Labatt's GP of Canada
15 mai 2020

Elargissement 7 – Labatt’s GP of Canada

3233 Concession Road, Clarington, Ontario, Canada
En rêvant sur https://bit.ly/2zlhS3T

11 h 12. Il quitte son stand après avoir demandé un peu plus d’aileron arrière, tour de lancement puis tour clair et il attaque à environ 250 à l’heure la ligne droite Andretti. Ligne droite.. doux euphémisme pour qualifier ce ruban de mauvais tarmac dégradé par les hivers terribles des Grands Lacs, en fait une courbe au rayon imperceptible et piégée par une bosse.

11 h 15. Deux flèches sautent de conserve sur la butte. La bleue, conduite par Jacques Laffite se reçoit en ligne dans le hurlement de son V12 qui se dissout dans les érables rouge et or.
La seconde, on dirait une Hesketh, reste en l’air, entame un vol plané que Frank Dernie n’a pas prévu sur sa planche à dessin. Après trois vrilles l’auto s’écrase sur la tour de télévision heureusement vide en ce vendredi matin. Réduite à l’état de coque de survie, moteur et boîte ont volé dans les champs.

Ian Ashley vient de confirmer le surnom de Crashley dont l’affublent les Brits. Il attendra une ambulance 45 minutes. Emerson Fittipaldi gicle avec son toubib perso. Quant à Jochen Mass, il s’empare d’une pince et s’acharne à le désincarcérer.

Mosport signera la fin de sa carrière. Et huit accidents en un week-end signeront l’arrêt de mort de Mosport en F1.

11 h 32. Fin de la première séance d’essai. Une nappe glaciale descendue droit de la baie d’Hudson grisaille le dégradé ocre rouge qui donne au paysage de Mosport cette couleur d’été indien, une saison qui n’existe que dans le Nord de l’Amérique, comme le chante Joe.

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Dimanche dernier, Watkins Glen. Et dans trois semaines, Donington F2. Une sorte d’Octobre rouge.

En cette fin des 70’s la F1 atteint le sommet de son art. Beauté, puissance, vitesse, équilibre, argent qui permet le développement du turbo, et danger aussi.

Il rôde à Mosport, dernier des dinosaures de bitume, une route étroite ravagée par une infernale amplitude thermique, à la sécurité confiée à un vague rail, où, selon Ken Tyrrell, on est plus souvent en l’air que par terre, qui prend grosso modo la forme d’une grenade dont les virages 1, 2 et 3 seraient autant d’encoches pour la saisir et l’épingle Moss, la goupille.

C’est là que s’est posté Guy Royer. Il cède au vertige des yeux de papier affichés par Honda qui fixent la foule avec plus de chaleur que ceux braqués à travers nous par le fin José pour saluer un confrère en salle de presse.

Guy travaille à l’Ekta. S’il fait beau dimanche il fera péter le K II pour peut-être décrocher l’encart d’Auto-Hebdo dans deux semaines. À condition de trouver un gars qui rentrera sur Paris après la course, à qui il confiera ses péloches.

Un troisième compère, Gilbert Monceau, campe chez Ligier. Il est attaché au numéro 26 comme un sticker Gitanes sur une carrosserie bleue.

21 h 15. La marquise de l’Eglinton projette un reflet rouge sur le trottoir mouillé de Eglinton Avenue, à Toronto. On y devine l’inscription BOBBY DEERFIELD. Hébétés, assaillis d’émotions propres à soi chacun se tait. Certes Sydney Pollack s’est montré meilleur dans Jeremiah Johnson par exemple mais exposer l’être intime, complexe, tout de contradiction d’un pilote de Grand Prix suppose plus de finesse, de psychologie que pour raconter un trappeur.

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La figure de Carlos Pace, tué au printemps dernier, domine le film porté par Al Pacino qui a un vraie gueule de coureur. Et l’aura de ceux qui, fort de l’exercice du danger, du compagnonnage de la mort, accèdent à autre chose. Des types comme Jacques Villeuve, Jacky Ickx.

22 h 30. Fin de partie au Barberian’s, sur Elm Street. Ambiance habituellement cosy brouillée par les anoraks Labatt’s des officiels du Grand Prix.
Une télé que nul ne regarde montre Gilles Villeneuve dont c’est la première apparition en F1 devant son public. Nos conversation habituelles qui consistent à se jeter à la tête des noms de pilotes, de constructeurs, de journaliste, démarrent.

Gilbert augure une belle perf de Laffite en dépit du 10e chrono arraché cet après midi. Guy est sur la réserve mais il garde encore quelques litres de carburant mental.
Je me projette en pensée sur Mosport ennuité. la grenade se sera encore dégoupillée cet après-midi. J’y aurais vu la dernière course, comme à Charade, à Spa, au Ring.

Please a pint of Molson ! – avec Guy Royer, à Canadian Tire Motorsport Park.

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