179,8 G
C’était, je crois me souvenir, dans la salle consacrée à Roger Williamson où trois de ses autos étaient montrées : la March 713 de 71, la GRD F2 de 1972, et la March 732 qui lui valut son unique victoire en F2, au GP de la Loterie, le 29 juin 1973. Un été qui commençait bien…
Patrice Vatan
Alors Jean-Pierre A. se pencha sur une épave.
Un drôle de type ce JPA, avare d’émotions, de gestes, de confidences. Nous avions passé la journée du 8 mai 1982 au Hyatt de San Francisco – dans le cadre d’un voyage situé bien avant celui-ci – et il me fallut le surlendemain pour apprendre par le « San Francisco Chronicle » la mort de Gilles Villeneuve. Lui l’avait sue le 9 au matin par la télé. Il n’en parla jamais.
Un curieux garçon qui avait vu en rêve l’accident fatal de Jochen Rindt dans la nuit du 4 au 5 septembre 1970. Une des raisons pour lesquelles j’ai eu ce sport dans la peau : on y côtoie des types qu’on ne voit pas tous les jours.
Alors Jean-Pierre A. s’agenouilla devant l’épave de la LEC CRPI de David Purley.
Renouons ici avec David Purley, le héros de Zandvoort 73, évoqué dans notre note du 29 juillet dernier (https://tinyurl.com/3z4czy6v), en sauveteur impuissant de Roger Williamson.
Quatre ans après cet épisode sinistre, un accélérateur bloqué ouvert en grand jetait la LEC de Purley contre la barrière de bois à Becketts, Silverstone, essais du GP de Grande-Bretagne 77.
Problème, la LEC filait à 230 à l’heure. L’impact confronta le pilote à une force de décélération insurmontable de 179,8 G.
Purley survécut. Comme il avait échappé à la mort lors de son temps de parachutiste militaire après que son parachute en vrille, il atterrit sur celui de son capitaine évoluant au-dessous de lui.
David Purley : 29 fractures aux jambes, un trauma crânien, six attaques cardiaques, une jambe plus courte que l’autre de 4 cm. Tom Wheatcroft ne pouvait faire autrement que lui rendre hommage en exposant cette relique de laquelle Jean-Pierre A. se relève sans dire un mot.
Un drôle de type ce Tom Wheatcroft qui bâtit un musée à Donington, dans le Derbyshire, qui hébergea entre 1973 et 2018 la plus étonnante collection de monoplaces de F1.
Il était tombé automobilement amoureux de Roger Williamson après l’avoir briller à Monaco F3 en 1971.
Where you from ? I’m from Leicester, répondit Roger, Me too ! s’exclama le milliardaire roux qui lui commanda dans la foulée le moteur dont le jeune avait besoin.
Une des raisons pour lesquelles j’ai eu ce sport dans la peau : on n’y rencontre pas son voisin de palier sortant de Carrefour Market.
Nous quittâmes la salle Williamson par un couloir dont une paroi vitrée donnait sur les contours du Donington Park Circuit, dominé par la silhouette victorienne du Donington Hall. C’était à la fin du siècle dernier.
David Purley n’aura pas vécu longtemps après son crash impensable de 1977. Il l’évoque aussi sobrement que possible à Antony Marsh deux ans plus tard https://tinyurl.com/35knmxnr.
Un accident aérien l’enverra pour de bon au tapis en 82. James Hunt affirmerait qu’il avait définitivement grillé son capital chance au bout de ses neuf vies.
Et on me demande ce qui me fait vibrer à ce monde insensé, à l’éthique si peu correcte.
Tom Wheatcroft, que j’ai vu baiser la piste à Thruxton au passage d’un de ses chouchous ultérieurs, Brian Henton, sur une auto de sa conception, la Wheatcroft 002 – quel bruit ! -, Tom Wheatcroft est mort en 2009. Sa fabuleuse Donington Grand Prix Collection ne résistera que neuf ans, avant dispersion aux quatre vents.
Reste un étrange record, homologué par le Guinness Book comme l’impact le plus fort supporté par un être humain, jusqu’en 2003 : 179,8 G.