Comme chaque année, je vous propose de jeter un regard dans le rétroviseur de l’année 2021 pour y saluer toutes celles et ceux qui, grandes vedettes ou plus modestes figurants, n’en ont pas atteint le terme : les DNF 2021.
Olivier Favre
Les pilotes de Formule 1
Commençons cette année par la Formule 1 pour laquelle les deux grands disparus du millésime 2021 sont indiscutablement Frank Williams et Carlos Reutemann, dont les chemins se croisèrent durant deux saisons. Deux années fructueuses qui auraient pu l’être encore plus pour le ténébreux Argentin.
Tous deux ont fait l’objet d’un hommage spécial sur Classic Courses : Carlos Reutemann (1942-2021) – Classic Courses – Frank Williams : le dernier des géants. – Classic Courses.
Moins connus que Reutemann, neuf autres pilotes vus en F1 nous ont quittés cette année :
- Keith Greene, qui courut trois Grands Prix dans l’anonymat entre 1960 et 62, mais qui eut plus de succès comme team-manager, notamment chez Alan Mann, Broadspeed, Brabham, Alain de Cadenet et Jean Rondeau.
- Gerry Ashmore, trois Grands Prix sur Lotus en 1961, au sein de l’écurie qu’il avait fondée avec Tim Parnell.
- Nino Vaccarella, quatre Grands Prix entre 1961 et 65, mais surtout une magnifique carrière en sport-protos qui a été rappelée à l’occasion de son décès en septembre dernier (Nino Vaccarella ou la troisième mort de la Targa Florio – Classic Courses)
- Bob Bondurant, neuf Grands Prix en 1965-66, mais surtout un des hommes de base de Shelby chez Cobra (4e et vainqueur en GT avec Gurney au Mans 1964) et plus tard le fondateur d’une école de pilotage renommée en Californie.
- Bobby Unser, qui disputa le Grand Prix des Etats-Unis 1968 sur une BRM, mais qui bâtit sa légende dans les formules américaines (voir plus bas).
- Chris Craft, 1 Grand Prix en 1971 (Etats-Unis sur une Brabham privée), mais une longue carrière en endurance et quelques très bons résultats au Mans, en particulier avec Alain de Cadenet (3e en 1976) et son grand ami Keith Greene, décédé deux semaines avant lui.
- Graham McRae, 1 Grand Prix en 1973 (Angleterre sur Iso). Cet Australien se fit surtout remarquer en F5000 (10 victoires entre 1970 et 73) , à Indy (« rookie of the year » en 1973) et comme constructeur de monoplaces à son nom.
- Johnny Dumfries, 15 Grands Prix en 1986 sur Lotus, où il fut, situation pas facile, le coéquipier de Senna. Il fut plus heureux chez Jaguar en endurance (vainqueur des 24 h du Mans en 1988).
- Adrian Campos, 17 Grands Prix (dont 15 abandons !) en 1987-88 sur Minardi.
Autres DNF de la F1
Quatre autres disparus ont contribué à écrire l’histoire de la F1 des années 70-80, mais pas dans un siège baquet :
- Max Mosley, fondateur de March et successeur de Jean-Marie Balestre à la tête de la FIA.
- Mansour Ojjeh, homme d’affaires qui possédait l’entreprise TAG (Techniques d’Avant-Garde), sponsor de Williams quand l’écurie de Frank a commencé à enchaîner les succès. Il finança ensuite le fameux moteur turbo TAG-Porsche pour le compte de McLaren dont il devint l’un des principaux actionnaires.
- John Hogan, l’homme qui personnifiait l’implication de Philip Morris et de sa marque au cow-boy comme sponsor principal de la F1 de cette époque.
- Quant à Dave Luckett, ce simple mécanicien se serait bien passé de faire la une des journaux spécialisés. C’est lui qui fut heurté par son propre pilote, Siegfried Stohr, alors qu’il tentait de faire démarrer l’Arrows de Patrese lors du chaotique et dramatique départ du GP de Belgique 1981.
Trois autre pilotes flirtèrent avec la F1 sans parvenir à disputer un Grand prix comptant pour le championnat du monde :
- L’Argentin Carlos Marincovich, qui disputa le GP d’Argentine 71 (hors championnat) au volant d’une McLaren F5000 et qui fut aussi de l’aventure d’Oreste Berta, récemment narrée sur Classic Courses (Oreste Berta : le Gordini argentin – Classic Courses) ;
- L’Italien Carlo Franchi dit « Gimax », qui tenta en vain de se qualifier au GP d’Italie 1978 avec une Surtees ;
- Jean-Pierre Jaussaud, qui pilota lui aussi une Surtees, mais seulement en championnat Aurora. La riche carrière de « Papy » Jaussaud a été rappelée sur Classic Courses l’été dernier (Jean-Pierre Jaussaud, le premier de cordée – Classic Courses).
Quant à l’Anglais Alistair Walker, on le vit en F3 et F2 entre 1967 et 1971. Et aussi au Mans où il termina 5e en 1970 avec la Ferrari 512 S de l’Ecurie Francorchamps.
Les DNF de l’endurance
Profitons de cette mention mancelle pour passer à l’endurance avec :
- Peter Blond, un gentleman-driver que l’on vit beaucoup au volant de Jaguar C et D et deux fois au Mans en 1958 (Tojeiro) et 59 (Lister-Jaguar).
- Tommy Dickson, qui fut sociétaire de la fameuse Ecurie Ecosse entre la fin des fifties et le début des sixties (trois participations au Mans entre 1958 et 62).
- John Wagstaff, pilote et fondateur du Team Elite, qui fit courir avec succès des Lotus dans les années 60 (4 participations au Mans).
- Pierre Dumay, talentueux indépendant qui se distingua « particulière-Mans ». Il passa notamment tout près de la victoire en 1965, avec la 250 LM belge qu’il partageait avec Gustave Gosselin.
- Ludwig Heimrath Sr, une légende du sport automobile canadien. Il fut en 1961 le premier Canadien au volant d’une F1 (hors championnat cependant). Puis, on le vit pendant plusieurs décennies au volant de Formules A, puis de Porsche 911 et leurs dérivées. On se souvient notamment de lui pour sa victoire sur le tapis vert à Mosport en 1977, face à Peter Gregg dont la voiture fut disqualifiée pour non-conformité. Une course qui comptait à la fois pour le championnat du monde des marques et pour le titre américain SCCA que Heimrath empocha ainsi.
- Gordon Spice, douze participations au Mans (deux fois 3e) en tant que pilote, mais surtout une remarquable réussite comme constructeur de voitures portant son nom dans les années 80 : plus de 30 victoires et quatre coupes FIA en catégorie C2 entre 1984 et 89.
- Philippe Farjon, six participations au Mans étalées sur plus de 25 ans (de 1964 à 1990). Avec une victoire en catégorie C2 en 1989.
- Carlos Gaspar, pilote portugais que l’on vit notamment au volant de protos Lola 2 litres au début des seventies.
- Giancarlo Naddeo, un Italien que l’on vit notamment à la fin des années 70 au volant de l’Alpine-Renault A441 ex-Beaumont –Lombardi rachetée par la Scuderia Nettuno,
- Bill Whittington, qui fut avec son frère en 1979 l’un des plus inattendus vainqueurs des 24 h du Mans et qui s’est tué dans un accident d’avion à l’âge de 71 ans.
- Tony Dron, un journaliste-pilote anglais qui se signala au Mans. Il y eut l’honneur d’être pilote d’usine Porsche (1980 sur 924 Carrera) et de gagner le groupe 4 en 1982 (Porsche 934).
- Rémy Pochauvin, deux participations au Mans en 1988-89.
Les DNF d’outre-Atlantique
Tournons-nous à présent vers les formules américaines pour mentionner les décès de :
- Charlie Glotzbach, un concurrent régulier du championnat NASCAR (4 victoires) pendant plus de trente ans (1960-1992).
- André Ribeiro, un Brésilien qui décrocha trois victoires en championnat CART et une 4e place à Indy en 1996.
- Juan Cochesa, un Vénézuélien que l’on vit dans plusieurs formules américaines, mais aussi en Europe en F2 dans les années 70.
Mais c’est bien sûr la famille Unser qui fut la plus durement touchée cette année. Elle perdit en effet trois de ses membres, dont les deux plus connus. Il y eut d’abord début mai Bobby Unser Sr, trois fois vainqueur à Indy (1968, 1975, 1981) et six fois de la célèbre course de côte de Pikes Peak. Puis c’est son fils, Bobby Unser Jr qui est mort six semaines après son père. Lui aussi avait été pilote dans sa jeunesse mais s’était ensuite reconverti en cascadeur pour le cinéma et la télé. Et enfin Al Unser Sr, alias « Big Al », a tiré sa révérence début décembre. Il était l’un des quatre hommes comptant quatre victoires à Indy (1970, 1971, 1978, 1987). Il reste à ce jour le plus vieux vainqueur d’Indy (47 ans) et le pilote ayant bouclé le plus de tours en tête (644) dans la classique américaine.
Pour en terminer avec les pilotes disparus, revenons en France pour rappeler les disparitions de :
- Jean-Louis Bos, champion d’Europe de la Montagne en 1981 (Lola-BMW).
- Christian Debias, quadruple champion de France : de Formule Renault (1975) et de la Montagne (1977, 1994, 1995).
- Hubert Auriol, triple vainqueur du Paris-Dakar, à moto (1981, 1983) et en auto (1992).
Les constructeurs, patrons d’écurie, chefs d’atelier
- Manfred Kremer, co-fondateur avec son frère Erwin d’une écurie Porsche privée légendaire.
- Claude Gachnang, constructeur suisse avec son frère Georges des Cegga.
- Siegfried Spiess, préparateur bien connu spécialiste des petites NSU.
- Pat Patrick, patron d’un célèbre team américain trois fois vainqueur des 500 Miles d’Indianapolis.
- Michel Enjolras, pilote mais aussi et surtout préparateur réputé de Peugeot de rallye dans les années 80 et 90.
- Edmond Péry, le créateur belge des célèbres buggies APAL.
- Gilbert Harivel, responsable de la compétition chez Alpine à Dieppe dans les années 60.
Les directeurs sportifs, managers
- Remo Cattini, directeur de la Scuderia Brescia Corse, omniprésente dans les courses italiennes (et internationales) des années 60 et 70.
- Claude Le Guézec, rallyman puis directeur sportif de Matra lors des débuts de la firme. Puis secrétaire général de la CSI.
Les journalistes, auteurs et autres passionnés
- Murray Walker, célèbre commentateur de la Formule 1 à la télévision britannique entre 1976 et 2001.
- Jean Graton qui, avec Michel Vaillant et Steve Warson, donna le virus du sport automobile à plusieurs générations de gamins. Dont votre serviteur.
- Jean-Louis Fiszman, dessinateur qui, pendant plus de vingt ans, résuma chaque semaine les Grands Prix en BD dans Auto-Hebdo.
- Jesse Alexander, grand photographe de course des années 50 et 60.
- Patrice Besqueut, auteur du livre « Charade, le plus beau circuit du monde ».
- Rémy Julienne, le « Monsieur Cascade » du cinéma français (les films de Gérard Oury notamment) et international (plusieurs James Bond).
- André Diviès, créateur du circuit de Nogaro.
- Michel Pont, pilote amateur et propriétaire d’une extraordinaire collection d’Abarth (et d’avions) dans son château de Savigny-les-Beaune.
- Luigi Reni, un passionné aux connaissances encyclopédiques et au caractère entier que les collectionneurs de miniatures connaissaient bien. En effet, il veillait en Chine, où il s’était exilé il y a plus de dix ans, à l’exactitude des reproductions de la marque Spark.
- Georges Pernoud, que l’on associe à un tout autre environnement que celui de la course, mais que l’on avait croisé il y a quelques années à Rétromobile, au détour d’une allée.
Ajoutons-y un personnage inclassable à qui CC a rendu hommage en mai dernier : Claude Furiet (11 janvier 1935 – 8 mai 2021). – Classic Courses
Et nous terminerons par les dames DNF :
- Caroline Grifnée, pilote et manager réputée (notamment chez Dams), disparue à seulement 40 ans.
- Sabine Schmitz, première femme victorieuse des 24 Heures du Nürburgring (1996-97) et spécialiste de la Nordschleife. Elle y fut instructrice et pilote du Ring-taxi.
Enfin, trois veuves ont peut-être, on le leur souhaite, retrouvé leur mari disparu il y a si longtemps :
- Louise Collins (Peter – 1958)
Tonia Bern-Campbell (Donald – 1967)
Hazel Chapman (Colin – 1982)