Henri Greder
7 novembre 2023

Henri Greder : L’incroyable aventure du Tour d’Europe

Les événements actuels au moyen Orient et dans les pays de l’est m’ont rappelé un passage savoureux du livre de Greder que nous avions publié en 2010.

J’ai fait partie des gens heureux qui sont allés courir dans les pays de l’est au début des années 70 et ma chance m’a permis de disputer, à la fin des années 70 les premiers Paris-Dakar à travers toute l’Afrique. Le monde était en paix. Les gens étaient accueillants et sympathiques.

D’une manière assez brutale tout cela a changé presque d’un seul coup au virage du 21ème siècle.

Je préfère cultiver les souvenirs agréables. Et les récits de course ne sont pas chiches en moments que l’on aimerait vivre ou revivre.

Si l’idée vous plait j’ai encore de quoi remplir quelques pages comme celles-ci.

Michel Delannoy

Opel Allemagne 

          Dans l’été, Opel Allemagne m’a demandé de faire un rallye important pour eux. Cela s’appelait Le Tour d’Europe. Chaque année ce rallye changeait d’itinéraire. Une fois il allait en Russie une autre fois il faisait le tour de la Scandinavie par le cercle polaire etc. En 1969, le point le plus lointain était le Koweit. Toujours pour des problèmes internes GM Opel Allemagne m’a envoyé une somme d’argent avec laquelle j’ai acheté une Commodore 3L. préparée par Imsher en Allemagne. Mon salaire, ou prime, serait de garder la voiture après le rallye. Bonne affaire somme toute ! Comme c’était fin août et qu’il n’y avait pas de rallye en France pendant les deux mois d’été, nous sommes partis avec Marie-Claude. J’avoue que ni elle ni moi n’avions lu le règlement avant d’aller retrouver l’équipe allemande.

           Le classement se faisait de façon complètement différente de ce dont nous avions l’habitude. En plus il fallait respecter des vitesses moyennes avec contrôles inopinés. C’était allemand, c’était barbare. Le parcours allait traverser: L’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la Yougoslavie, la Bulgarie, la Turquie, l’Iran, l’Irak, le Koweit, la Jordanie, la Syrie, la Grèce, la Roumanie, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, l’ex Allemagne de l’est.

           16 pays différents. Ce qui veut dire 16 monnaies différentes. L’affaire se complique quand il faut payer avec des billets imprimés avec des chiffres que l’on ne comprend pas. Je ne parle pas des visas à obtenir avant de partir.

Le départ était donné dans une petite ville d’Allemagne Helmstat, je crois. Profitant des routes faciles de l’Allemagne et de l’Autriche, nous avons étudié le règlement. En gros voila à quoi cela ressemblait. Il y avait des grandes étapes entre les contrôles horaires. Quelque fois plus de 100 ou 200 kilomètres. La moyenne horaire à respecter était différente pratiquement à chaque étape. Jusque-là pas de problème. Où l’affaire devient plus intéressante c’est que les organisateurs mettaient des contrôles volants à n’importe quel endroit de ces étapes, au détour d’un virage ou dans un village, et qu’il fallait être dans la moyenne imposée, plus ou moins 2%. Ceci nous empêchait de prendre de l’avance pour se reposer au contrôle horaire suivant. J’ai vite compris le système et me suis fait des tables de calculs. Tout cela pendant que Marie-Claude conduisait.

Yougoslavie

           La première difficulté a été dans une étape entre l’Italie et la Yougoslavie. La moyenne demandée était au-dessus de 70 km/h.  Ce n’est rien sur route normale mais, voyant que l’on allait emprunter un col non goudronné que je connaissait bien pour l’avoir fait pendant des Liège Rome Liège, je savais qu’il était impossible de réaliser la moyenne. Effectivement il y avait un contrôle volant au pied du col. On met les casques et on attaque tant que l’on peut, sur la terre et les cailloux. Contrairement aux rallyes en France, la route n’était pas fermée à la circulation. On croissait ou doublait des voitures de touristes, qui visiblement et avec raison nous prenaient pour des fous furieux.

Arrivé en haut du col, et, comme on s’y attendait, il y avait un autre contrôle horaire volant. Nous avions pris quelques minutes de pénalisation. Pas grave car marchant comme on avait marché, les autres concurrents en prendraient plus. On commence la descente du col en se décontractant un peu et soudain, par instinct ou par habitude de penser à tout, je dis à Marie-Claude , et s’ils avaient mis un contrôle horaire volant en bas du col ? Sans plus attendre on remet les casques et l’on attaque comme dans la montée.

On avait vu juste. Ces futés d’organisateurs avaient bien mis un contrôle en bas du col. Nous avons repris plusieurs minutes de pénalisation. Un peu plus tard, nous avons appris que nous étions les seuls à y avoir pensé et nous étions les moins pénalisés donc en tête du rallye. 

           Ensuite on surveillait les endroits suspects où s’il y avait des attroupements, on s’arrêtait avant pour faire le point. Plusieurs fois de nuit nous avons fait demi-tour tous phares éteints en voyant les contrôles au dernier moment.

           La première étape finissait en Turquie à Istanbul après 36 ou 40 heures de route. La Commodore était confortable et à deux pilotes comme nous c’était supportable. Néanmoins c’était agréable de se reposer une bonne nuit et une demi journée dans un hôtel donnant sur la Bosphore, bras de mer très étroit entre la Mer Noire et la Méditerranée.

           Pendant cette première étape nous avions fait la connaissance d’un équipage sympa courant sur Citroën. Il y avait un américain du nom de Jack, né en France de père américain et de mère française parlant anglais, français, allemand car sa femme était allemande et plusieurs langues arabes… Son copilote était iranien. Il était d’une famille aisée et venait en France assez souvent. A eux deux ils parlaient 6 ou 7 langues. Nous nous sommes rendus service mutuellement jusqu’à la fin du rallye.

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Ankara – Teheran

           Après notre étape d’Istanbul (ou Constantinople) Nous sommes repartis en direction de l’Iran en passant par Ankara et des petites routes le long de la Mer Noire. Toujours avec des contrôles horaires inattendus. J’ai oublié de mentionner que nos deux Opel officielles, celle de Imsher et la nôtre étaient équipées de pneus Pirelli car Opel avait un contrat avec eux. Le directeur des courses de Pirelli Allemagne était un Français, prisonnier en Allemagne pendant la guerre, il était revenu après les hostilités, marié à une fille qu’il avait connue quand il travaillait dans une fabrique de pneus qui deviendraient plus  tard Pirelli.

           Sachant qu’il était impossible de transporter des pneus dans les pays Arabes, Pirelli nous avait fabriqué des pneus spéciaux quasiment inusables. Ces pneus tenaient bien la route sur sol sec, mais, dès qu’il pleuvait on aurait dit conduire sur de la neige avec des pneus normaux. Ils tenaient la route à peu près comme une savonnette dans un bidet (j’adore cette expression !). Malgré cela et grâce à nos combines pour ne pas se faire prendre aux contrôles volants, nous étions toujours en tête du rallye.

           Nous sommes arrivés à Téhéran où il y avait une neutralisation de six heures. J’en ai profité pour aller faire faire un permis de conduire International obligatoire pour passer dans les autres pays Arabes. Si j’avais lu le règlement avant le rallye je l’aurai fait faire à Paris bien sûr. Accompagné d’un type de l’ambassade de France en poste là-bas, nous sommes allés faire un tour au fameux Marché Persan. Ça c’était à voir, les tapis, les pierres précieuses, plein de choses intéressantes. Un concurrent suédois a même acheté un tapis qu’il s’est fait envoyer en Suède. C’était encore le bon temps en Iran. Reparti de Téhéran, nous sommes allés coucher à Tabriz dans le nord, distant de 400 kilomètres. Je n’ai pas aimé Tabriz. Cette ville me rappelait Skoplje et le tremblement de terre de 63. La seule chose agréable a été un restaurant où nos copains Jack et son iranien Darius nous ont emmenés manger un Kebab. Je ne serais jamais rentré dans un restaurant comme cela qui ressemblait plus à un coupe-gorge ou a un bistrot mal famé. Sur chaque table il y avait une grosse pipe commune avec plusieurs tuyaux disponibles pour prendre une bouffée de haschich. On nous a servi une quantité de plats incroyables, boeuf, mouton. C’était délicieux. La seule chose que je n’ai pas goûtée a été le yoghourt liquide.

           L’hôtel qui nous avait été réservé par Opel était en pleine ville. C’était un vieil hôtel. Il y avait un bruit incroyable et j’avais tellement peur d’un autre tremblement de terre que je préférerais coucher dans la voiture. Claude et Minette Laurent qui faisaient le rallye avec une DAF m’ont gentiment proposé de prendre notre chambre et de nous donner la leur située dans un hôtel en dehors de la ville. Ouf j’ai pu dormir !

Iran – Iraq – Koweit

           Nouveau départ le lendemain direction l’Irak.  A part le problème de l’essence où nous ne connaissions pas la valeur des billets ni ce que les pompes indiquaient, tout allait bien. Pas de problème de voiture, bien préparée par Opel et Imsher. J’avais pourtant fait une petite modification après avoir évité un accident de nuit. J’avais monté un phare supplémentaire sur le montant du pare-brise pour éclairer le coté droit de la route.

En dehors des camions, pratiquement les seuls véhicules étaient les charrettes à cheval. Les paysans vont, en pleine nuit, porter leurs légumes à vendre au marché de la ville la plus proche. Les charrettes ne sont pas équipées de feu rouge. Pour signaler leur présence, les gens chantent, ce qui n’a pas tellement d’effet pour une voiture comme la notre roulant vite. Une fois en croisant un camion, je me suis retrouvé au cul d’une charrette et j’ai eu du mal à l’éviter. Avec le phare sur le coté je voyais un peu plus loin.  Autre danger, les gosses qui, depuis les ponts ou depuis le bord de la route, lançaient des pierres. Notre pare-brise a été fendu à plusieurs endroits.

           La traversée de l’Irak était une désolation. Déjà la Turquie nous paraissait pauvre. L’Iran était à peu prés au même stade, mais l’Irak était pire.  La pauvreté et la misère étaient partout. Les routes mal entretenues étaient défoncées. Dans les traversées de villages, les gosses, voulant voir les voitures de plus près fermaient carrément la route. La police frappait ces gosses avec des bâtons pour les faire circuler. C’était difficile de faire le plein d’essence. Les pompes à main étaient tellement vieilles qu’il fallait une demi-heure pour faire le plein. Heureusement Opel avait monté un deuxième réservoir dans le coffre arrière et l’autonomie était d’environ 800 kms.

           Au contrôle de Bagdad, où j’espérais enfin voir la ville des milles et une nuit, je n’ai vu que des immeubles ressemblant à nos banlieues parisiennes comme Aubervilliers ou St Denis. C’était triste, sale, désolant. Après deux heures de neutralisation, nous sommes repartis plein Sud.

           Après les montagnes du Nord nous étions maintenant dans des déserts de sable. Sans nous préoccuper des contrôles volants toujours possibles, nous avons décidé d’aller le plus vite possible au Koweit, distant de 500 kilomètres, car nous n’avions pas de réservation d’hôtel et nous voulions arriver les premiers au Hilton pour être sûrs d’avoir une chambre. De chaque cotés de la route, au milieu du désert on ne voyait que des puits de pétrole et des cailloux.

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           Dès la frontière du Koweit franchie, le paysage n’a pas changé de suite, mais les gens étaient différents, c’était propre, les jeunes nous suivaient avec des BMW, Porsche ou autres belles voitures. Certains avaient des faucons sur l’épaule.

           Arrivés à Koweit-ville, nous étions la première voiture et pour les spectateurs, la première voiture doit être, normalement, la voiture qui est en tête. Un représentant du concessionnaire G.M. est venu nous chercher. GM. a pris en charge notre voiture pour la réviser, la laver, faire tout ce qu’il y avait à faire dessus.

Le soir au Hilton il y avait une réception dîner offert par l’Emir. Des moutons entiers finissaient de cuire à la broche sur les tables. C’était grandiose. Dommage que l’alcool soit interdit dans ces pays arabes car un Don Pérignon, ou même une bière, aurait étés bienvenus. Le lendemain matin, notre voiture était en première page du journal. Nous sommes repartis à regret de ce pays le lendemain après midi. Le départ était donné depuis un stade de football. Marie-Claude et Minette Laurent étaient en mini jupe car il faisait chaud.  Les types voyant ces deux filles avaient les yeux qui leur sortaient de la tête. Plus tard, dans la voiture, Marie-Claude m’a dit s’être fait pincer les fesses plusieurs fois en passant à coté de types pourtant très bien.

           Retour à Bagdad par la seule route allant au Nord, et là, direction Ouest à travers le désert jusqu’en Jordanie. L’étape spéciale faisait plus de 1.000 kilomètres. C’est un record car je n’avais, et n’ai jamais par la suite, fait une spéciale aussi longue. Les organisateurs nous avaient notifié que nous allions passer dans des camps de réfugiés Palestiniens. Ils nous ont dit de faire super attention car si nous avions un accident dans un de ces camps, ils ne pouvaient rien faire pour nous. Le gouvernement allemand n’avait aucun pouvoir.

Koweit – Jordanie – Liban

           On était prévenus mais pas pour autant rassurés. Pendant des centaines de kilomètres il n’y avait rien. Que des cailloux à perte de vue. Par endroits, pendant deux ou trois kilomètres, la route était large de 50 à 80 m. On a su plus tard que la route à ces endroits servait aussi de terrain militaire pour les avions. C’était impressionnant de rouler si longtemps sans rien voir. Avec le plein fait à Bagdad et deux jerricans d’essence nous pouvions arriver sans problème à la fin de l’étape à Amman en Jordanie.

           Au lever du jour nous avons traversé ces fameux camps palestiniens. Des tentes à pertes de vue, des gens et des gosses habillés de lambeaux. On avait vraiment pas envie de s’arrêter. C’était triste. Plus on approchait de la Jordanie, plus on voyait de soldats. En général il y avait un soldat à chaque pont traversant un radier. Non pas qu’il y ait de l’eau sous le pont, non, on pouvait très bien passer à coté. Pourquoi c’était gardé ? Secret militaire sans doute ! Nous sommes enfin arrivés à Amman en Jordanie où le petit-déjeuner à l’Automobile Club nous était offert par le Roi Hussein.

           Entre la Jordanie et l’Irak la différence n’est pas grande. Toujours aussi pauvre, toujours aussi sale. Après ce petit-déjeuner bien venu, le prochain contrôle était à Damas en Syrie. Même pays, mêmes arabes, même saleté. La fin de l’étape était Beyrouth au Liban.

           Aussitôt après la frontière du Liban, les choses ont changé. Depuis Istanbul, à part le Koweit, ce n’était que désolation et pauvreté. Au Liban on avait l’impression de rentrer au paradis ou d’arriver sur la Côte d’Azur. Les routes étaient bonnes, il y avait les mêmes marques de stations d’essence que chez nous. On revivait. La descente des montagnes sur la ville de Beyrouth était magnifique. L’hôtel Phénicien en plein centre était digne d’un palace. Nous sommes allés avec Marie-Claude au marché arabe. Il y avait des petites boutiques où les bijoux se vendaient au prix de l’or. Il y avait des kilos et des kilos d’or. Impressionnant ! Les marchands acceptaient les chèques français. Beaucoup de gens parlaient français. C’était le paradis sur terre.

           La réception du soir avait lieu au Yachting Club. Là aussi, c’était grandiose. Là au moins c’était les Milles et Une Nuits. Et dire que 20 ans plus tard, toute cette ville serait détruite par une guerre de religion (pendant la guerre du golf en 1991 j’ai reconnu pas mal d’endroits où nous étions passés). Reprendre la route après un repos aussi bon était difficile. Il fallait remonter la cote méditerranéenne en traversant de nouveau la Syrie et la Turquie. J’avais sans doute trop mangé, ou pas assez bu, à moins que ce ne soit le poisson mangé dans un restaurant sur la route. J’ai été malade toute la nuit, Marie-Claude a conduit jusqu’au bateau qui nous ramenait en Europe par le détroit des Dardanelles.

Liban – Grèce – Bulgarie – Roumanie

            Après une petite incursion en Grèce, nous avons retraversé la Bulgarie pour finir notre étape à Bucarest en Roumanie. Avant d’en arriver là, nous avons eu un petit problème qui aurait pu avoir des conséquences graves. Toujours à cause de cette moyenne horaire qu’il fallait respecter, nous ne pouvions pas prendre beaucoup d’avance. Arrivé à la frontière roumaine, il nous restait 70 kilomètres à faire et une heure trente. C’était sans problème mais c’était aussi sans compter avec la police roumaine. Un policier nous a demandé nos papiers et nous a interdit de sortir de la voiture. Comme il y avait d’autres concurrents devant nous, et que ces policiers n’avaient rien à faire de ce rallye, ils nous ont fait attendre plus d’une heure avant de nous rendre nos passeports. Il restait maintenant toujours 70 kilomètres mais seulement 20 ou 30 minutes si on voulait pointer à l’heure à Bucarest.

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Quand on est professionnel et que l’on est payé pour faire ça, il faut tout essayer pour passer dans les temps et rien ne doit nous arrêter. Nous voilà partis à fond. Pas de circulation sur les routes Roumaines. Le compteur de vitesse était entre 180 et 200 km/h. (110/125 mph). Marie-Claude calculait le temps qui restait et moi j’attaquais comme un fou. Dans une grande descente, je vois au loin un camion roulant dans le même sens que nous. Je mets les phares en plein et je klaxonne. Le camion va sur la droite, mais, au moment où j’allais le doubler, le camion revient au milieu de la route. Freiner à cette vitesse en essayant d’éviter la collision a pour effet de mettre la voiture en travers.

Je récupère comme je peux sans sortir de la route et j’essaye de passer à droite. De nouveau le camion me coupe la route. J’étais hors de moi. Dès que j’ai réussi à doubler ce sacré camion, je lui ai fait une queue-de-poisson et j’ai donné un grand coup de frein. Le chauffeur a pris peur et a tellement serré à droite que les deux roues droites du camion sont tombées dans le fossé et que, avec l’inclinaison de la caisse, il tapait les arbres les uns après les autres.  Je voyais cela dans mon rétro et Marie-Claude c’était retournée pour voir le spectacle.  A chaque arbre, le camion perdait un bout de carrosserie. 

           Pas question de s’arrêter ! C’était trop risqué. Malheureusement il y avait un arrêt d’autobus un peu plus loin et les gens avaient vu ce qui était arrivé. Je me suis dit qu’avec nos numéros sur les portières cela serait facile de nous retrouver. J’ai tenté ma chance de continuer en ralentissant un peu l’allure car, avec les charrettes à chevaux plus on approchait de Bucarest, plus on risquait un autre accident. Malgré nos efforts nous avons pris quelques minutes de pénalisations mais nous n’étions pas les seuls concurrents dans ce cas.

           Le soir tous les participants du rallye couchaient dans une sorte de château où après le repas il y avait des danses folkloriques. J’avais peur que la police nous cherche. A chaque fois que la porte de la salle à manger s’ouvrait, j’avais l’impression de voir arriver la police. Nous sommes reparti le lendemain et je n’ai respiré qu’une fois la frontière roumaine passée. Personne à l’arrêt de l’autobus n’avait noté notre numéro de course.

Roumanie – Hongrie – Allemagne de l’est – Allemagne fédérale

           Jusque là, le temps avait été de notre coté. Pratiquement pas de pluie. Cela allait changer dans la traversé des pays de l’Est. En Hongrie et en Tchécoslovaquie, il pleuvait. Tenir les moyennes imposées de nuit sous la pluie avec les pneus spéciaux était aussi difficile qu’un Monte-Carlo sur la neige. D’après certains échos, nous étions toujours en tête du rallye. 

       Autres problèmes aux frontières de l’ex-Allemagne de l’Est, entrée et sortie. Les policiers fouillaient partout. Ils enlevaient les sièges pour voir si quelqu’un n’était pas caché dessous. Ils passaient des glaces sous la voiture.  Ils avaient certainement peur que les gens trop heureux dans cette partie de l’Allemagne s’enfuient vers l’enfer de l’Ouest. Qui sait ?

Revenus en pays civilisé, l’arrivée était jugée à Kiel, au nord de Hambourg. Tout paraissait normal, nous avions gagné. Le lendemain matin, le responsable course chez Opel vient nous dire qu’un concurrent avait déposé une réclamation contre nous.  

           Motif : Les deux pilotes de chaque voiture devaient signer un registre au contrôle horaire. On nous reprochait que seulement un de nous deux, Marie-Claude ou moi avions signé pour les deux. On avait toujours fait cela dans tous les rallyes et n’avions jamais eu de problème. Quand un des deux dormait, l’autre signait. Quand nous étions tous les deux réveillés nous signons tous les deux. Les commissaires sportifs ont arbitrairement compté un nombre de signatures soit-disant fausses et nous ont attribué, toujours arbitrairement, un nombre de points de pénalisation.

           De premier nous avons été classé 7ème. Le plus drôle c’est que le type qui a déposé la réclamation n’était pas le deuxième ni même le troisième, il était je crois 10ème ou 11ème. Il devait être un ancien nazi ou fils d’un ancien membre de la Gestapo. Je voulais faire appel de cette décision stupide, ce qui aurait entraîné la suspension de la distribution des prix de plusieurs mois, mais les gens d’Opel n’ont pas voulu et m’ont versé les prix en espèces que j’aurais dû toucher.

           Quelle aventure que ce Tour d’Europe ! Merci Opel pour ce rallye très instructif.

Note

Nous sommes désolés de ne pouvoir illustrer cet extrait des mémoires d’Henri Greder. Il semble que l’évènement n’ait pas laissé de trace. Ni dans les archives, ni sur le net…

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