Il vous suffira de dire « J’étais au Mans en 2023 » pour qu’on réponde « voilà un homme de goût ! » (**) S’il était une édition à ne pas rater, c’était bien celle-ci. Et c’est en fin connaisseur que Jacques Vassal s’est fait accréditer pour cette course du siècle.
En fin limier des scènes et des pistes, il avait senti l’exceptionnel. Les nouvelles hypercars. Les marques. Les modèles. Les pilotes. Tout était rassemblé pour cela. 24 Heures d’action et de suspens dont on espère que les lecteurs se sont rassasiés devant leurs écrans.
Et du début à la fin c’est Ferrari, avec son premier Le Mans depuis un demi siècle, qui a fait exploser de bonheur les tifosi et les autres.
Quel plus beau vainqueur que la marque la plus glorieuse de l’histoire de la course ? On y revient avec plaisir dans ce billet d’ambiance.
Classic Courses
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Grosse cote, vraiment ?
Qui aurait parié sur la victoire d’une Ferrari au terme de ces 24 Heures du centenaire ? Alors que les 499 P n’en sont qu’à leur deuxième année en compétition et à leur première tentative dans la Sarthe ? En inscrivant leur Hypercar rouge à bande jaune au sommet du classement, signant – enfin ! – la 10ème victoire de Maranello dans la Sarthe, Antonio Giovinazzi, Alessandro Pier Guidi et James Calado se sont montrés dignes successeurs de Luigi Chinetti / Lord Selsdon (1949, 166 MM, première édition d’après-guerre et première tentative d’une Ferrari).
Ou, plus près de nous, d’Olivier Gendebien / Phil Hill (1958, 61 et 62), de Gendebien / Paul Frère (1960, Testa Rossa), de Scarfiotti / Bandini (1963), de Guichet / Vaccarella (1964, 275 P), voire avec le NART, de Masten Gregory / Jochen Rindt (1965, 250 LM). Depuis lors, des Ferrari d’usine (512 S puis 312 P et PB) sont revenues au Mans, d’autres encore (512 BB / LM, 333 SP) par le biais d’écuries privées mais jamais, au grand jamais elles n’ont pu tenir la tête jusqu’au bout.
Pourtant, avec les deux 499 P, c’était loin d’être gagné d’avance. Comme si souvent au Mans ! « Le Mans choisit son vainqueur », nous rappelle Jacky Ickx, orfèvre en la matière. Les Ferrari 51 et 50 étaient bien toutes les deux en première ligne de la grille de départ après l’exercice de l’Hyperpole sur 30 minutes, le jeudi soir, réservée aux 8 plus rapides de chacune des trois catégories.
Peugeot en tête, merci les safety cars !
Mais de la coupe aux lèvres… Les Toyota toujours rapides et fiables, les Cadillac en grande forme, les Porsche encore à craindre, les Peugeot en embuscade, voire les Glickenhaus tenaces… Toutes laissaient planer l’incertitude. Ajoutez à cela les sorties de route en pagaille (Cadillac, Porsche…) en début de course, les orages inondant un tronçon du circuit tandis qu’un autre restait sec, des « slow zones » transformant même au dire de certains, la nature même de la course tandis que les voitures de sécurité à répétition bousculaient classements, hiérarchies et pronostics.
A tel point qu’en début de soirée, les Peugeot se retrouvaient inopinément en tête… derrière safety-car ! Peugeot n’allait être doublé que quatre heures plus tard. Au matin, la Toyota n° 7 ayant dû abandonner, c’était la ° 8 (Sébastien Buemi / Brian Hartley / Iro Hirakawa) qui menait la danse. Antonio Giovinazzi tentait alors de rapprocher la Ferrari. Un audacieux dépassement de Pier Guidi qui avait pris le relais, faisait pencher la balance dans le clan italien…
Une bataille digne d’un Grand Prix
Jusqu’au ravitaillement à l’issue duquel la 499 P redémarrait après un très, trop long temps d’attente (problème d’électronique ayant nécessité un reset). Tout était à recommencer mais tout restait à craindre ! Dans un suspens digne des grandes heures du Mans, on se prenait à rappeler la lutte finale de 1969 entre Porsche 908 (Hans Herrmann) et Ford GT40 (Jacky Ickx).
Une faute de pilotage du Japonais Hirakawa, qui avait relayé Brendon Hartley (sortie de route sur les graviers, suivie d’un passage au stand pour changer un capot et vérifier que la Toyota n’avait rien de grave), offrait à la Ferrari (dont James Calado avait repris le volant) un matelas de sécurité de 3’22 ». La Ferrari, sauf catastrophe improbable, ne pouvait plus être rattrapée. Et la Cadillac n° 2 d’Earl Bamber / Alex Lynn / Richard Westbrook, à plus de 2’50 » de la japonaise, devait s’en tenir à la 3e marche du podium. La Ferrari 499 P n° 50, elle, se classait 5e et les Glickenhaus devançaient finalement les Peugeot !
Les autres ou la gloire du Mans
Au championnat du monde (WEC), les points glanés au Mans valent le double de ceux des autres épreuves et du coup Toyota, vainqueur à Sebring, Portimao et Spa, n’est plus si sûre de sa domination.
Un peu éclipsées par le somptueux spectacle offert par la catégorie reine, les LMP 2 se sont bien bagarrées, la 34 d’Inter Europol Competition (Smiechowski /Costa / Scherer) et la 41 en particulier. A un moment, on comptait quatre Oreca/Gibson aux quatre premières places et très proches à la distance.
En GT, la Corvette n° 33 (Catsburg / Keating / Varrone) assure une victoire qui, à l’issue d’une bagarre serrée avec notamment la Porsche d’Iron Dames, console le clan américain où, en Hypercars, les Cadillac (3e et 4e) et les Glickenhaus (6e et 7e) ont fait très bonne figure.
Succès populaire exceptionnel
Mais pour les spectateurs et les journalistes, l’ambiance populaire et le succès exceptionnel de cette édition du centenaire, plus médiatisée que d’ordinaire ( Sauf par la « bien-pensante » télévision publique [NDE]) est le résultat non pas tant du millésime et du chiffre 100, que de la participation de cinq grands constructeurs en Hypercars, dont trois pour un grand retour officiel (Ferrari, Peugeot, Cadillac), deux pour maintenir un palmarès au sommet (Toyota, Porsche), sans oublier de valeureux artisans (Glickenhaus et même Vanwall).
Et puis une belle brochette de pilotes connus, dont des anciens de la F 1 (Esteban Gutierrez, Jean-Eric Vergne, Robert Kubica, Paul Di Resta, Sébastien Bourdais, Sébastien Buemi et même Jacques Villeneuve, le Champion du Monde 1997 recruté in extremis par Vanwall ***), ou Antonio Giovinazzi, l’un des trois vainqueurs ferraristes de cette édition réellement historique (un mot qui, pour une fois, n’est pas usurpé). De quoi, c’est sûr, faire réfléchir un certain Charles Leclerc, invité très remarqué et spectateur ô combien attentif dans le stand Ferrari-AF Corse… »
Jacques Vassal – photos ACO, WEC
Classement des 24 Heures du Mans 2023
Notes
* Les master class, ou classe de maître en français, sont organisées sur le schéma d’une conférence, où l’intervenant partage son expérience ou sa maîtrise d’un sujet, et propose aux participants d’échanger à ce sujet.
** Il vous suffira de dire « J’étais à Austerlitz » pour qu’on réponde « voilà un brave ! ». ( Napoléon à Austerlitz)
*** Jacques Villeneuve sera remplacé à quelques jours du Mans par Tristan Vautier, à l’initiative de Vanwall.