Dernier épisode de notre série consacrée aux surprises de début de saison. Nouveau changement d’époque, nouvelles têtes, nouvelles associations châssis-moteur : voici les combinaisons qui ont marqué les esprits dès les premières courses de la saison.
Bertrand Allamel
En 1996, à Melbourne, Damon Hill fait figure de favori sur sa Williams-Renault. Tout le monde espère un duel avec Schumacher, parti relever le défi Ferrari à l’intersaison. C’est sans compter sur le débutant Jacques Villeneuve, fraîchement titré en championnat américain CART et auréolé de la couronne de vainqueur des 500 Miles d’Indianapolis. Pour sa première participation en F1, Villeneuve honore la mémoire de son père et réalise sa première pole-position. Il tient en respect son co-équipier Hill, plus expérimenté, durant cinquante tours, avant de devoir lui céder la première place en vue de l’arrivée suite à une fuite d’huile. Le premier grand-prix de la saison révèle le talent de Villeneuve : première participation, première pole, meilleur tour en course, deuxième place au classement final.
Un an plus tard, en 97, toujours à Melbourne, la saison s’ouvre sur une victoire surprise d’une McLaren qui semble lentement remonter la pente. David Coulthard s’impose devant Schumacher et Hakkinen, alors que le favori Villeneuve abandonne dès le premier tour suite à une collision. Une victoire qui annonce le retour aux affaires de McLaren…
En 98 en effet, après le sacre de Villeneuve et la bévue de Schumacher à Jerez, personne ne sait trop à quoi s’attendre. Renault s’est officiellement retirée et les écuries partenaires, Williams et Benetton, n’ont plus qu’un moteur rebadgé Mecachrome et Playlife à mettre sous le capot. Le championnat semble alors plus ouvert, à moins qu’il ne soit promis à Schumacher et Ferrari. Pourtant à Melbourne, ce sont les McLaren-Mercedes qui créent la surprise, et quelle surprise : elles assomment littéralement la concurrence. Dès les qualifications, Hakkinen et Coulthard se qualifient en première ligne, avec sept dixièmes d’avance sur Schumacher, troisième… En course, les McLaren boys réalisent le doublé et relèguent Frentzen, troisième sur Williams-Mecachrome, à plus d’un tour ! Épatante démonstration de ces monoplaces très affûtées conçues par Adrian Newey, qui avait poussé le raffinement jusqu’au couvercle de réservoir d’essence, amovible et automatique.
En 99, les deux McLaren sont ultra-favorites mais offrent des images saisissantes en rentrant coup sur coup directement au fond du garage pour abandonner. L’autre favori, Schumacher, compromet ses chances dès le départ en calant sur la grille, ce qui le place en dernière position lors de la nouvelle procédure de départ. En l’absence des grands ténors, c’est donc Irvine qui remporte cette victoire surprise devant l’étonnante mais irrégulière Jordan-Mugen-Honda de Frentzen.
Il faut attendre dix ans pour voir une vraie surprise lors d’une manche inaugurale, l’ère Ferrari-Schumacher n’ayant laissé que peu de suspens. En 2009, des voitures blanches et vierges de sponsors réalisent un tonitruant doublé devant les teams « historiques ». Les Brawn BGP 001 de Button et Barrichello confirment leur étonnant potentiel révélé durant les tests hivernaux. La monoplace conçue par Ross Brawn, et dotée d’un irrésistible double-diffuseur, réussit l’exploit de remporter une course lors de sa première participation, comme la Wolf en 77, avant de remporter le championnat (pilote et constructeur).
En 2014 enfin, alors qu’on se demande qui pourra briser l’hégémonie des Red Bull-Renault, les Mercedes d’Hamilton et Rosberg réalisent un doublé (après le déclassement de Ricciardo), annonciateur d’une brillante domination. Soixante ans après la victoire surprise de Fangio sur Mercedes, les flèches d’argent retrouvent le chemin de la victoire. 1954-2014, la boucle est bouclée. Bon grand-prix de Chine !
Illustrations :
Brawn GP 2009 @ DR Australie 1996 @ DR