La chronique de Patrice Vatan du 12/09/2019
Chers vieux remparts d’Angoulême, on vous retrouve chaque année un peu plus infrangibles, un peu plus permanents, érigés par un XIIIe siècle qui savait ce que fortifier signifiait.
Des voitures de course vous tournaient déjà autour alors que la Seconde Guerre mondiale n’était pas encore déclarée. Marcel Contet, mon aïeul, écrasa son clop sur votre dos moussu à l’appel de son nom. Clin d’oeil à son pote Joseph Paul, tous deux sur d’immenses Delahaye 135 qui devaient virer au fenwick devant la cathédrale.
Chers vieux remparts d’Angoulême chauffés par les postérieurs des petites lycéennes qui vous font les témoins de secrets inavouables, brûlés par les glaces de janvier, vous assistez sans tressaillir d’un moellon à l’évolution de la cité que vous êtes censés protéger.
Moins de chevaux, plus d’automobiles ; moins d’usines, davantage d’arcades de jeux ; moins de demoiselles des postes, plus de zombies casqués et guidés dans la vie par un petit appareil sombre greffé au bout de la main. N’auriez-vous pas failli quelque part ?
Chers vieux remparts d’Angoulême, dans une de vos saillies granitiques résonne le rire énorme de Froilán González, l’accent pétoulesque de Maurice Trintignant, la voix irremplaçable de Jean-Louis Mathieu, le très regretté speaker.
Vous êtes élémentaires, intemporels, vous êtes l’Histoire de France inscrite entre vos blocs arrondis par les siècles. Vous êtes tout ce que l’époque rejette, pas vraiment éphémères, peu recyclables, et pis que tout complices d’une course automobile à l’ancienne. Vous êtes l’ancien monde.
On vous ignore tellement que lorsqu’on annonce un voyage à Angoulême, on s’entend demander si on y va pour la BD ?