Après plusieurs mois d’absence, la minia-chronique revient pour célébrer la sortie récente d’une miniature attendue depuis longtemps : la Ford Capri LV de 1973. Une voiture qui rassemble bien des qualités habituelles des modèles reproduits par Trofeu, mais qui suscite aussi quelques interrogations.
Olivier Favre
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Rappelons d’abord rapidement le contexte historique. En 1970 Ford lance la 2600 RS (Rallye Sport), évolution sportive de la Capri, coupé de grande série apparu un an plus tôt. Sous l’autorité de Jochen Neerspach, le patron de la compétition chez Ford-Cologne, une version « méchante » est développée pour courir en Tourisme Spécial (Groupe 2). Le succès dépasse les espérances : en deux saisons, 71 et 72, la Capri rafle presque toutes les victoires. Y compris aux 24 Heures du Mans 72 qui admet les Groupe 2 pour la première fois. Seul un règlement abscons la prive de deux titres européens, au profit d’Alfa Romeo qui n’a pas d’adversaire dans sa catégorie.

Puis, lassé de voir les voitures de ses préparateurs favoris, Schnitzer et Alpina, régulièrement surclassées par les Capri, BMW débauche Neerspach dès le début de la saison 72. Sa mission est de monter un département Motorsport et de faire du lourd coupé 2800 CS une machine de guerre. Ford s’attend donc à plus d’opposition en 73 et développe une version plus évoluée de la Capri. Celle-ci est communément appelée LV ou RV (1). On la reconnaît extérieurement à ses ailes plus imposantes et plus carrées permettant de monter des pneus encore plus larges, ainsi qu’à son spoiler désormais intégré à la carrosserie. On le sait, cette évolution ne suffira pas. BMW prendra l’ascendant avec le coupé CSL. Surtout lorsque seront homologués les appendices aérodynamiques qui lui vaudront le surnom de « Batmobile ».

Un best-seller de Trofeu
Voilà pour le rappel historique des vraies. Quant aux miniatures, cela fait déjà une vingtaine d’années que le fabricant portugais Trofeu a sorti ses premières Ford Capri 2600 RS, dans leur livrée usine des 24 Heures du Mans 1972. Depuis, quelque 50 versions de ce modèle très réussi sont apparues au fil des ans. Mais toutes n’avaient pas un grand intérêt, loin s’en faut. Et nombre de collectionneurs se demandaient quand Trofeu allait enfin se décider à s’intéresser aux versions de 1973. Votre serviteur au premier chef puisqu’il s’est mis en tête il y a longtemps de rassembler la totalité de la grille des 24 Heures du Mans 73. Certes, ces Capri ont été reproduites en kit il y a déjà longtemps, mais je ne me voyais pas peindre et monter trois modèles quasiment identiques au numéro près.
A la fin de l’année dernière, enfin, la newsletter Trofeu annonçait la sortie imminente des trois Capri d’usine alignées dans la Sarthe en 1973. Encore quelques semaines d’attente et les miniatures arrivaient sous le sapin.
C’est d’abord leur extrême légèreté que je remarque. Elle s’explique par l’emploi de résine et plastique à la place du métal des premiers modèles du fabricant il y a plus de vingt ans. Quant à la première impression visuelle, elle est très favorable. Et préférable vu le prix de ces miniatures qui frôle désormais la centaine d’euros pièce. Le souci du détail est manifeste. On pourrait se trouver en présence d’un kit bien monté avec de nombreuses pièces rapportées (phares longue-portée, attache-capots, bouchons de réservoir, …).
Comme un doute

Mais, à force de regarder ces modèles sous tous les angles, je suis pris d’un doute. Le capot me paraît bien court. Pour en avoir le cœur net, je sors de leurs vitrines ma Capri Trofeu version Spa 71 et la Solido que j’ai décorée il y a 40 ans. Placés côte à côte, les trois modèles révèlent des dimensions étonnamment différentes. Si la vieille Solido et la RS Trofeu sont très proches, la nouveauté se distingue. Non seulement au niveau du capot, effectivement plus court, mais aussi par le traitement du pare-brise. En rapportant strictement les dimensions de la vraie Capri au 1/43, on devrait obtenir une miniature longue de 9,8 cm. Or, aucune des trois ne dépasse les 9,5 cm et la dernière-née de Trofeu ne fait que 9,3 cm. La largeur quant à elle est correcte à 3,8 cm.
D’autres Capri Trofeu à prévoir
Certes, le respect des dimensions n’est pas une règle absolue en modélisme. Une part d’interprétation des formes est admissible, puisque l’œil ne perçoit pas de la même manière une vraie voiture et une miniature tenant dans la main. Et, bien qu’elles soient un peu courtes, la fidélité des Capri Solido et RS Trofeu n’en souffre pas (2). Mais c’est plus gênant pour cette LV. Non seulement ses ailes paraissent insuffisamment galbées comparées à la Solido, mais la différence de longueur est entièrement concentrée sur le capot. On le voit bien aussi à la taille et à la position du sticker Texaco en avant des ailes : manifestement le capot n’est pas assez plongeant.


Il est étonnant que Trofeu soit reparti de zéro pour cette Capri, au lieu de modifier son moule de 2600 RS. Il m’aurait paru logique de réutiliser tout ce qui pouvait l’être, à commencer par les vitrages. Ce qui n’est manifestement pas le cas, vu les parebrises très différents.
Ces Capri étaient attendues, trop peut-être, ma satisfaction initiale est donc teintée de quelques regrets. Il y avait moyen de faire mieux. Mais quelle que soit la qualité de cette nouvelle base, Trofeu ne manquera pas d’en multiplier les versions. Sont déjà sorties ou annoncées en ce début d’année les Capri du Shark Team Le Mans 74 et 75 et les versions usine des 24 Heures de Spa 73. Cependant, l’éventail des versions possibles sera forcément plus limité que pour la RS. En effet, Ford-Cologne a dû « muscler » encore sa Capri dès 1974 pour faire face aux assauts des BMW. Une future nouvelle base à prévoir par Trofeu ? Peut-être … Ou peut-être pas, la Capri 74 ayant déjà été (très bien) reproduite il y a plusieurs années par Minichamps.
NOTES :
(1) La Capri de 73 est en général référencée LV, mais Solido l’a appelée 2600 RV. Que peuvent bien vouloir dire ces initiales LV ou RV ? Ce mystère résiste à ma sagacité depuis plus de 40 ans, soit depuis que j’ai posé les décalcomanies de ma Capri Solido des 24 Heures du Mans 1973. Si un lecteur averti connaît la réponse, je suis preneur. En tout cas, l’IA n’aide pas : Perplexity avoue son ignorance. Et Chat GPT suggère « Recreational Vehicle » ou « Rallye Version » pour RV, ce qui n’est pas crédible …
(2) C’est une fois encore l’occasion de louer le talent des prototypistes de Solido. Bien avant l’avènement des outils numériques modernes, ils savaient reproduire l’esprit d’une voiture, pour ce qui n’était pourtant au départ qu’un jouet.

Photo d’ouverture : © Olivier Favre