, personne n’est heureux ».
La restauration est l’activité principale du lieu, avec l’entretien et la réparation. Tout est fait sur place en mécanique et carrosserie, seule la sellerie est sous-traitée, chez un professionnel de Brive à la réputation clairement établie : « On fait juste la sellerie des Coccinelles ou des 2CV parce que ça reste simple. La couture du cuir, c’est un vrai métier et on n’a ici ni les outils ni la compétence pour ça. Vous faites une belle carrosserie, une belle mécanique et vous installez une sellerie moyenne, c’est pas du bon travail ».
Du large, du large !
La vente de voitures « prêtes à rouler » n’est pas inscrite au menu de la maison. Par contre, Laurent partira d’une base, qu’il possède ou que le client lui amène, pour faire un devis avec restauration complète. C’est là que se noue la relation, guidée par l’amour des belles mécaniques et la passion du travail bien fait : « Des clients sont devenus des amis, on se réunit autour des voitures. C’est une autre approche avec le client : c’est leur bébé, leur passion, ils la veulent belle, c’est leur plaisir. C’est un régal, tellement différent de l’automobile moderne ».
Il a un carnet de commandes qui déborde et, malgré le fait d’avoir emménagé dans ce coin improbable depuis quelques mois seulement pour être à l’aise, envisage de s’agrandir à nouveau pour faire face à la demande. « Mon problème est que, comme je suis submergé de travail, je suis obligé de refuser certaines restaurations où je sais que je vais galérer pour trouver des pièces. Je ne tiendrais peut-être pas le même discours si je pouvais m’agrandir et trouver du personnel ». A bon entendeur…
Laurent roule quotidiennement dans une superbe Coccinelle « café au lait » de 1967, et est en train de se faire un plaisir ultime : restaurer à l’identique une Golf GTI 1600 de 1976 « pendant ses loisirs »: « Même si le freinage d’origine est d’une médiocrité surprenante, je garde. Il y a des autos sur lesquelles ont peut modifier quelques organes, mais là, non ». La passion, vous dis-je, la passion !