Un kaléidoscope de sensations. Sur fond d’arcs lumineux, de luxuriance émeraude ou saphir, de vocalises qui tordent les tripes et vrillent les tympans. Une dimension échappe à la saturation : celle du temps. La course plaisir, la course historique, le permet encore. Le temps de la réflexion en somme.
Olivier Rogar
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Ickx et leclerc
Un regard direct, une poignée de main franche, une brève discussion puis ils se retrouvent devant les photographes. Doit on parler de palmarès, de victoires ? Certes ils se rejoindront là aussi sur une orbite inaccessible au commun. Pourtant avec ces deux là, l’artifice de la communication, du faire savoir, ne tient pas. Détermination et travail les ont portés et s’ils offrent un même front aux objectifs, c’est une approche de la vie, de la course qu’ils semblent partager. Une élégance d’attitude, une certaine pudeur et la même passion. Jacky offre son regard, tout comme Charles. Un voile pourtant les couvre tous deux. A cinquante années de distance, l’un assume humblement la mémoire d’un exceptionnel parcours et l’autre, le plus jeune, semble y puiser une part de son inspiration.
Des pilotes passionnés.
Max Verstappen et Charles Leclerc sont présents dans les stands et le paddock. Max, champion du monde en titre, 25 victoires, 14 poles, 149 GP disputés. Charles, 4 victoires, 14 poles, 88 GP disputés ( Après Bakou) . L’un visitera le stand d’un compatriote engagé sur une Williams. L’autre tournera en démonstration en compagnie de Jacky Ickx. Malheureusement il sera trahi par les freins arrières de la 312 B3 et partira en tête à queue à l’entrée de la Rascasse. Ce qui lui fera dire peu après qu’il ne pilotera plus de F1 historique en cours de saison, à la fois pour rester concentré sur la chasse au titre et ne pas risquer un accident. Dommage mais compréhensible. Qu’il est rafraichissant de voir ces deux « racers » intéressés par l’histoire de leur sport !
Les hommes du Mans
Le Mans 1923. Le GP de Monaco 1929. Si un rapprochement devait être fait entre les deux épreuves, ce serait celui de la tradition et de la constance. 90 éditions au Mans en 99 ans et 79 à Monaco en 93 ans. Deux circuits qui ne sont pas permanents. Et pourtant deux épreuves qui, avec Indianapolis, sont les plus emblématiques du sport automobile. Et sous cet éclairage on comprend mieux la présence ici de plusieurs vainqueurs s’étant illustrés là-bas !
Jacky Ickx
Monsieur Le Mans, avec six victoires acquises en période de forte concurrence. En 1969, année où il s’est illustré dès le début de la course en marchant jusqu’à sa Ford GT40 alors que tous les pilotes traversaient la piste en courant pour sauter dans leur voiture et démarrer en trombe sans avoir le temps d’attacher leur ceinture de sécurité, ni même parfois, de fermer leur porte. Une manifestation courageuse qui conduira à des départs classiques. Démontrant que sécurité et performance n’étaient pas antinomiques, il a passé le premier le drapeau à damier, associé à Jacky Oliver. Il l’a également remporté en 1975 sur Mirage GR8 Ford avec Derek Bell, en 1976 sur Porsche 936, avec Gijs van Lennep, en 1977 sur Porsche 936, associé à Hurley Haywood et Jürgen Barth puis en 1981 et 1982 sur Porsche 936 puis 956 encore avec Derek Bell.
En 2018, on a eu la possibilité exceptionnelle de voir la 936 de 1981 tourner à Monaco, pilotée par Jacky Ickx. On se disait qu’elle était vraiment énorme pour Monaco. Mais elle est plus petite de 1.40 m en longueur que les F1 actuelles…
Derek Bell
Cinq fois vainqueur au Mans entre 1975 et 1987. En 1975 sur Mirage GR8 avec Jacky Ickx, en 1981 et 1982, sur Porsche 936 puis 956, toujours en équipe avec Jacky Ickx puis en 1986 et 1987 sur Porsche 962C avec Al Holbert et Hans-Joachim Stuck.
Emanuele Pirro
Lui aussi a gagné cinq fois Le Mans. En 200,2001,2002 associé à Frank Biela et Tom Kristensen sur Audi R8. Puis en 2006 et 2007 avec Frank Biela et Marco Werner.
Marco Werner
Ou le « terrible » Marco Werner pour tous les fans d’Alesi, suite à leur homérique duel au GP Historique de 2021 !
Il a gagné trois fois le Mans en 2005 sur Audi R8 avec Tom Kristensen et Jirky Järvilehto puis en 2006 et 2007 sur Audi R10 TDi avec Frank Biela et Emanuele Pirro.
L’avenir du Grand Prix
Doubler à Monaco
Depuis que le GP existe et particulièrement depuis que la F1 a pris son formidable essor, Monaco lui a offert un écrin sans pareil, tandis que celle-ci apportait à la Principauté une part de sa visibilité mondiale. Les tensions dont on entendait parler lors du Grand Prix entre le management de la F1 et l’Automobile Club de Monaco inquiètent mais nous semblent devoir aboutir à un compromis à même de préserver les intérêts de tous.
En effet, que serait la F1 sans Monaco ? La réponse est évidente. En perdant ce qui fait son prestige , elle serait aussi dénaturée que que si Ferrari la quittait. Peut-on imaginer celà ? Certes, on l’entend depuis des années, il est quasiment impossible d’y doubler. En F1, mais également en F2. En moderne mais aussi en historique. En historique, on a assisté à des joutes, il y a quelques années lorsque le pilotage était d’un niveau moins élevé qu’aujourd’hui. Se présenter à quatre en quinconce au Bureau de Tabac doit générer de bonnes montées d’adrénaline ! Mais en général, lorsque les meilleurs pilotes se tiennent en quelques fractions de secondes, le dépassement est impossible. ( Marco Werner – Jean Alesi en 2021). A l’inverse si un pilote roule délibérément plus lentement que son poursuivant, avec un art consommé du bouchonnage, le suiveur ne peut que se résigner à prendre son mal en patience. Demander à Lewis Hamilton qui suivait Alonso à Monaco 2022 !
L’avis de Johnny Rives
Le constat établi, nous nous sommes demandé pourquoi cette situation perdurait. On a évoqué il y a quelques semaines, le problème de l’embonpoint des monoplaces, mais les difficultés de dépassement ne sont pas nouvelles.
Alors nous avons interrogé le Boss, notre cher Johnny Rives. Que faut – il pour dépasser à Monaco ? :
« Une ligne droite avec un gros freinage au bout. C’est très simple, on ne double plus à Monaco depuis que la piscine a été construite. Du bureau de tabac à l’épingle du gazomètre, il y avait une ligne légèrement courbe au terme de laquelle un gros freinage ramenait vers les stands et permettait les dépassements .
Maintenant on voit que même les F2 n’arrivent plus à dépasser.
Je vois mal où on pourrait aménager une zone de dépassement. Entre la chicane de sortie du tunnel et le Bureau de tabac, c’est trop court, le virage n’est pas assez prononcé pour générer un gros freinage.
Le Larvotto ? J’ignore si c’est envisageable. Mais pour doubler il faut de la vitesse, de la place et un gros freinage ! »
Donc sauf pluie ou incident particulier, on assiste à une procession. Et on ne voit pas où récupérer une telle zone. Il est peu probable que la piscine soit déplacée. Passer au large de la piscine ? Gros investissement… Etendre la piste vers le Larvotto ? Là-aussi gros investissements, sans compter la gestion du public….
« Une chose est sûre nous rappelle Johnny, on peut être certains que le Prince gèrera cette question dans l’intérêt des monégasques et avec bon sens ».
Hommage à Colin Chapman
Disparu en 1982, il y a quarante ans, Colin Chapman fondateur, de Lotus a été l’un des ingénieurs les plus prolifiques que la F1 a connus.
Monocoques, ailerons, effet de sol, double châssis sont parmi les innovations à la base desquelles il a été ou qu’il a popularisées. Il a aussi été le premier utilisateur du moteur Ford Cosworth et le premier à avoir convaincu des sponsors extérieurs au sport automobile.
Lotus a fait son entrée en Formule 1 lors du Grand Prix de Monaco 1958 avec une Lotus 12 modifiée. Avec Cliff Allison et Graham Hill comme pilotes. Clark, Hill, Rindt, Fittipaldi, Ickx, Peterson, Nilsson, Andretti, De Angelis et Senna ont notamment piloté pour Lotus.
81 victoires en Grand Prix, 6 titres de champion du monde des pilotes, 7 titres des constructeurs font de Lotus une des plus grandes écuries de F1 aux côtés de Williams, McLaren, Mercedes et Ferrari. Sans oublier Red Bull.
Aujourd’hui la famille Chapman est toujours présente en Grand Prix mais en historique avec le Classic Team Lotus dirigé par Clive Chapman, l’un des fils de Colin et Hazel.
Le charme des traditions
Tout le monde connait Antoine le Pilote et son dessinateur, Yvon Amiel. Il a créé récemment avec son comparse Fernando Grande, des statuettes à l’effigie de ses personnages, incarnant les champions de F1 de toutes époques qui courent sans notion de chronologie les uns contre les autres.
Cette année l’ACM a souhaité que chaque vainqueur de série du GP Historique gagne la statuette du pilote incarnant la série.
Yvon et Fernando ont donc remis à chaque vainqueur, la statuette qui lui était destinée.
Si l’on ajoute aux Coupes, au grid girls de bon goût, les couronnes de laurier et les statuettes de Chiron, Fangio, Hill, Stewart, Lauda, Villeneuve et Senna, le Grand Prix de Monaco Historique est de plus en plus exceptionnel. Une question : pourrait on aller jusqu’à des tenues d’époque ? Comme à Goodwood par exemple ?
…Et Beltoise ?
Ce n’est pas ici que nous allons reparler de la victoire de 1972. L’affiche du GP Historique 2022 est superbe. Et trois Matra tournaient. Dont une au nom de Jean-Pierre Beltoise. L’occasion aurait été belle de lui rendre un juste hommage…
Notre regret pour cette édition. Et peut-être un axe de réflexion pour les années futures. Avec des pilotes dont on a la chance qu’ils soient toujours parmi nous. En 2023/2024 par exemple ce seront les 50 ans de la victoire de Jackie Stewart sur Tyrrell, les 40 ans de la victoire de Keke Rosberg sur Williams puis d’Alain Prost sur McLaren. Une occasion unique de réunir des champions et leurs voitures. Affaire à suivre ?….