Circuit Dijon-Prenois, Prenois, Côte d’Or, le 15 avril 1973
Des barbelés dans la forêt ! Il a osé le bougre, François Chambelland, l’homme fort de Dijon à l’origine de ce nouveau « stade automobile », concept promu par un ex-président de la FFSA, Claude Bourillot ; il a osé ériger un treillis métallique pour séparer un peu plus le putain de public payant des autos de course, de ceux qui les montent et des happyfews qui leur tournent autour !
Patrice Vatan
A lire ne écoutant peut-être https://bit.ly/43zh7he
C’est à compter de ce moment que décision fut prise de ne jamais plus subir aucun grillage.
Une seconde mauvaise surprise nous attendait à Dijon qui accueille pour la première fois une manche du Championnat du monde des marques : les Matra ne hurlent plus, on les dirait mues par un vulgaire Cosworth ! On saura ensuite qu’un nouvel échappement a été installé après Vallelunga, à quatre collecteurs qui, s’il enrichit le V 12 d’une dizaine de chevaux, appauvrit considérablement son rendement musical.
La mine sombre, caillant dans notre mince blouson BMW Motorsport impuissant à contenir un froid moyenâgeux dont l’ancienne forêt de Prenois était le fief avant son déboisement pour en faire un circuit, nous suivons les essais du samedi en luttant de plus contre le torticolis.
Les voitures passent devant nous toutes les minutes tant le développement est court (3,2 km) ; deux explosent même ce mur, les Matra de Cevert/Beltoise et Pescarolo/Larrousse, en première ligne, en respectivement 59″4 et 59″9.
Brasserie La Concorde, place Darcy à Dijon. Bel établissement début du siècle avec banquettes de moleskine et lampadaires à boules, non grillagé.
« Le Bien Public » traîne sur la table ; il y est question de l’inauguration du centre Dauphine, un centre commercial ; Robert Poujade, le maire de Dijon, se félicite de l’apport du circuit de Prenois en terme d’image et de retombée économique, et une grande photo de François Cevert emplit la deux avec ces mots, « Les grandes courbes sont un régal ! » Tout laisse supposer qu’il s’agit de celles caressées par sa 670.
Ambiance réchauffée d’une entrecôte marchand de vin rehaussée d’un mercurey.
Des Suisses hauts en couleur soupèsent, dans une langue évoquant moins l’amour courtois que les grandes invasions, les chances de Müller, de Wicky, de Haldi. Mais leurs blousons rutilants frappés d’un cheval cabré trahissent une proximité affective des sublimes 312 PB que les Matra 670 ont pourtant humiliées dans le chaudron de Vallelunga il y a trois semaines.
Les photographes du Bien Public, solides bourguignons biberonnés à l’image de terrain immédiatement parlante, ont un avantage sur leurs sémillants et hautains confrères internationaux, LAT, DPPI et consorts : ils cultivent le paradoxe d’éviter les clichés.
Se désintéressant du esse en dévers de la Bretelle qui concentre 90% des images prises ce jour-là, ils immortalisent le grand Larrousse en un volume sous le drapeau brandi par François Chambelland et un Pesca hilare du bon tour joué aux divas Cevert et Beltoise qui tout à leur rivalité ont oublié qu’ils avaient des pneus trop tendres pour la distance.
Les deux solides soutiers viennent de battre Ferrari pour la deuxième fois cette saison.
Les bouchons au sortir du circuit, qui thrombosent la minable D10 vers Plombières-lès-Dijon, privent Guy au volant de sa voiture de sport rouge de se prendre pour Pace/Merzario, les deux ne lui feraient pas peur. Il a mis une cassette. Nilsson, Without You.
Montjuich, à la fin du mois, ne sera pas sans lui.