Posé quelque part dans le Northamptonshire que noyait un déluge biblique, je ne pouvais empêcher qu’un doute quant à ma santé mentale titillât mon cerveau en ce dimanche 19 mars 1978.
Que ne gardais-je la chambre douillette du bed and breakfast de Northampton. Qu’il ferait bon ce soir auprès de la cheminée moyenâgeuse de Weston Manor, sur la route d’Oxford !
Moins confiné que le jeu d’échec ou le judo, le sport automobile avait les confins du monde pour limites. De l’enfer vert du Ring à la fournaise de Buenos Aires le pilote de Grand Prix encaissait toute la gamme des climats, des paysages, des géographies, des amplitudes thermiques que le Créateur avait à sa disposition quand il installa l’Univers.
Aussi à l’aise sous la grande pluie qu’une grenouille dans une mare, l’Anglais avait embouteillé comme aux beaux jours du Grand Prix de juillet la misérable Dadford Road, aussi étroite qu’une venelle, qui constituait la voie d’accès à Silverstone. Succession de Ford Granada rouge, de Vauxhall Cavalier rouge (Y avait-il en Angleterre des autos non rouge ?) .
Alléchante première apparition des F1 en Europe, The Daily Express International Trophy fournissait l’occasion de voir la nouvelle Lotus 79 aux mains de Mario Andretti, entre autres.
Au micro d’Anthony Marsh, le speaker du circuit, le natif de Nazareth qui n’avait rien de christique lançait une des sentences mâtinées de testostérone d’alors : « If everything seems under control, you’re not going fast enough. »
Planté sur la fascine à droite de la ligne de départ, « protégé » du déluge par un bob Marlboro et le maigre blouson JPS acheté au black à un loustic à Montjuich, j’assistais médusé à l’envol d’un mur aquatique qui louvoyait avant de se stabiliser en une pseudo ligne droite et de s’évanouir au-delà de la passerelle Daily Express.
Des 15 autos qui faisaient le mur d’eau, quatre malheureuses échapperaient à la sortie de route : les deux McLaren M23 de Tony Trimmer et Brett Lunger, la Copersucar F5A d’Emerson Fittipaldi qui finirait dans l’échappement de la fine Theodore TR1 du rookie Keke Rosberg, incroyable vainqueur de sa première course de F1.
Quel hallucinant souvenir que cet International Trophy 1978 dont l’unique chose sèche que je sauvegardais fut le pass Track que le BRDC avait délivré sans barguigner – ah son press officer éclairé – au correspondant européen du New Zealand Times, sans doute son pigiste le plus discret et le moins regardant.
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