Avec le mois de janvier vient la désormais traditionnelle liste-hommage à ceux qui n’ont pas bouclé l’année ( DNF 2015 : Did Not Finish 2015). Une année 2015 qui a vu disparaître encore bon nombre d’acteurs du sport automobile, celui d’hier et d’avant-hier, mais aussi celui d’aujourd’hui. Et, là encore, notre pays a été particulièrement touché.
Olivier Favre
En effet, le sport automobile français, celui de la belle époque (1965-85), a vu partir plusieurs de ses grands acteurs cette année. Matra et Ligier ont été décimées avec les disparitions successives de Jean-Pierre Beltoise, Gérard Ducarouge et Guy Ligier.
Trois figures majeures auxquelles Classic Courses a rendu hommage au cours de l’année. N’oublions pas non plus Serge Aziosmanoff, le passionné concepteur des Grac et Jean-Jacques Poch, l’importateur Lada qui sut donner à la marque soviétique une légitimité en compétition, via plusieurs participations brillantes au Paris-Dakar dans les années 80.
Mais ce sont toutes les époques du sport auto français qui ont été concernées. L’ère contemporaine avec Jules Bianchi qui est finalement parti rejoindre son oncle Lucien, tout comme les années 50 avec deux pilotes presque centenaires : Robert Manzon (lien vers note CC), mais aussi Robert La Caze, résident marocain qui participa au GP du Maroc 1958 au volant d’une Cooper F2 et s’aligna trois fois au départ des 24 Heures du Mans. Il gagna aussi deux fois le Rallye du Maroc.
Outre les Français Manzon, Ligier, Beltoise et Bianchi, quatre autres anciens pilotes de F1, plus ou moins éphémères, ont disparu :
Eric Thompson ne disputa qu’un seul Grand Prix (Grande-Bretagne 1952), au volant d’une Connaught, mais le termina dans les points (5e). Il fut aussi l’un des piliers de l’équipe Aston-Martin au début des années 50, terminant 3e des 24 Heures du Mans en 1951.
Décédé en juillet à l’âge de 80 ans, Peter de Klerk était l’un de ces pilotes sud-africains que l’on voyait régulièrement disputer leur Grand Prix national à East London ou Kyalami. De Klerk fut au départ quatre fois entre 1963 et 1970, mais sans autre ambition que de compléter la grille.
Vainqueur du GP de Monaco F3 en 1975, l’Italien Renzo Zorzi débuta la saison 1977 chez Shadow avant d’être débarqué au profit de Riccardo Patrese. Mais on se souvient moins de lui pour sa 6e place au Brésil que pour la tragédie de Kyalami dont il fut le déclencheur involontaire : c’est vers sa monoplace immobilisée sur le bas-côté que courait le jeune commissaire qui fut percuté par l’autre Shadow de Tom Pryce, entraînant la mort des deux hommes.
Champion de F3000 en 2001 et ancien pilote de F1 pour Jaguar et Minardi en 2003, l’Anglais Justin Wilson a succombé au choc d’un débris sur son casque lors de la course Indycar de Pocono, en août dernier.
Lui aussi décédé en 2015, le Britannique Andy Sutcliffe fut remarqué pour ses prestations en F2 (3e à Pau en 1974). Mais il tenta aussi sa chance en F1, échouant cependant à sortir des préqualifications lors du GP de Grande-Bretagne 1977. Egalement bon pilote de F2, mais aussi constructeur des Felday;
Son compatriote Peter Westbury, disparu en décembre, connut un sort similaire : cassé lors des essais, le moteur de sa BRM lui interdisit de prendre le départ du GP des Etats-Unis 1970.
Du côté des motoristes et team-managers, on déplore les décès de deux Italiens actifs dans le F1 Circus des années 80 :
– Piero Mancini, qui fonda l’entreprise Motori Moderni, les moteurs qui propulsèrent les Minardi F1 entre 1985 et 1987,
– Gianpaolo Pavanello, patron de l’écurie Euroracing qui fut trois fois championne d’Europe de F3 avant de gérer, sans aucun succès, l’engagement d’Alfa Romeo en F1 et d’achever son parcours F1 sur un autre échec cuisant, Eurobrun.
Même s’il fut surtout un motard, six fois champion du monde et une légende du Tourist Trophy, Geoff Duke, disparu à 92 ans, mérite sa place dans cette note. En effet, il fut aussi le coéquipier de Peter Collins en 1953 chez Aston-Martin, à l’occasion d’une reconversion provisoire sur 4 roues due à une suspension de licence pour cause de professionnalisme (autre époque !). Et, pour finir du côté des Anglais, évoquons aussi Edward Douglas-Scott-Montagu, plus connu sous le nom de Lord Montagu of Beaulieu, décédé le 31 août à 88 ans. Il avait créé en 1952, dans le Hampshire au sud-ouest de Londres, le National Motor Museum de Beaulieu, qui abrite aujourd’hui plus de 300 véhicules.
Traversons à présent l’Atlantique pour évoquer quelques grandes figures de la course US. Après Dick Thompson en 2014, la Corvette a perdu deux autres personnages qui ont œuvré à sa légende : surnommé « Mister Corvette », Dick Guldstrand se distingua sur les circuits californiens des années soixante et participa au volant d’une StingRay aux 24 Heures du Mans 1967.
Quant à John Greenwood, qui ne se souvient de ses Corvette décorées aux couleurs de la Star spangled banner ? En particulier la monstrueuse N°76 venue fêter le bicentenaire de l’indépendance américaine au Mans en 1976. La NASCAR, elle, a perdu deux de ses plus fameux good ol’boys : au fil d’une carrière longue de 33 ans (1959-1992),
Buddy Baker prit le départ de quelque 700 courses et remporta 19 succès en NASCAR, dont en 1980 l’édition la plus rapide de toute l’histoire des 500 Miles de Daytona, à près de 286 km/h de moyenne. Egalement vainqueur des Daytona 500 mais en 1961,
Marvin Panch, qui s’est éteint le 31 décembre à 89 ans, comptait 17 victoires en NASCAR.
Du côté des stands et paddocks, il faut mentionner les disparitions de Michael Argetsinger, journaliste réputé et fils du fondateur du circuit de Watkins Glen, et de Chuck Jones, le partenaire et bailleur de fonds californien de Mo Nunn chez Ensign à la fin des années 70, qui fut aussi un habitué des courses de hot rods et de dragsters dans les années 50 et 60.
Allons encore plus à l’Ouest à travers le Pacifique pour saluer les disparitions de l’Australien Frank Matich, une grande figure du sport auto océanien des années 60 et 70, et du Néo-Zélandais Phil Kerr qui fut dans les années 60 un personnage-clé auprès de deux grands noms des antipodes, Jack Brabham puis Bruce McLaren.
Les routes des rallyes ont-elles aussi perdu quelques animateurs de haut niveau :
Le plus fameux d’entre eux fut bien sûr Erik Carlsson « sur le toit », l’homme qui le premier fit briller le nom de Saab au début des années soixante, avec une ribambelle de victoires dans les plus grands rallies (Monte-Carlo, RAC, Acropole, San Remo) de l’époque.
Contemporain de Carlsson, Jean Canonici a également tiré sa révérence. Il avait remporté le Tour de Corse à trois reprises comme équipier de Pierre Orsini, sur Dauphine puis R8 Gordini.
Quant à l’Allemand Klaus Fritzinger, un ancien footballeur professionnel, il se fit d’abord remarquer dans le championnat d’Allemagne des circuits (2e en 1972 avec une Ford Capri derrière Stuck), avant de trouver sa voie dans les rallyes dont il devint un participant régulier pendant près de 20 ans, au volant de Toyota. Son compatriote Peter Diekmann fut le navigateur de Kenneth Eriksson chez Volkswagen. Il remporta avec lui le titre mondial du Groupe A en 1986 et un rallye comptant pour le championnat du monde : celui de Côte d’Ivoire en 1987. Autre navigateur disparu cette année, Jean-Jacques Lenne fut pendant plus de 10 ans le coéquipier de Bernard Béguin, avec qui il décrocha un titre de champion de France (1979) et une victoire en championnat du monde (Tour de Corse 1987).
Enfin, nous terminerons en rappelant la disparition de trois femmes qui surent se faire une place dans ce milieu essentiellement masculin :
Initiée par Michèle Dubosc, disparue dix ans avant elle, Anne Boisnard fut l’autre chronométreuse emblématique de la F1 des années 70 et 80, d’abord chez Tyrrell, puis chez Renault et enfin chez McLaren où, convaincu de son efficacité, Alain Prost la fit venir quand il quitta Renault fin 1983.
A l’instar d’une Marie-Claude Beaumont et à la même époque, Marie Laurent fréquenta les circuits français au volant d’une grosse américaine, en l’occurrence une Plymouth Hemicuda. Membre du team féminin Aseptogyl de Bob Neyret, sa grande année fut 1974, avec une Coupe des Dames au Tour Auto (avec Marianne Hoepfner) et une victoire en Sport 2 litres au Mans, en équipe avec Yvette Fontaine et Christine Beckers.
Enfin, Denise McCluggage s’est éteinte à 88 ans. Journaliste et pilote, elle a disputé dans les années 50 et 60 les plus grandes épreuves américaines de sport-protos, où elle était immédiatement reconnaissable avec son casque blanc à pois rouges.
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