Coupes de Printemps en Devin-Panhard. La désormais traditionnelle rencontre sur le plateau de Sainte-Eutrope entre passionnés des belles mécaniques portait bien mal son nom cette année : un vent glacial, un ciel… oui, bas et lourd (merci Charles) et un mercure refusant obstinément de grimper auraient pu plomber l’atmosphère de ce samedi 2 avril. Mais les gens qui viennent aux Coupes de Printemps se soucient comme d’une guigne des aléas climatiques. On est là pour tourner, et on va tourner, nom de d’là ! C’est ce que nous avons fait dans une rare barquette Devin-Panhard.
Pierre Ménard
Avant de causer de la voiture, revenons sur cette manifestation devenue en très peu de temps une véritable institution. Toujours impeccable à la baguette, Flavien Marçais tient à ce que cette journée de roulage se déroule dans la plus parfaite des ambiances et satisfasse les possesseurs de voitures de 40 ans d’âge et plus. Le principe est très simple : chaque voiture est inscrite dans un des trois plateaux constitués et tourne trois fois trente minutes en toute liberté sur le circuit « 3,3 ». Le but étant de se faire tout simplement plaisir et de laisser la mécanique s’épanouir sans aucune notion de compétition (Montlhéry n’a de toute façon pas l’homologation pour). Chacun profite de l’occasion d’être sur un circuit pour rouler à sa main, les plus lents s’efforçant de ne pas jouer les chicanes mobiles et les plus rapides d’éviter de se comporter comme des arsouilles au freinage.
Le paddock est bon enfant et l’atmosphère conviviale entre les pilotes et les simples spectateurs venus voir – et entendre ! – toutes ces belles autos : beaucoup de françaises naturellement, DB, Panhard, Alpine, CG, quelques Bugatti, des anglaises en grand nombre évidemment, Lotus, Aston, Austin-Healey, Triumph, MG, Jaguar and co, des Porsche et BMW teutonnes, et des italiennes, Alfa, Maserati et Dino, qui tiennent logiquement le pupitre des soprani dans la symphonie. Et puis il y a les Panhard.
C’est Flavien qui a demandé à Guillaume Waegemacker de constituer un plateau de voitures de course à moteur Panhard pour l’occasion. Journaliste pour le magazine Tracteur Retro, Guillaume est bien connu des fanatiques de tracteurs anciens. Mais pas que. L’homme est aussi un passionné d’automobile doublé d’un collectionneur qui s’intéresse depuis quelques années aux modèles DB et Panhard. Et cette Devin de 1954 – prêtée par le tourangeau Jean-Luc Renard – est un exemplaire assez exceptionnel par son histoire.
Bill Devin était un constructeur américain de petites barquettes à moteur Chevrolet ou Volkswagen au tout début des années cinquante. Fut-il impressionné par les performances des petites DB à Sebring ? Toujours est-il qu’il réalisa quelques exemplaires à moteur Panhard pour courir aux Etats-Unis, Bonnet vendant certaines de ses voitures là-bas à l’issue des courses. La carrosserie en polyester de « notre » barquette du jour (une des quatre recensées en Europe) fut en fait surmoulée sur une DB. Châssis multitubulaire, flat twin de 850 cm3 à l’avant, la voiture est d’une simplicité monacale. Moi qui n’avais jamais posé mon séant dans une auto de course à moteur Panhard, j’étais naturellement curieux de voir ce que ça donnait lorsque Guillaume me proposa de venir faire le sac de sable à Montlhéry dans cette barquette. Oserais-je également l’avouer ? Ma curiosité était teintée de quelque scepticisme par rapport aux performances annoncées de la voiture. Et sur ce plan-là, j’en fus – en partie – pour mes frais.
50 chevaux, ça peut en théorie paraître dérisoire pour une voiture dite « de course ». C’est pour ça qu’à la première accélération dès la sortie des stands, on est assez surpris de la réalité de la poussée. C’est pas le grand coup de pied au cul, mais ça avance très sérieusement. L’auto ne pesant que 450 kg, le rapport poids/ puissance est correct, et la légèreté ainsi que la maniabilité de l’ensemble font que les sensations sont au rendez-vous. Elle prend bien ses appuis, même si des pneus un peu fatigués la font glisser un chouïa, et relance bien en sortie de virage. Pour vous donner une petite idée, une Lotus Seven qui tentait de nous doubler au sortir de la chicane improvisée devant les stands a eu beaucoup de mal à nous distancer sur la ligne droite menant au virage des Deux Ponts ! Mais c’est après que ça s’est gâté !
Si le freinage de la Devin paraît tout à fait convaincant, il n’en est pas de même pour le maniement de la boîte : fixé au tableau de bord, le levier de vitesses est relié à une tringlerie des plus floues qui provoque de belles prises de tête lors des rétrogradages. Moralité, le temps d’arriver à enclencher cette foutue « deux » pour aborder le virage, quatre voitures nous ont déjà enrhumés correctement. Bien dommage, car le comportement de la barquette est enthousiasmant et permet de bien s’amuser à moindres frais. L’amusement prit – hélas – fin à quelques tours du terme de la séance quand la pédale d’embrayage décida de se décrocher de son articulation, nous obligeant à rentrer au stand cahin-caha boîte bloquée en troisième.
Une fois de plus, cette journée des Coupes de Printemps fut une réussite, tant pour les pilotes que pour les spectateurs s’étant déplacés en assez grand nombre sur le circuit. Et ce fut pour votre serviteur l’occasion de découvrir une voiture singulière et sympathique qui, avec un peu d’habitude quant au maniement de cette boîte, doit pouvoir ravir son pilote, et son passager d’un jour.
Photos © Pierre Ménard