Au terme d’un Grand Prix de Monaco 2017 achevé prématurément par un spectaculaire accrochage avec Pascal Werlhein, Jenson Button bouclait une riche et longue carrière de pilote de F1. Dans ses rêves les plus fous, le petit garçon du Somerset qu’il était dans les années 80 n’aurait sans doute pas imaginé accomplir un tel parcours. Malgré tout son accession au titre suprême ne s’est pas faite sans heurts. Le destin aime parfois les contes de fée et le public les belles histoires. La vie de Jenson Button c’est un peu les deux à la fois.
Ilario Pax
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Jenson Button, un gosse fou d’engins motorisés
D’aussi loin que remontent ses souvenirs, la passion de l’automobile a toujours fait partie intégrante de la vie de Jenson Button. Très jeune il passait des heures à organiser d’improbables courses sur le palier de la maison familiale dans lesquelles des camions s’affrontaient contre des Formule 1 ou des voitures de sport.
Premiers contacts avec la vitesse
Aussi, lorsque son papa John Button, vendeur de voitures d’occasion et pilote de rallycross à ses heures perdues, lui offrit une petite moto Yamaha 50 cm3 à l’occasion de son septième anniversaire, ce fût pour lui comme une révélation.
Mais très vite il avoua à son père qu’il s’ennuyait. En cause: la trop modeste puissance de sa machine. John, sans doute intérieurement ravi de cette remarque, accéda à la demande de son fiston et déverrouilla le système de bridage de la Yamaha.
Puis, jugeant sans doute que deux roues c’était plus dangereux que quatre il proposa à Jenson de lui acheter un kart.
Ce sera son cadeau de Noël en 1987 et à quelque jours de son huitième anniversaire, l’âge minimum pour courir en catégorie « Cadets ». Le timing était parfait.
Comme un poisson dans l’eau sur les pistes de karting
Le petit Jenson est doué et gravit peu à peu les échelons du Karting en passant tous ses week-ends à écumer les pistes de la région. Là au milieu du bruit des moteurs il s’épanouit pleinement. Du vendredi soir au lundi matin il oublie le Jenson solitaire et peu sûr de lui qu’il est à l’école pour devenir le Jenson combatif et glorieux qu’il devient en pratiquant son sport.
Jusqu’alors conseillé par son père, il rencontre Dave Spence, un ingénieur mécanicien. Face au défi qui l’attend, (il exprime très tôt le désir de devenir pilote professionnel) s’accorder les services d’un coach connu et reconnu dans le milieu devient une nécessité.
L’apprenti pilote a des rêves de gloire
Aux côtés de Dave il apprend à gérer ses pneumatiques en passant dans la catégorie Juniors. Il apprend également à s’endurcir face à des compétiteurs bien plus âgés que lui et bien plus agressifs. Malgré quelques moments de doute et de découragement, il ne lâche pas son objectif. Deux raisons à cela :
En 1993 il assiste à son premier Grand Prix de Formule 1 « en vrai ». C’est sur le circuit de Donington à l’occasion du Grand Prix d’Europe. Déjà passionné de F1, voir évoluer sous la pluie ces formidables machines le conforte un peu plus dans ses choix. Cette course est restée dans les annales en raison de la magistrale démonstration effectuée par Ayrton Senna face à un Alain Prost théoriquement mieux armé que lui. Bien que Jenson soit un inconditionnel du Français il apprécie à sa juste valeur la performance.
L’autre raison qui le pousse à continuer est beaucoup plus intime. Alors qu’il somnole à l’arrière du fourgon en rentrant d’un week-end de compétition, il surprend un dialogue entre son père au volant et Pippa, sa belle-mère. « Je ne crois pas qu’il ait ça en lui ». Cette phrase lâchée au détour de la conversation par John a agi comme un électrochoc.
Maintenant il en est certain, il veut aller au bout et ne pas décevoir papa qui a fait tant de sacrifices pour lui.
Jenson Button atteint un niveau international
Pleinement entré dans l’adolescence, Jenson acquiert tant bien que mal une discipline digne d’un sportif de haut niveau. Dave Spencer ne néglige rien. Technique, nutrition, exercices physiques, rien n’est laissé au hasard. Les efforts finissent par payer puisqu’à la fin de l’année 1993 il devient un pilote de Karting international en intégrant une structure italienne.
Première rencontre avec la mort
Peu de temps après, il est confronté à sa première épreuve. Alors qu’il participe à une compétition en Italie, son père lui apprend une terrible nouvelle.
Danny Spence, le jeune fils de Dave seulement âgé de 9 ans, vient de se tuer au volant d’un kart. Il découvre de la pire des manières que son sport peut s’avérer être très dangereux. Autre conséquence de ce drame, il perd son coach qui, terrassé de douleur, décide de s’éloigner des pistes de karting.
Les funérailles de Danny sont célébrées en présence de tout le monde du karting britannique. Il l’apprendra bien des années plus tard mais ce fut la première fois que sa route croisa celle d’un certain Lewis Hamilton, un jeune pilote de karting âgé de neuf ans comme Danny.
En dépit de cette douloureuse expérience et de ses conséquences concrètes sur son quotidien de pilote, Jenson n’abandonne pas.
Au sommet du karting européen
En 1995 il passe à la catégorie supérieure, la Formule A, et intègre l’ équipe GKS du Belge Paul Lemmens. A cette occasion il fait équipe avec Sophie Kumpen qui deviendra deux ans plus tard la maman d’un petit Max, fruit de sa relation avec un certain Jos Verstappen.
Sa carrière de kartman se conclut en 1997 lorsqu’il décroche le titre de champion d’Europe de la catégorie Super A. Avec son palmarès le voilà près à passer en monoplace. Ses performances n’étant pas passées inaperçues il est contacté par Dave Robertson, un agent qui souhaite accompagner un jeune pilote jusqu’en F1.
Débuts en monoplace avec la Formule 1 en point de mire
Pour sa première année en automobile il décroche le titre de champion de Grande-Bretagne de Formule Ford. L’année suivante il est engagé par Serge Saulnier, patron de l’équipe de F3 Promatecme. Avec deux victoires, il boucle le championnat britannique en troisième position et remporte le McLaren Young Driver Award.
Une première opportunité de monter dans une F1
Cette récompense lui permet de piloter une F1 pour la première fois de sa vie. Et pas n’importe quelle monoplace puisqu’il s’agit de la McLaren MP4/13 de Mika Häkkinën, le champion du monde en titre !
L’année 1999 s’achève et le voilà sollicité par plusieurs équipes de F3000 qui souhaitent l’engager pour la saison suivante.
Mais alors qu’il se trouve en vacances à Cancun avec sa petite amie Kim, un coup de fil de Dave Robertson va subitement bouleverser son destin.
Alain Prost intéressé par le jeune Jenson Button
En décrochant son agent lui explique qu’Alain Prost souhaiterait le tester sur le circuit de Barcelone. Ni une ni deux, Jenson écourte son séjour et file à l’aéroport direction Madrid.
Lors de cette première vraie séance d’essais de Formule 1 il fait très vite forte impression. Dès ses premiers tours de roue il cherche les limites de la Prost-Peugeot en utilisant toute la largeur de la piste catalane.
Il quitte Barcelone en ayant tout simplement réussi un meilleur chrono que Jean Alesi, le pilote titulaire de l’équipe française.
Convoqué quelques jours plus tard par Alain Prost il se voit proposer un contrat dans son équipe de F3000 avec une option pour piloter en F1 la saison suivante. Pas vraiment enchanté par ce deal il quitte Guyancourt sans donner de réponse définitive.
Il n’aura pas beaucoup à réfléchir puisqu’un appel passé depuis Grove en Grande-Bretagne va modifier à jamais le cours de sa vie.
A quel jeu joue Frank Williams ?
Ce 23 décembre 1999 à la mi-journée, il se trouve en compagnie de ses amis dans un pub de sa ville natale de Frome. Un peu éméché par les quelques pintes de bières qu’il vient d’engloutir, il décroche son combiné. Son interlocuteur se présente comme Frank Williams.
Dans le brouhaha qui l’entoure il croit d’abord à une blague orchestrée par ses copains. Mais en sortant de l’établissement il reconnaît nettement la voix du célèbre patron de l’équipe Williams Grand Prix.
Ce dernier l’informe qu’il a reçu de bons échos de son test avec Prost Grand Prix et lui demande s’il se sent prêt pour la F1. Un peu pris au dépourvu il lui répond que non, qu’il n’a pas 20 ans et qu’il manque encore d’expérience. La conversation s’arrête là.
Tout de suite il rappelle son père pour lui raconter la nouvelle. John, un peu énervé contre son fils le somme de rappeler Frank immédiatement et de lui dire que oui, il est prêt à entrer dans le grand bain. Ce qu’il s’empresse de faire, l’excitation ayant subitement annulé les effets de l’alcool sur son esprit.
En début d’année 2000 il se retrouve ainsi confronté à Bruno Junqueira lors d’une séance d’essais privés avec Williams. L’enjeu, qu’ils ne connaissent pas encore, est le deuxième baquet laissé vacant par le départ d’Alessandro Zanardi.
Il termine ce test avec le meilleur chrono mais dans l’incertitude totale quant à l’impression qu’il a pu laisser aux membres de l’équipe. Chez Williams on n’est pas du genre à s’enflammer et à montrer ses émotions.
Jeté à 20 ans dans le grand bain de la Formule 1
Il apprend sa titularisation aux côtés de Ralf Schumacher de la bouche de Frank Williams quelques minutes seulement avant la conférence de presse annonçant le line-up de Williams pour la saison 2000. A tout juste vingt ans il devient l’un des plus jeunes pilotes de F1 de l’histoire.