Olivier Favre nous gratifie d’une note à la mémoire d’un pilote dont peu d’entre nous se souviennent aujourd’hui. Avec la finesse dont il sait faire preuve dans ses nombreux articles, l’auteur rend ici un juste hommage à André Simon.
Classic COURSES
Trois mois après, il n’est pas trop tard pour rendre hommage à un pilote disparu le 11 juillet à l’âge respectable de 92 ans : André Simon.
Je n’ai pas de réel souvenir d’André Simon, qui a pris sa retraite sportive un an avant mon arrivée en ce bas monde. Pourtant, je l’associe immuablement à une image particulière : celle d’une Maserati à bande tricolore distançant la meute des Ferrari dans les premiers tours des 24 Heures du Mans 1963. Un feu de paille, puisque deux heures plus tard l’insolente rentrera dans le rang et laissera les voitures de Maranello s’expliquer entre elles ; mais un beau baroud d’honneur et la dernière fois qu’une voiture arborant le Trident fut pointée en tête au Mans.
Mais cet instantané ne saurait suffire à résumer la carrière peu banale d’un pilote, qui parvint à s’extraire avec éclat de l’anonymat auquel son nom semblait le prédestiner.
Les preuves ?
Connaissez-vous beaucoup de pilotes qui ont fait « carton plein » (pole, victoire, meilleur tour) lors de la première course à laquelle ils ont participé ? Ce fut le cas d’André Simon, à Montlhéry en 1948, au volant d’une Talbot d’emprunt. Et ce ne fut guère du goût des cadors de l’époque.
Ensuite, pouvez-vous citer des pilotes qui ont couru en F1 aussi bien pour la Scuderia Ferrari que pour l’usine Mercedes ? Fangio, bien sûr. Taruffi aussi, oui. Et André Simon. Certes, Simon était engagé au volant de la 250 F de l’écurie Rosier pour ce GP de Monaco 1955 et c’est l’accident de Herrmann aux essais qui lui offrit cette opportunité. Mais Herr Neubauer ne confiait pas ses Silberpfeilen à n’importe qui. Et, depuis le GP d’Allemagne F2 de 1950 où il avait vu Simon et sa petite Simca-Gordini tenir tête à la Ferrari d’Ascari sur la Nordschleife, il savait que Simon n’était pas n’importe qui. Il lui renouvellera d’ailleurs sa confiance dans le cadre du championnat du monde des marques, en l’associant à Kling au Mans (ils sont 3èmes quand Mercedes retire ses voitures), puis à von Trips trois mois plus tard pour le Tourist Trophy. Le Français et l’Allemand complèteront ce jour-là le tiercé parfait de la marque à l’étoile.
Et y a-t-il pléthore de pilotes ayant battu les Ferrari 250 GTO au temps de leur splendeur ? Il y a Roy Salvadori, autre disparu récent, à Monza en 1963. Mais il y a aussi André Simon au Tour de France 1962 ; certes, lui aussi était au volant d’une Ferrari mais, quoique récente, sa 250 GT était dépassée en performances pures par la nouvelle merveille venue de Maranello.
Enfin, même en cherchant bien, il n’y a pas tant de pilotes qui, constatant qu’ils ne soutenaient plus la comparaison avec leur équipier, l’ont admis sans fard et ont raccroché leur casque sans délai. Cette décision difficile, André Simon la prit au terme des 1000 km du Nürburgring 1965, qu’il avait disputés avec Jo Schlesser et une Cobra Daytona peu adaptée à de telles montagnes russes.
Si l’on ajoute qu’il suscita le respect de Fangio et qu’il noua une belle relation amicale avec Stirling Moss – qu’il admirait entre tous – à l’occasion des nombreuses séances d’essais que les deux hommes effectuèrent pour Mercedes, on peut conclure qu’André Simon mérite une juste place dans la liste des hommes qui ont écrit l’histoire du sport automobile au XXème siècle.
Olivier Favre