Un grand seigneur venu du Nord a tiré sa révérence il y a quelques jours. Classic Courses se devait de saluer la mémoire de l’un des plus grands pilotes de l’histoire des rallyes.
Olivier Favre
Enfant puis adolescent fasciné par le sport automobile, j’avais quelques pilotes favoris dans les trois principales disciplines, F1, endurance, rallyes. En rallye, mon préféré c’était Hannu Mikkola. Pour quelle raison ? Je ne sais pas vraiment. Etait-ce ce nom « Mikkola » (1) exotique, original et aux sonorités sympathiques et évocatrices pour un enfant (Nicolas et Pimprenelle, les glaces Miko, les bonbons Ricola) ? Etaient-ce son sourire et sa physionomie avenante de Nordique blond aux yeux bleus ? Il y avait certainement de ça. Mais il y avait aussi son talent et ses résultats.
Hannu Mikkola, le roi du rallye
Après les Aaltonen, Mäkinen et Toivonen qui avaient ouvert la voie dans les années 60, Hannu Mikkola était le leader des Flying Finns dans les années 70. Et, en ce temps-là, quand on était le meilleur rallyman finlandais, on pouvait légitimement prétendre être aussi le meilleur du monde. D’ailleurs, Jean Todt, qui s’y connaissait en rallymen pour les avoir quasiment tous « navigués », le considérait en 1980 comme « le plus complet ».
De fait, Mikkola fut certainement le plus grand pilote de rallyes des années 70 avec Björn Waldegård. Ils étaient les seuls à qui un constructeur pouvait confier n’importe quelle voiture raisonnablement compétitive et avoir des grandes chances de gagner, quel que soit le terrain (hormis sur le goudron corse).
Il est d’ailleurs symptomatique que le premier titre pilotes de champion du monde des rallyes se soit joué entre Waldegård et Mikkola en 1979. Quelle plus belle affiche pour clore les années 70 que ce duel mémorable de deux champions au volant des mêmes voitures (Ford Escort et Mercedes SLC) ? La justice aurait d’ailleurs voulu que les deux hommes soient champions ex-aequo en cette saison qu’ils dominèrent de la tête et des épaules (cf 1979 – Björn Waldegård : enfin un champion du monde des rallyes ! – Classic Courses). Mais le Suédois l’emporta d’un point et ce fut finalement une bonne chose. En effet, au contraire de Waldegård, Mikkola eut une nouvelle occasion de coiffer la couronne quatre ans plus tard. Et il ne la manqua pas.
Escort et Quattro
Hannu Mikkola eut deux carrières bien distinctes en rallye : d’abord les années 68-80 où il fut le roi de la Ford Escort. Avec cette rustique propulsion à essieu rigide, il se bâtit un superbe palmarès avec notamment le marathon Londres-Mexico de 1970 et le Safari dont il fut en 1972 le premier vainqueur venu d’ailleurs (« overseas driver » comme on disait alors au Kenya).
Puis il s’engagea dans l’aventure de l’Audi Quattro, qui révolutionna les rallyes au début des années 80. Mikkola assura l’essentiel du développement de cette voiture lourde et puissante aux données techniques inédites (transmission intégrale, moteur 5 cylindres à turbocompresseur). Et il sut adapter magnifiquement son pilotage à cette monture qui n’avait rien à voir avec toutes celles (Escort mais aussi Lancia Fulvia, Toyota Corolla, Fiat 124 Abarth, Peugeot 504, …) qu’il avait conduites auparavant.
Il en fut justement récompensé par neuf victoires entre 1981 et 84 et un titre mondial tardif mais amplement mérité en 1983, à 41 ans (2). En 1987 il remporta une seconde fois le Safari, 15 ans après, avec l’Audi 200 Quattro Groupe A et son fidèle copilote suédois, Arne Hertz. Ce fut sa 18e et dernière victoire en championnat du monde (3). On le vit une dernière fois aux 1000 Lacs en 1993 avec une Toyota Celica Turbo. Puis il se retira, non sans participer à plusieurs rallyes et autres manifestations historiques.
Hannu Mikkola Vainqueur presque partout
Plus de vingt ans au sommet dans une discipline exigeante qui passa en quelques années des berlines « coursifiées » aux monstres du groupe B. Pas mal pour un jeune pilote qui s’était fixé comme unique objectif de gagner le rallye des Mille Lacs. Ce fut fait dès 1968, et refait six fois encore jusqu’en 1983 ! Ajoutez à cela des victoires sur tous les continents (Safari, Côte d’Ivoire et Maroc en Afrique, Nouvelle-Zélande, Argentine) et quasiment tous les terrains. Il gagna notamment quatre fois le RAC et fut le premier étranger à briser le monopole des Suédois au rallye de Suède en 1981.
Seul le Tour de Corse, où il ne vint presque jamais, n’était pas sa tasse de thé. En revanche, Hannu Mikkola était à l’aise sur les routes du Monte-Carlo, qu’il ne parvint pourtant jamais à ajouter à son palmarès. Deux fois deuxième derrière les « serial winners » Munari (1975) et Röhrl (1982), il se classa huit fois dans les 5 premiers à Monaco, mais jamais sur la plus haute marche du podium ! C’était là sans doute le seul regret qu’il pouvait avoir en se retournant au soir de sa vie sur sa somptueuse carrière.
Une vie longue de 78 ans à laquelle un cancer a mis fin le 26 février dernier. Ce jour-là le sport automobile, et le rallye en particulier, ont perdu un grand monsieur, un gentleman, unanimement respecté et apprécié par ses pairs et par le public. Et moi j’ai perdu encore un personnage qui a marqué ma jeunesse. Hyvin tehty ja kiitos Herra Mikkola ! (4)
NOTES :
(1) Hannu Mikkola n’est pas le seul à avoir porté ce patronyme au sommet des sports mécaniques. Son compatriote, Heikki Mikkola (a priori sans lien de parenté avec lui) a été quatre fois champion du monde de motocross entre 1974 et 1978.
(2) Mikkola reste à ce jour le plus âgé de tous les champions du monde des rallyes.
(3) C’était alors le record absolu de victoires en championnat du monde. Il en sera dépossédé l’année suivante par son compatriote Markku Alen.
(4) « Bravo et merci Monsieur Mikkola » en finnois.