Les palmiers, la mer, une lumière californienne. La Mustang verte qui gronde doucement avant de prendre la route de la montagne… On y était. Il manquait juste la Dodge Charger des « méchants ». Paysages, bruit, ambiance, on s’est laissé charmer. La « 289 » distille simplement de la joie de vivre. Bienvenue sur les route du Var avec Richard Dallest !
Olivier Rogar
Les essais de Richard Dallest pour Classic Courses :
AGS JH 17 Formule 2 1980
Bmw 2002 Tii 1972
Ford Mustang Bullitt 1967
Jaguar XK 150S 1959
Un peu d’histoire
1960, JFK vient d’être élu à la présidence des Usa. L’avènement de tous les possibles pour les américains de tous âges. La lune devient leur nouvelle frontière. Inutile de dire que le vent d’optimisme qui souffle d’un bout à l’autre du pays gonfle attentes, ambitions et projets bien sûr.
Du côté de Dearborne, chez Ford, Robert McNamara, pour qui l’automobile n’est pas grand-chose d’autre qu’un simple moyen de transport, a eu son succès avec la populaire et sérieuse Falcon. Celui que Lee Iacocca range dans la caste des « petits prodiges » a su allier le meilleur des deux mondes : les finances et le marketing. La carpe et le lapin en somme. 417 000 exemplaires vendus la première année de commercialisation. Un record pour l’industrie automobile. Ce qui lui a valu la présidence de la branche automobile de Ford. Pas longtemps. Kennedy lui a proposé un job intéressant : Secrétaire d’Etat à la Défense. Poste qu’il conservera jusqu’en 1969, établissant un nouveau record. De longévité cette fois.
1961, Robert McNamara est bien occupé par ce qu’on appelle toujours « la guerre froide ». Ses qualités font merveilles. Réalisme politique et diplomatie. Les « rouges » d’un côté, les « galonnés » de l’autre, avec quelques « Doctor strangelove », à la gâchette – nucléaire – facile.
Lee Iacocca a pris la direction générale de la branche automobile Ford. Las, dans la grande maison presque personne ne connait ce type au nom imprononçable. Lui aussi doit avoir son succès. « Sa » voiture. « Son » record. La marque investit dans le renouvellement de sa gamme. Il faut des modèles aptes à séduire cette belle jeunesse qui fait vivre le rêve américain. On est encore loin du Vietnam, des substances douteuses et des combis Volkswagen approximatifs mais increvables. Et cette jeunesse est en attente de LA voiture qui lui correspond.
1962, Lee a initié le « comité Fairlane », composé de valeurs montantes de Ford. Il se réunit « secrètement » le soir, à la Fairlane Inn, à proximité du siège. Il lui faut trouver le St Graal à quatre roues. Celui qui répondra aux attentes d’une jeunesse qui veut tout et son contraire. Confort, habitabilité, sportivité, compacité, compétitivité, exclusivité ! Contrairement à l’habitude, il ne faudra pas susciter la demande avec un produit quelconque, mais y répondre avec un modèle adapté. « Pour la première fois, dit Lee Iacocca, nous nous trouvions face à un marché en quête d’une voiture ».
Le cahier des charges s’ébauche rapidement : il y a un modèle, la voiture de sport européenne. Compacte, 2+2, italienne peut être cette fois. Mais sans V12, trop coûteux. La jeunesse sachant rêver mais n’étant pas riche, le prix d’appel est fixé à 2500 dollars. Pour les performances, le…poids – oui, oui on est encore loin de la culture hamburgers – est fixé à 1135 kgs !
En 1964 apparait donc la Ford Mustang. Un châssis de Ford Falcon, une « gueule », des options comme s’il en pleuvait : les objectifs sont atteints. Un succès total. La première série est vendue en 3 ans à 1,3 millions d’exemplaires dont 418 812 la première année. Le record de la Falcon est battu. Du jamais vu dans ce segment. Il faut dire que 20 000 commandes avaient été enregistrées le 17 avril 1964, jour de sa présentation et que le week-end suivant 4 millions de personnes se rendirent dans les concessions Ford Us. Les objectifs de vente initiaux se situaient à 86 000 unités la première année…
1965, Lee Iacocca et la Mustang atteignent simultanément et conjointement l’orbite géostationnaire du succès. Plus jamais ils n’auront à faire preuve de leurs qualités. Elles sont reconnues. Partout.
On sait pourtant moins qu’à cette époque Ford était engagé dans le renouvellement de sa gamme et que le développement d’un nouveau modèle coûtait entre 300 et 400 millions de dollars. Montant excessif dans le contexte. L’utilisation des pièces d’autres modèles et surtout du châssis de la Falcon a, parait-il, permis de ramener ce montant à 75 millions. Ensuite, si Lee Iacocca évoque la Continental Mark comme source d’inspiration, il ne fallut pas moins de 17 prototypes pour trouver, à l’issu du concours interne « de la dernière chance », l’ébauche qui allait donner naissance à la Mustang, due à Dave Ash, l’assistant de Joe Oros, le patron du design Ford.
Entre son étude et sa production, le poids a pris 50 kgs, le prix a par contre été diminué. 2378 dollars. Sachant que les acheteurs mettaient en moyenne 1000 dollars d’options sur ce tarif de base… Deux ans plus tard, la Mustang avait rapporté à Ford 1,1 milliards de dollars. Record. Encore.
Mais « Bullitt » dans cette histoire ?
Vous l’aurez compris, le coup de génie est là. Il s’appelle OPTIONS. Un prix d’appel imbattable. Augmenté en moyenne de 50% par le jeu des options. Et tout est option sur cette première série 1964 – 1966, comme sur les suivantes. Le moteur est en option d’ailleurs. Comme les freins. Au prix d’appel, pas question de vouloir plus qu’une jolie voiture. Elle donne quand même l’impression d’aller vite. Surtout quand elle n’arrive pas à s’arrêter… En 1964, les moteurs vont du 6 cylindres 101 cv sae au 8 cylindres 289 ci de 271 cv sae. Les freins sont à tambours. Disques avant en option.
1967, apparition de la seconde série. Coupé, cabriolet, fastback. Plus longue, carrosserie plus agressive, elle peut abriter le gros 390 ci de 320 cv sae. Gros parce que le poids de la Mustang grimpe de 100 kgs par rapport au modèle précédant équipé du 289 ci.
Et c’est précisément ce modèle qui séduit Steve McQueen et Peter Yates quand ils se lancent dans le tournage d’un roman de Robert L. Pike, « Mute Witness » ou l’histoire du détective Frank Bullitt. La voiture colle au caractère de son héros. Solide, intègre et … indomptable. Quoique sur ce dernier point, Bullitt le soit davantage que la Mustang. Celle-ci est préparée par Max Balchowsky. Renforcement des bras de suspension inférieurs, modification des supports d’amortisseurs, ressorts avants renforcés, barre anti roulis plus grosse, amortisseurs Koni. Allumage et carburateur modifiés, pneus Firestone, jantes American Racing Torq-Thrust. On peut également penser qu’un sérieux travail a été effectué sur les freins.
Les voitures sont soumises à rude épreuve. ( N’oublions pas la Dodge Charger, pilotée par le « vrai » pilote Bill Hickman, et les doublures de chaque voiture). A un point tel que Steve McQueen racontera que pendant la descente de Chestnut avenue, à 150 km/h, la voiture s’est affaissée, les portières volant chacune de leur côté pendant que l’armature de l’habitacle cédait. La voiture était morte.
Pour les amateurs, il reste la seconde Mustang préparée pour le film. Steve McQueen regrettera de ne pas l’avoir conservée. Son fils Chad en a fait faire une copie vendue depuis. Mais l’originale ( n° 8R02S 125559) est dans le Kentucky. Son propriétaire refusant toute publicité autour de sa voiture. Y compris pour la vendre…
Contrairement à ce qui est parfois évoqué, le film a très bien marché. Il a couté 5 millions de dollars et en a rapporté 20 uniquement aux Usa. Mais lorsque l’équipe du film a demandé à Ford de prendre une participation financière dans la production, la compagnie a décliné l’invitation. Steve McQueen a alors fait retirer tous les logos de la voiture. Ce qui lui confère une sobriété esthétique qui se marie parfaitement avec cette somptueuse couleur « highland green ». Couleur « out » à l’époque. Ce qui explique que ce soit ce modèle probablement invendable qui ait été choisi pour le film. Accentuant le côté négligé de la voiture, parfaitement raccord avec les moyens modestes du flic intègre – donc pauvre – qui la conduisait. Nous sommes en 1968 en Amérique aussi.
Au fait, contrairement à la légende Steve McQueen, n’a pas fait toutes les scènes du film. Les passages rapides et les grandes courbes, OK. Par contre les courbes serrées, les dérapages et les sauts de Chestnut ont été réalisés par un cascadeur professionnel, Bud Elkins. Soit parce que McQueen n’y était pas à l’aise, soit parce que les compagnies d’assurance ont carrément mis leur veto.
« Notre » Mustang
Richard a trouvé une jolie route d’essai. Pas loin des palmiers de La Ciotat, la route de Ceyreste sur laquelle a lieu chaque année une course de côte. Bitume billard, beau
x virages, plusieurs épingles. Et des vélos, des vélos , des vélos !…. Et un nombre incroyable de Kangoos et autres camionnettes…
La voiture de l’essai, comme vous le voyez sur la vidéo, marche très bien. Jamais je n’aurais pensé qu’une Mustang soit aussi saine dans son comportement. Celle – ci est très bien réglée et la route parfaitement asphaltée. Mais tout de même. Je pensais vivre une sorte de rodéo. Ce n’est absolument pas le cas. Souplesse, puissance, bruit superbe, bon freinage, je n’en dirai pas davantage, mais c’est une voiture qui donne envie d’aller loin.
Les informations du propriétaire :
Construite en 1967 à San José . Code moteur C (289) (V8), il développe environ 250 cv. Carrosserie 63 A (fastback) Couleur Y ce qui correspond à la couleur Dark Moss green sa couleur actuelle. ( En effet dans Bullitt, il s’agit d’un modèle 1968 et la couleur s’appelle alors Highland green, similaire). Le code sellerie est 2G ivy luxury En ce qui concerne les transformations, elle a été fiabilisée, Moteur : gros carter d’huile cloisonné pour ne pas déjauger. Les freins sont à disques à l’avant, Wilwood (disques et étriers), à l’arrière se sont les tambours d’origine mais entretenus. L’échappement est un Flowmaster Super Flow (super bruit V8) Le barre stabilisatrice a été changé elle est d’un diamètre bien plus important que d’origine. Les amortisseurs sont différents de ceux d’origine ils ont un tarage « sport ». Ce sont des Monroe. Le train avant a été complètement revu, il est pratiquement neuf (rotules etc..) La direction est d’origine (boîtier). Le moteur a été refait et préparé équilibré +ou- 5000 km. Pipe d’admission et carburateur Edelbrock. Le radiateur le démarreur et l’alternateur sont neufs. Le faisceau électrique a été revu. Le réservoir essence a été changé et est équipé d’un filtre. La boite est une 4 vitesses manuelle, l’embrayage est neuf. Le pont a été vérifié. Elle est équipée d’origine de la climatisation en 1ère monte ainsi que de la direction assistée qui étaient des options assez rares à l’époque. Elle a un poste radio Alpine caché dans la boite à gant.Pour les amateurs avisés, elle est en vente. Nous contacter le cas échéant, nous transmettrons.
Pour plus de détail sur les Mustang : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ford_Mustang
D’autres Mustang sur Classic COURSES : Claude Dubois : Une vie sur 4 roues Claude Dubois : Gentleman pilote Documentation : Iacocca par Lee Iacocca – Ed Robert Laffont – 1985 Illustrations : Photos @ Olivier Rogar Video @ Olivier Rogar