Ils n’ont jamais fait mieux que leur premier Grand Prix (1)
Depuis que la F1 existe on se montre toujours indulgent avec les pilotes débutant dans la discipline. Si un premier Grand Prix se passe mal on se dit « c’est le métier qui rentre, il fera mieux la prochaine fois ». D’ailleurs c’est souvent après quelques courses que les performances arrivent.
Mais à contre-courant de cette norme somme toute logique de la progression par l’expérience, il existe une poignée d’hommes pour qui leur premier Grand Prix de F1 restera à jamais le meilleur de leur carrière.
Ilario Pax
1 – Giancarlo Baghetti – Reims 1961
S’il est un pilote parfaitement en phase avec le thème de cet article c’est bien Giancarlo Baghetti ! A ce jour il reste le seul pilote à avoir gagné son premier Grand Prix de Formule 1. Bien entendu, techniquement, Giuseppe Farina a lui aussi remporté son premier Grand Prix à Silverstone en 1950. Mais il fallait bien un premier pour ce championnat du monde nouvellement créé.
Soutenu par la fédération italienne
C’est en 1959, alors âgé de 24 ans, que Giancarlo Baghetti effectue ses débuts en monoplace après avoir piloté des voitures de tourisme. Son adresse derrière un volant de Formule Junior ne passe pas inaperçue et il est sélectionné par la fédération italienne (FISA) qui souhaite promouvoir ses coureurs au plus haut niveau.
Deux premières victoires en F1 hors championnat
En avril 1961 il prend le départ du Grand Prix de Syracuse au volant d’une Ferrari D156 à moteur V6 engagée par la FISA. Dans cette épreuve hors championnat tout le gratin de la F1 est présent. Jack Brabham, Jim Clark, Graham Hill ou encore John Surtees se retrouvent sur la grille aux côtés du jeune débutant.
Ce dernier ne rate pas ses débuts, c’est le moins que l’on puisse dire. Qualifié en premier ligne entre Dan Gurney et John Surtees il s’impose au bout des 56 tours de course face à la Porsche 718 de l’Américain.
Trois semaines après ce premier exploit il participe au Grand Prix de Naples qui a lieu le même jour que le Grand Prix de Monaco comptant pour le championnat du monde de F1. La concurrence y est moins féroce qu’à Syracuse et Baghetti décroche encore la victoire devant Gerry Ashmore et Lorenzo Bandini.
Dans le grand bain du championnat du monde de F1
Après ses deux expériences particulièrement convaincantes, la FISA décide de l’engager au Grand Prix de l’ACF 1961 disputé sur le circuit de Reims-Gueux. Avec les trois pilotes officiels de la Scuderia il est le quatrième homme à piloter une Ferrari 156, la machine à battre en cette saison 1961.
Lors des qualifications il ne peut faire mieux que douzième alors que Phil Hill, Wolfgang Von Trips et Richie Ginther monopolisent la première ligne.
Grâce à quelques dépassements et à plusieurs abandons devant lui, Baghetti se retrouve quatrième au bout de quatorze tours seulement. Sur ce circuit de lignes droites les puissantes Ferrari 156 V6 occupent désormais les quatre premières positions.
Mais les uns après les autres, Hill, Von Trips et Ginther vont rencontrer des problèmes de fiabilité, laissant à la Ferrari privée de Baghetti la responsabilité de sauver l’honneur des rouges.
Une sensationnelle victoire pour son premier Grand Prix
En lutte avec les Porsche de Jo Bonnier et de Dan Gurney en fin de course, Giancarlo Baghetti laisse intelligemment l’Américain aborder en tête le dernier virage de Thillois. Il sait que grâce à l’aspiration de la ligne droite qui suit et à la puissance de son V6 il a toutes ses chances de le déborder juste avant la ligne d’arrivée.
C’est sur un infime écart de 0,1 seconde qu’il passe en tête sous le drapeau à damiers. Comme à Syracuse, Gurney est une nouvelle fois battu.
L’Italien s’est imposé à l’occasion de ses trois premières participations à un Grand Prix de Formule 1. Pour autant, sa victoire à Reims, dans le cadre officiel du championnat du monde, restera celle qui aura marqué le plus les esprits.
Des débuts tonitruants restés sans suite
Après le Grand Prix de l’ACF 1961, Baghetti participe, sans succès, aux Grands Prix de Grande-Bretagne et d’Italie où malgré un abandon il signe le meilleur tour en course. Une performance totalement éclipsée par l’accident mortel de Von Trips.
En 1962 il devient pilote officiel de la Scuderia Ferrari. Hélas pour le Milanais il arrive alors que Maranello traverse une énième crise. Le directeur sportif Romolo Tavoni claque la porte. Pire encore, le directeur technique Carlo Chiti fonde l’équipe ATS avec quelques dissidents mécontents.
Entre-temps la concurrence britannique a relevé la tête et c’est à une médiocre sixième place au championnat des constructeurs que dégringole l’équipe de Maranello. Baghetti ne marque des points qu’à deux reprises et se fait dominer par Phil Hill.
En 1963 son expérience avec l’équipe ATS est une véritable catastrophe. Il persévère en 1964 au volant d’une BRM engagée par la Scuderia Centro Sud sans jamais trouver le chemin de la zone des points.
Ce sera sa dernière année complète en F1.
Retraité des circuits à l’âge de 35 ans, Giancarlo Baghetti n’a pas été en mesure de confirmer ses débuts fracassants dans la discipline. Ses six participations aux 24 heures du Mans ne lui ont pas plus apporté de satisfactions sportives (six abandons).
Reconverti dans le journalisme et la photographie dans le sport automobile et la mode il s’est éteint à l’âge de 60 ans, terrassé par un cancer.