F1 2014 – Shangai. Troisième doublé consécutif des Mercedes à l’occasion du GP de Chine, est-ce une surprise ? Sans l’inattendu (et immérité) abandon d’Hamilton en Australie, cela aurait pu être le quatrième en quatre Grands Prix. Vous avez dit suprématie ?
Johnny Rives
NICOLAS ROSBERG, CE HÉROS…
Par son déroulement conventionnel, pauvre en coups de théâtre, ce Grand Prix de Chine 2014 a rejoint les deux premiers de la saison, Australie et Malaisie. Avec deux semaines de recul, on a pu constater qu’avec son final à couper le souffle, le G.P. de Bahrein avait été un trompe l’œil. Car outre les duels acharnés auxquels il avait donné lieu, le troisième rendez-vous de la saison nous avait confirmé avec une évidence aveuglante ce que l’on savait déjà. Et qui là, à Sakhir, nous crevait les yeux sans qu’on s’y attarde – éblouis que nous étions par les batailles acharnées de la fin de course.
Mais quelle est cette évidence qu’aucun commentateur, à commencer par nous, n’avait eu la clairvoyance de souligner ? L’accrochage entre deux des pilotes les plus redoutés du plateau – par leurs imprudences plus que par leurs performances… – avait provoqué l’intervention bienvenue de la voiture de sécurité au 41e des 57 tours de ce G.P. de Bahrein.
Le feu vert avait été redonné au 47e passage, soit à tout juste dix boucles de l’arrivée. Que s’était-il passé alors ? Oui, le formidable duel entre Hamilton et Rosberg. Et aussi les règlements de compte « fraternels » (mais féroces) entre quelques équipiers : Perez et Hulkenberg chez Force India, Massa et Bottas chez Williams, Ricciardo et Vettel chez Red Bull pour les plus fameux.
Mais encore ? Vous ne trouvez pas ?
Il suffit de se reporter au classement final pour que l’évidence apparaisse en pleine lumière : 3e Perez à 24 secondes des deux Mercedes, lit-on. Quoique déchaîné lors de ce sprint extraordinaire, le Mexicain avait, en dix tours et à moteur égal, concédé 24 secondes aux Mercedes officielles. Soit deux secondes et demie par tour ! Il ne pouvait y avoir démonstration plus évidente de la supériorité des W05 sur toutes leurs rivales.
Le Grand Prix de Chine de dimanche n’en a été qu’une confirmation supplémentaire. Lewis Hamilton, signant le premier triplé consécutif de sa carrière, s’est littéralement promené sur le circuit où la Ferrari d’Alonso avait triomphé un an plus tôt. Un Alonso qui, cette fois, a cédé au retour de Rosberg sans même pouvoir le combattre. Et lui lâcher la 2e place qu’il avait réussi à conquérir d’entrée. Un Rosberg qui fut, en fin de compte, le héros de cette course.
Car il a dû mener son combat comme un pilote de course tel qu’on en rêve : tout seul, tandis que ses adversaires disposaient de l’appui total, précieux et de nos jours indispensable, de la technologie des F1 modernes. Une technologie pilotée depuis les garages par une batterie d’ingénieurs armés de puissants ordinateurs. Privé de télémétrie, Rosberg a combattu tel un chevalier du moyen âge démuni de sa cuirasse lors d’un tournoi ! Sa mise sur orbite à l’extinction des feux avait été plus qu’hésitante. Cela par la seule faute de son sophistiqué système de démarrage (calage de l’embrayage, du meilleur régime moteur) alors privé de la précieuse assistance électronique dont Felipe Massa donna avec éclat (et chance) toute la mesure.
Septième seulement en début de course, Rosberg s’appliqua, tout en conduisant à la limite, à donner à l’adresse de ses techniciens lecture de ce que lui indiquait son ordinateur de bord. Sans que, dans le garage Mercedes, ses assistants puissent en tirer d’autre profit que de lui confirmer que, oui il était bien dans les normes techniques envisagées, oui il était dans un rythme idéal, et non il ne devait surtout pas se désunir. Et Nicolas ne se désunit pas un seul instant.
Après avoir, avec rudesse quoiqu’accidentellement, écarté Bottas de sa route, il dépassa plus ou moins facilement Hulkenberg, Massa, Ricciardo, Vettel et enfin Alonso avant de, une fois arrivé à la 2e place, s’enquérir par radio : « Et Lewis ? Il est loin ? »
La réponse dut avoir l’effet d’une douche froide sur l’ardeur qu’il avait déployée jusque là : « Il est à 15 secondes devant toi ! »
Outre son meilleur tour en course, la seule consolation que Rosberg put tirer de cet infortuné (pour lui) dimanche de Pâques fut de rester en tête du championnat du monde. Il faut espérer que les responsables de la F1 – qu’il s’agisse de la FIA présidée par Jean Todt ou du tout puissant B.Ecclestone – tireront la leçon de cette course afin de rendre règlementairement aux pilotes les moyens de disposer d’eux même et de leur voiture sans l’assistance d’ordinateurs placés dans les garages et surtout des liaisons radio qui unissent ces ordinateurs à leurs machines. Afin de leur restituer pleinement leur rôle de pilotes de course tel qu’il se concevait à l’origine.
En attendant, la F1 pouvait, au soir de sa campagne orientale, établir le constat que le plateau des 22 voitures engagées dans le championnat 2014 se partage nettement en deux groupes : d’une part l’écurie AMG-Mercedes, ses deux W05 et ses deux merveilleux pilotes Hamilton et Rosberg. De l’autre les dix autres équipes. Celles-ci disposaient alors de trois semaines pour tenter, aussi peu que ce soit, de réduire leur retard. Et là, on pense en premier lieu aux motoristes de Ferrari et de Renault.
Photo podium Shanghai @ DR