Il était né Alberto Uderzo, italien de par ses parents étant venus chercher fortune en France, et est devenu Albert lors de sa naturalisation en 1934. On ne va pas vous bassiner sur la carrière de celui qui, avec son ami René, a révolutionné la bande dessinée française à l’aube des années soixante. D’autres sites que Classic Courses sont plus à même de vous instruire sur le sujet, vous avez l’embarras du choix. On préfèrera s’attarder sur l’autre passion de ce travailleur acharné.
Pierre Ménard
Ses origines transalpines y sont pour beaucoup : Albert Uderzo était un fan prononcé de Ferrari. Il en possédait quelques-unes et était un des membres éminents du Club Ferrari France, dont il fut le président durant quelques années. Ce goût pour les chevaux et carrosseries de Maranello était d’ailleurs un des rares points de discorde avec son ami René Goscinny.
Les droits d’auteur d’Astérix autorisèrent le dessinateur à s’offrir le luxe de posséder plusieurs modèles routiers du Cavallino Rampante à compter des années soixante-dix, dont une rarissime F40 LM de 1991 ainsi qu’une non moins estimable 512 M de 1971. Il lui arrivait de piloter en circuit, et c’est ainsi qu’un jour, il convainquit son scénariste préféré de monter dans un de ses bolides rouges pour quelques tours de piste. Goscinny en redescendit, un peu plus blanc que d’habitude, et avoua n’avoir pas du tout aimé l’expérience.
Absolument pas passionné par la chose mécanique, l’auteur au sourire malicieux et à l’œil vif ne comprenait pas vraiment qu’on puisse à ce point s’investir (dans tous les sens du terme) dans quelque chose d’aussi futile que les voitures, fussent-elles les plus belles du monde. Il n’empêche ! Il accepta d’insérer dans ses scénarios quelques clins d’œil au monde de l’automobile sportive, sur les recommandations expresses de son alter-ego dessinateur.
Sur la route qui les mène à Lutèce dans La serpe d’or, Astérix et Obélix ne trouvent pas de logement libre à Suindinum pour cause de foule assistant à une grande course très populaire. Dans Les Normands, le jeune Lutécien Goudurix déboule à tombeau ouvert dans le village gaulois juché sur un petit char « lowline » venant de l’autre côté des Alpes. Et dans Astérix gladiateur, on assiste à une tactique de course très efficace, mais que les zélés commissaires de nos Grand Prix actuels auraient à coup sûr fermement condamnée !
Laissons enfin la parole à notre ami Bernard Asset qui nous fait l’honneur – et le bonheur – de nous offrir deux photographies qu’il avait prises il y a trente-cinq ans lors d’un reportage sur les belles carrosseries rouges du dessinateur disparu : « Christian Philippsen avait publié un livre sur Albert Uderzo, De Flamberge à Astérix [Ed. Albert René-1985, NDLA], dont j’avais fait la couverture. Je devais le prendre en photo, l’œil malicieux regardant sur la droite où on retrouverait tous les personnages qu’il avait dessinés. Du coup, on en avait profité pour faire des clichés de ses Ferrari dans le garage de sa maison secondaire dans les Yvelines. Il nous avait bien reçus, on sentait le véritable fana de la marque. Il n’y avait « que » trois ou quatre Ferrari, mais par la suite je sais qu’il en a eu d’autres. Il ne me reste pas énormément de photos de ce jour-là. À l’époque, on faisait presque des studios sur place : j’avais tout amené au niveau du matériel, et c’était un peu lourd en manutention. Donc j’avais fait du moyen format, en 6×7, et comme je ne pouvais pas les scanner toutes il y a quelques années, j’ai fait une sélection très serrée. J’en ai cinq numérisées, pas plus. Il y en a une que j’aime bien, c’est un portrait où il porte une chemise en jean avec un petit Astérix brodé sur la poche. Et, dépassant de la poche, on avait mis le porte-clés Ferrari ».