Jean-Pierre Jabouille
2 février 2023

Jean-Pierre Jabouille (1942-2023)

L’éternité était à nous par Johnny Rives

Matra avait bousculé l’ordre établi en engageant dans le Tour Auto des prototypes conçus pour les 24 Heures du Mans. J’étais inclus dans cette équipe extraordinaire comme coéquipier de Jean-Pierre Jabouille qui devrait passer le relai à Henri Pescarolo lorsque nous arriverions à Pau. 

 Sur les routes étroites et encombrées de camions qui nous conduisaient de Bandol au circuit Paul-Ricard j’étais un peu tendu. Mais pas Jean-Pierre. Très attentif, il conduisait avec précaution. Il ne touchait jamais à l’embrayage et surveillait constamment les températures et les pressions du moteur. Lequel, conçu pour les Grands Prix de F1, ronronnait paisiblement dans notre dos.

 La confrontation avec le circuit fut une formalité pour les Matra 650, irrésistibles sur une piste aussi roulante. Les autres étaient loin.

 Alors, une longue étape vers l’ouest nous entraina direction Albi via la Camargue, les Cévennes et la course de côte du Minier. Nous la vécûmes comme dans un rêve. Tignasse au vent, visage barré de grosses lunettes, étroitement sanglés dans les baquets de nos extraordinaires prototypes, nous sentions la route se développer sous nos roues dans un feulement velouté. Jean-Pierre conduisait avec doigté, procédant en douceur avec le volant, le levier de vitesses. Il caressait notre Matra.

 Face à nous, le soleil s’inclinait vers le couchant. Les paysages s’épanouissaient comme au ralenti tout autour. Notre route semblait évoluer dans des décors surnaturels. Dorés, les rayons solaires brillaient sur les feuillages, nous enivrant de leurs couleurs. Avec, dans nos oreilles, pour sublimer ces visions merveilleuses, le chant des 12 cylindres de notre moteur, mêlant mélodieusement les graves et les aigus. Jean-Pierre pilotait du bout des doigts, domptant la Matra en souplesse. J’étais dans un tourbillon enchanteur. Dans un univers irréel. L’infini était notre domaine. L’éternité. Nous ne l’oublierions jamais.

Adieu Jean-Pierre.

 Johnny RIVES.

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