10 mars 2021

J’ai acheté La Ferrari 4 portes.

Rossano nous ouvre ici les quatre portes d’une Ferrari jugée inacceptable par le Commandatore, et pourtant …

Rossano Candrini
Traduit de l’italien par Jean-Paul Orjebin

Dans la même série :

Rossano Candrini 1– L’ami d’Enzo Ferrari
Rossano Candrini 2 – Fiorano
Rossano Candrini 3 – Modène et Hollywood
Rossano Candrini 4 – Ma 288 GTO
Rossano Candrini 5 – Test secret
Rossano Candrini 6 – Une 250 Gte
Rossano Candrini 7 – Padrone bienveillant


Rossano Candrini : « Le destin a voulu que je connaisse l’histoire de cette fameuse Ferrari à 4 portes jamais mise en production ». J’étais par hasard à l’usine Ferrari lorsque a été présenté au Commandatore et à quelques autres collaborateurs le prototype réalisé par la PinFarina pour une éventuelle mise en production d’une berline 4 portes. Nous étions en 1980.

Cet après-midi-là, j’étais venu à Fiorano assister aux essais de la T5 avec grand plaisir, même si à la vérité, la séance ne procura que peu, très peu de satisfactions aux techniciens, aux mécanos et encore moins aux pilotes. Villeneuve, très impliqué, était déçu par le comportement de la voiture.

 Avant les essais, sachant Le Commandatore disponible, je suis allé lui dire bonjour.

Ferrari quatre portes
Enzo Ferrari Présentation Pinin (c) DR

Nous sommes sortis de son bureau et me prenant par le bras, comme il avait l’habitude de le faire, nous sommes allés au bord de la piste.

La teneur de la conversation était toujours celle de son choix.

Il a évoqué la présentation qui avait eu lieu le matin même à Maranello de la Pinin, le nom de code que Pininfarina avait donné à la berline 4 portes qu’il venait de concevoir

Enzo Ferrari me précisa que le Bravissimo Ingénieur Angelo Bellei avait fourni à la carrosserie Turinoise un châssis de 400 ou 412, je ne me souviens plus bien, spécialement allongé d’une vingtaine de centimètres, que le pont arrière et les doubles amortisseurs auto-nivelant étaient ceux montés en série dans la 2+2.  Le moteur utilisé était le 5 litres à carburateurs de la Berlinetta Boxer. A la fin de son explication, il m’a posé une question dont je me souviendrais à jamais. En dialecte modénaise qu’il aimait distiller au milieu de l’italien correct il me dit :

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  » Secand Te ,fammia bein a ferla, al quater porti ? »  D’après toi, on a raison de faire une quatre portes ?  

C’était sa manière de faire quand il voulait créer un certain embarras à son interlocuteur !

« Mais certainement Commandatore que vous feriez bien »

Ferrari quatre portes

J’étais prêt à lui répondre OUI, quoi qu’il arrive, même s’il m’avait demandé mon avis sur une voiture à une seule porte.

La voiture est ensuite allée en présentation officielle au Salon de l’Auto de Turin puis au Los Angeles Auto Show.

Je n’en ai plus entendu parler. On m’a dit que lors d’une réunion restreinte à Maranello en présence de PinFarina et de quelques dirigeants maison, Enzo Ferrari sans s’être concerté avec qui que ce soit avait prononcé cette phrase lapidaire :   » Nous ne construirons jamais une Ferrari avec quatre portes. »

Et comme les décisions de Ferrari n’étaient pas facilement discutables, le deuxième exemplaire pourtant déjà bien avancé chez Pinin fut démoli sur ordre de Ferrari lui-même. L’avenue qui mène à l’oubli s’était ouverte.

Puis, le 18 mai 2008 fut organisé par RM Auctions à Fiorano une vente aux enchères, « Ferrari Leggenda e Passione ». La Pinin était au catalogue.

J’y suis allé accompagner mon fils Gabriele et un associé d’Autospeak.

Ce matin de printemps limpide, Fiorano revêtait une atmosphère très différente de celle dont je me souvenais. J’étais comme un étranger, je n’étais plus venu dans ce lieu cher à mon cœur depuis mes adieux au Commandatore en juillet 88.

Y voir tant de joyaux de toutes les couleurs m’a aidé à dissimuler une certaine mélancolie à ceux qui m’accompagnaient et qui de toutes façons n’auraient pas compris mon émotion.

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L ‘ arrivée soudaine dans la salle de vente de Sergio Marchionne et de sa nombreuse suite a remis mon esprit en phase avec la réalité de l’époque et du jour.

A ce moment-là, je n’imaginais pas qu’à la fin de la journée un riche japonais qui se mesurait avec nous en surenchérissant la Pinin abandonnerait la relance et nous donnerait l’opportunité de l’acquérir, arrivés à la limite du budget que nous avions attribué pour elle. Nous apprendrons plus tard que ce qui avait poussé le japonais à lâcher l’enchère était la difficulté qu’il imaginait à la rendre roulante.

Nous avons alors confié le prototype à l’ing. Forghieri qui dirigeait l’Oral Enginering  pour le parachèvement et la mise en route de cette auto.

Ferrari quatre portes

Les compétences nécessaires pour exécuter un tel ouvrage sont à Modène et nul par ailleurs. En leur donnant du temps et un certain budget, ces formidables artisans et techniciens locaux sous la direction d’un ingénieur de la plus haute qualité comme Mauro Forghieri, nous ont livré après quelques années une Pinin en parfait ordre de marche.

Le nouvel AerAutodrome de Modène nous a accueillis gratuitement pour les premiers dégommages puis nous avons organisé une réunion dans la salle de Presse de l’autodrome avec Mauro Forghieri, qui avec mon fils avaient effectué les essais sur piste, étaient présents entre autres Lorenzo Ramaciotti de la PiniFarina, et Dr. Ghini de Ferrari qui, en tant que Délégué de l’Usine, a fait une communication large et détaillée de l’événement en 8 pages dans le magazine officiel Ferrari.

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Ferrari quatre portes

Le Bon Dieu nous avait réservé le soleil et le ciel bleu pour cette journée inoubliable durant laquelle nos amis de l’AerAutodrome de Modène nous ont offert une sensationnelle hospitalité.

Un peu de courage et de passion qui chez nous ne manque jamais pour l’automobile avait permis de créer cette berline extraordinaire avec le blason du Cavallino sur le capot.

Aujourd’hui, le Pinin est en Californie chez un célèbre médecin collectionneur de voitures.

′′ C’est la centième Ferrari que je possède, et elle sera la dernière à être vendue. » C’est par ces mots, qu’il m’a salué quand il est venu me l’acheter.

 Voilà une page de plus de mes ′′ amarcord modenis ′′ liés à la voiture que j’ai écrite et que je vous livre toujours avec plaisir.

 Note complémentaire du traducteur :

Très vite après sa construction, le carrossier turinois a vendu la Pinin au belge Jacques Swaters (Ecurie Francorchamps) célèbre ami du Commandatore. En 2008 elle fut vendue aux enchères comme décrit plus haut pour 176000 € alors qu’elle n’était qu’un concept car non roulant.
En juin 2015 elle sera exposée au musée Ferrari de Maranello puis mise en vente sur le site américain Hemmings, pour dit-on 830 000 dollars.

Davide Cironi a tenu un très intéressant entretien avec Mauro Forghieri au sujet de la Pinin, il est en ligne sur Youtube en voici le lien :

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