Un an après « Beltoise comme un frère », notre ami Johnny Rives publie ses « Souvenirs partagés » avec un autre grand pilote français – et lui aussi pilier de l’aventure Matra en compétition : Henri Pescarolo.
Jacques Vassal
Le livre commence par un récit haletant des 24 Heures du Mans 1968, au cours desquelles Henri Pescarolo au volant de la Matra 630 V 12, relayant un Johnny Servoz-Gavin dépassé par les événements, parvint à la 2e place à la distance au terme d’une nuit homérique où il pilota sous la pluie battante… avec un essuie-glace en panne ! L’épisode est resté célèbre pour lui-même et aussi comme l’un des exploits de la carrière d’Henri. Qu’une crevaison ait finalement, à quelques heures de l’arrivée, contraint la voiture française et ses deux pilotes à l’abandon, n’enlève rien à la légende. Que Johnny Rives nous la raconte en début de ce livre, telle qu’il en a été le témoin privilégié depuis les stands Matra, ajoute des précisions et du piment à l’affaire.
Johnny Rives n’a peut-être pas eu une relation aussi « fraternelle » avec Henri qu’avec Jean-Pierre, mais son amitié avec cet homme si réservé, voire secret, n’en est pas moins profonde et solide. Elle a même été renforcée au fil des ans par d’autres moments vécus ensemble en course. Ainsi le Tour de France 1970 où, cette fois, Johnny témoigne de l’intérieur : il était le coéquipier et navigateur de « Pesca » sur l’une des Matra 650 engagées par l’usine (l’autre étant confiée à Beltoise, « navigué » par Jean Todt). Johnny raconte par quelles angoisses, quels ennuis mécaniques ou autres, les deux équipages passèrent, avant de signer un doublé victorieux dans cette grande et dure épreuve mêlant parcours routiers, courses de côte et circuits.
Dans un autre registre, il raconte aussi un mémorable tour d’avion, piloté par Henri avec son flegme habituel, y compris au cours de quelques de « figures » en vol sur le dos.
Il y a aussi des témoignages personnels. Ainsi l’auteur nous montre, dans un riche cahier de photos, une lettre reçue du Docteur William Pescarolo, père du pilote, le remerciant et le félicitant pour le premier livre qu’il lui avait consacré, en 1973. Il révèle au passage que le Docteur Pescarolo ayant très vite compris que la vraie vocation de son fils était celle du pilotage en course automobile, et non celle de la médecine, il n’essaya pas de la contrarier.
Elle fut très brillante, malgré une déception pour Henri, sans doute, celle de n’avoir pas connu autant de réussite en Formule 1 qu’en endurance, dont il devint un spécialiste, semble-t-il, presque par défaut.
Quand même, Johnny Rives n’oublie pas les quelques belles performances d’Henri en F 1, en particulier sa 3e place au GP de Monaco 1970, sur Matra MS 120, derrière Jochen Rindt et Jack Brabham. Avant de regretter les contre-performances des monoplaces – March-Ford, BRM ou Surtees – qu’il eut l’occasion de piloter au cours de 56 Grands Prix disputés. Son talent de pilote aurait mérité mieux.
Certains de mes amis – des noms, des noms ! – se disent déçus par ce livre. Je ne suis pas d’accord. Il est vibrant de passion et riche de précision, comme d’habitude chez Johnny Rives. Il lui manque des développements sur l’aventure d’Henri Pescarolo en tant que constructeur et directeur de l’écurie Pescarolo Sport, engagée en endurance dans les années 2000, avec autant de passion que de sérieux, mais hélas un manque de moyens financiers qui allait l’obliger à renoncer finalement. Mais peut-être cela sera-t-il le sujet d’un prochain livre ?
(« Henri Pescarolo / Johnny Rives, Souvenirs Partagés », éditions de l’Autodrome, 208 p. 20 euros).
Illustrations