Resituons le contexte avant d’aborder l’affaire Brawn 2009.
Lehmann Brothers fait faillite en septembre 2008 et entraîne la crise des subprimes. Les « charmes » de la finance alliés à ceux de la cupidité produisent parfois des effets déplaisants. Le jeu c’est la titrisation de prêts immobiliers concédés à des gens qui n’auront que très provisoirement la capacité de les rembourser. Parceque ces prêts sont à taux variables et que les taux s’envolent.
Lorsque les incidents de paiement explosent, plusieurs banques vacillent et tentent de fourguer leurs titres « pourris ». Les salles des marchés ont tant spéculé que le monde de la finance, pris de panique, vend, cède, brade et provoque une crise boursière qui manque de peu d’entraîner le système financier au niveau planétaire.
Les spéculateurs ont su aller chercher l’assistance des états. Les entreprises normales ont vu leurs ventes chuter, leurs lignes de crédit être réduites et ont senti la précarité de leur condition. Manière de parler du « vent du boulet ».
La crise va durer, mais les politiques font les gros yeux aux banquiers. Les banquiers jurent leurs grands dieux qu’ils vont faire le ménage dans leurs instances. Ils s’engagent même la main sur le cœur à séparer les activités bancaires traditionnelles des activités bancaires spéculatives…
Les entreprises doivent recréer leurs fonds propres, elles réduisent donc leur train de vie de tout ce qui n’est pas indispensable, dont la pub et le marketing traditionnels.
Nous y voilà. Chez Honda, comme chez nombre de constructeurs, on sent le marché automobile se contracter. Le 5 décembre 2008 Honda annonce sa décision de quitter la Formule 1. BMW, Toyota et Renault suivront fin 2009. Et cela laisse Ross Brawn, le directeur technique et sportif Honda devant un mur.
Olivier ROGAR
Les années en « 9 » nous ont aussi inspiré :
- 1919 Targa Florio : C’est pour la France
- 1929 3e record du monde pour Henry Segrave
- 1939 GP de Belgrade
- 1949 36e GP de l’ACF au Comminges
- 1959 L’autre sacre de Stirling Moss
- 1969 L’exception Andretti à Indy
- 1979 Bjorn Waldegard
- 1989 Ferrari 640, la boîte surprise
- 1999 24 heures du Mans d’exception !
- 2009 Ross Brawn
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Brawn ou la stratégie du moulin
Lorsqu’il y a un coup de vent, Ross Brawn fait partie des gens qui préfèrent construire des moulins plutôt que des murs.
Ingénieur de formation il quitte la recherche atomique pour le sport automobile en 1976. Il débarque chez March engineering comme mécanicien F3. En 1978 il est chez Williams en F1. Devenu responsable aérodynamique il tente le pari de l’écurie Lola Haas en 1985. Malgré la présence d’Alan Jones épaulé par Patrick Tambay en 1986 l’écurie peine à faire des résultats et sombre avec son sponsor Beatrice.
Il atterrit alors chez Arrows en 1987 dont il réussit successivement les A10, A10 B, A11. Les résultats de l’écurie progressent en « flèche ». Elle se classe septième en 1987 puis cinquième en 1988 avec Derek Warwick et Eddy Cheever. Voilà 12 ans qu’il est en F1 et ces résultats lui valent l’attention de Tom Walkinshaw qui sait l’entraîner dans l’aventure Jaguar en championnat du monde sports prototypes dès 1989.
L’écurie est déjà titrée car elle a gagné au Mans en 1988 et a été championne du monde 1987-1988 mais la concurrence de plus en plus ardue rend nécessaire la présence de pointures telles que Ross Brawn.
La voiture qu’il a conçue gagne une nouvelle fois au Mans en 1990 tandis que le premier titre de champion du monde qui puisse lui être attribué est acquis en 1991.
La XJR 14 a été si novatrice en Endurance que Porsche reprend un châssis pour courir aux 24 Heures de Daytona 1995 avec un moteur de 962. Mais craignant une outrageuse domination des allemands, l’IMSA change la réglementation en imposant des brides plus petites. Porsche abandonne son projet qui est repris par JOEST avec Tom Walkinshaw. Ils engagent au Mans deux spyder WSC transformés en spyders et les font triompher en 1996 et 1997 !
Brawn, Byrne, Schumi : le trio infernal
Patron de Benneton en F1 depuis 1989, Flavio Briatore a déjà réussi à y attirer l’ingénieur John Barnard et le triple champion du monde Nelson Piquet. Mais c’est en 1991 qu’il approche Tom Walkinshaw, le convainc de structurer l’écurie Benetton qui a considérablement monté en puissance.
Ce dernier, en manager talentueux, organise et s’entoure de compétences. Dans un premier temps il amène avec lui Ross Brawn, Directeur technique, auréolé de la réussite Jaguar. Dans un second temps il va réussir à convaincre le jeune prodige Michael Schumacher de les rejoindre dans l’écurie « United Colors ».
Mais ce n’est pas tout : Rory Byrne qui avait fui l’écurie à l’arrivée de John Barnard, revient comme « chief designer » aux côtés de Ross Brawn. 1992 sera la première saison complète de Schumacher aussi bien en F1 que chez Benetton. Il remporte une victoire et l’écurie finit la saison en troisième position du championnat du monde. Le trio infernal (pour les autres) Brawn – Byrne – Schumacher est en marche. Les concurrents en font les frais. Talent, management, un peu de ruse voire de filouterie donneront à Benetton – Schumacher les titres pilotes 1994 et 1995 ainsi que le titre Constructeurs 1995. Le compteur de Brawn passe à quatre titres…
Mais rien ne dure jamais : en 1996 Schumacher quitte Benetton pour rejoindre Ferrari. Il arrive avec ses deux titres consécutifs mais sans ses ingénieurs. En effet Rory Byrne décide de prendre sa retraite et Ross Brawn est encore sous contrat pour une année, bien esseulé avec ses nouveaux pilotes, transfuges de Ferrari, Gerhard Berger et Jean Alesi. D’ailleurs la voiture ne remportera aucune victoire cette année-là.
L’organisation Todt
En 1993, à l’initiative de Luca di Montezemolo, après des années de disette, la Scuderia a été reprise en main par Jean Todt. Méthodique, déterminé, précis, il constitue « sa» machine de guerre. Organisation. Management. Investissements. Changement du set-up pilotes. Le choix de Schumacher constitue la clé de voûte de la nouvelle Scuderia. Et fin 1996 c’est Ross Brawn qui suit son poulain chez Ferrari. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Rory Byrne sort de sa retraite et rejoint toute l’équipe. Le trio infernal est reconstitué.
En 1996 et 1997 ils seront battus par Hill puis Villeneuve sur Williams. En 1998 et 1999 par Hakkinen sur McLaren. À plusieurs reprises il s’en faut de peu. Mais à partir de là plus rien ne va échapper à la Scuderia jusqu’en 2004. Six titres de champion du monde des constructeurs de 1999 à 2004 auxquels s’ajoute cinq titres de champion du monde des pilotes pour Schumacher de 2000 à 2004. 11 titres au total qui entrent dans l’escarcelle de Ross Brown et porte son score à 15 titres.
En 2005 la voiture est ratée et, qui plus est, équipée de pneus Bridgestone qui ne l’avantagent pas. Titre à Alonso sur Renault. Mais en 2006 à nouveau Schumacher est en lutte pour le titre jusqu’en fin de saison. Pourtant à l’issue de sa victoire au Grand prix d’Italie à Monza, il annonce sa décision de mettre un terme à sa carrière. Il s’en faut de très peu qu’il ne remporte le championnat qu’il laisse finalement à Alonso. Ross Brawn, de son côté se donne le temps de souffler, de voir, de voir venir. Cela fait 30 ans qu’il est dans le grand bain. Il décide de prendre une année sabbatique. Ce sera donc 2007.
Brawn, l’espoir du soleil levant
Mais quand on a accumulé 15 titres de champion du monde, l’inaction donne des fourmis. Fin 2007 Ross Brawn est annoncé chez Honda F1.
Honda une histoire qui alterne en F1 entre le tragique et le sublime. Sur les années qui précèdent 2007, on se souviendra du rachat de Tyrrell en 1997 par Craig Pollock, appuyé par British American Tobacco – BAT – l’écurie est rebaptisé BAR – British American Racing et Jacques Villeneuve qui les a rejoints dès 1999 prend ses dollars en patience pendant cinq longues années.
Disons-le franchement les résultats seront très décevants et l’évolution de l’écurie très laborieuse jusqu’à l’arrivée de Jenson Button en 2003. Le niveau de l’écurie progresse alors de manière spectaculaire puisque en 2004 Button achève le championnat à la troisième place après avoir été dans les points à 15 reprises mais sans victoire. Malheureusement la situation se détériore à nouveau en 2005 ce qui incite Honda en fin d’année à reprendre le contrôle de l’écurie BAR qui devient Lucky strike Honda Racing F1 Team. Button offre une victoire à la marque et la quatrième place au championnat constructeurs. En 2007 c’est malheureusement à nouveau la déconfiture, l’écurie est 8e au championnat, ce qui justifie l’arrivée en fin de saison de Ross Brawn à son chevet comme directeur technique et sportif, son n+1 est Nick Fry.
2008 voit donc une légère amélioration de la situation de l’écurie dont le nombre de points passe de six à quatorze mais elle chute à la neuvième place du classement constructeurs.
Et dans ces circonstances, même Ross Brawn ne peut faire de miracle. Il travaille donc avec son équipe d’ingénieurs sur la saison 2009. Et s’il y a une chose dont Ross Brawn est sûr, c’est que la voiture développée avec son équipe a tout pour bien marcher.