25 novembre 2023

1985, La pression monte à Zandvoort.

Le début de saison 1985 tourna au cauchemar pour le champion en titre Lauda : une litanie d’abandons et une motivation en forte baisse après son fabuleux combat en 1984 contre son jeune co-équipier Prost.
Après avoir annoncé sa retraite en fin de parcours, le vieux renard sembla ragaillardi, et à Zandvoort, il prouva qu’il était encore le grand Lauda. Malgré une petite entorse faite au règlement interne de l’écurie McLaren.

Pierre Ménard

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Grand Prix des Pays-Bas 1985 Highlights : https://www.youtube.com/watch?v=7vnsPneKHeM&t=5s

L’adieu du champion

« Si on me demandait aujourd’hui ce que je vais faire l’année prochaine, je répondrais aussitôt : retraite. J’ai trop de malchance. Pourtant, ce qui me retient c’est ma motivation, l’envie de gagner que je ressens toujours ». En conférence de presse à Silverstone en 1985 après son abandon (un de plus cette saison), Niki Lauda confiait ses sentiments au public : désillusion mâtinée d’envie d’encore bien faire.

Zandvoort 1985
On a retrouvé à Zandvoort en 1985 le pilote magistral qu’était Lauda © D.R.

 Quelques semaines plus tard lors Grand Prix d’Autriche, le triple champion du monde annonçait au monde stupéfait sa décision de prendre la tangente à l’issue du championnat : lassitude de « tourner en rond », envie de faire fonctionner correctement sa compagnie d’aviation qui avait bien besoin de lui. Une semaine plus tard dans les dunes de Zandvoort, il trônait sur la plus haute marche du podium ! Secouant comme un possédé son magnum de champagne, il était tout sourire aux côtés d’Alain Prost et d’Ayrton Senna.

Il y eut peu d’explications rationnelles pour expliquer le revirement du sort sur Lauda dès lors qu’il se fut soulagé de ce fardeau constitué par l’annonce de sa retraite prochaine. Même lui, l’ordinateur, n’y arrivait pas, évoquant juste des « pannes incompréhensibles » et un mauvais sort s’acharnant sur lui. Peut-être le signe qu’il était temps de passer à autre chose. Pourtant le fait était là : dès son annonce au matin des premiers essais sur l’Österreichring, il sembla transfiguré : qualifié 3e, il se paya même le luxe de mener le Grand Prix avant qu’un des turbos de son moteur TAG ne lâche. Ces fameux turbos qu’il fallait impérativement préserver en cette époque de hautes pressions. Une règle que Barnard et Dennis avaient érigée en barrière infranchissable.

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La tentation de la molette

Même s’ils avaient à leur disposition une molette de réglage de pression du turbo, les pilotes McLaren devaient s’en tenir à ce qui avait été fixé à l’issue des essais : une pression qu’on ne dépassait pas sous peine de casse. Cette contrainte avait été garante du triomphe de 1984 (12 GP remportés par l’écurie sur 16) et cette fiabilité se poursuivait en 1985 pour Alain qui se dirigeait vers un titre amplement mérité. Pour Niki, le sournois chat noir galopant devant sa voiture semblait s’être volatilisé en arrivant à Zandvoort : il « sentait » bien la voiture malgré une 8e place sur la grille, et désirait plus que tout remporter une dernière victoire pour sortir la tête haute.

Les deux MP4/2 blanc et rouge affirmèrent une fois de plus leur nette supériorité en course une fois leurs ennemies directes, Lotus, Williams et Ferrari, écartées. La seule différence cette année fut que l’ordre se retrouva inversé, Lauda menant devant Prost. Au vu de l’attaque du Français sur son coéquipier autrichien, il paraissait évident qu’un affrontement allait avoir lieu avant la fin du grand prix. Les huit derniers tours comblèrent de bonheur les spectateurs – et téléspectateurs, qui attendaient ce duel depuis presque deux ans (2).

Zandvoort 1985
Le combat fut rude et âpre entre les deux McLaren, mais la 1 ne céda pas un pouce à la 2 © D.R.

Sur le sinueux circuit hollandais, la seule réelle possibilité de doubler se situait au bout de la longue ligne droite des stands, au freinage du virage de Tarzan, précisément là où Prost s’était un peu emmêlé les pinceaux en sortant son rival Piquet en 1983. Le reste du tracé était constitué de longs enchaînements en montées et descentes où il était hasardeux de tenter une manœuvre de dépassement. Mais Alain comprit vite que c’était pourtant là qu’il devait tenter quelque chose, car en ligne droite, Niki le larguait en beauté !

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Duel dans le sable

Les deux monoplaces déboulaient dans les virages roues dans roues, celle de derrière tentant de passer par tous les côtés sans trouver l’ouverture. En vieux briscard, Lauda s’appliqua à claquer toutes les portes au nez de son jeune team-mate dans les dunes, avant de négocier au mieux la grande courbe rapide à droite conditionnant la ligne droite et là, de tourner imperceptiblement la molette vers le « plus ». De son cockpit, Prost comprit parfaitement ce qui était en train de se passer.

Lauda Prost Zandvoort 1985

À l’amorce de l’avant-dernier tour, il réalisa qu’il n’avait plus le choix : s’il voulait passer ce filou de Niki, il fallait absolument tenter un coup dans les enfilades de virages. Le freinage de la chicane constitua l’opportunité : Alain se déporta et tenta de se faufiler entre la McLaren n°1 et le bas-côté. C’est le bas-côté qui l’accueillit, Lauda ayant une fois encore fermé la porte sans ménagement aucun. Le pilote récupéra in extremis sa voiture, et se contenta dès lors de cette deuxième place qui n’était finalement pas si mauvaise dans l’optique du titre.

Le podium fut joyeux, mais à sa descente, Alain tordait un peu le nez, qui n’en avait déjà pas besoin : à l’encontre de la consigne d’équipe, Niki avait forcé sur la pression dans les dernières boucles pour éviter que son compère ne le pique au freinage de Tarzan. Tant pis pour la règle ! Au-delà de cet état de fait, il rassura Prost : « Tu le sais, si tu as besoin d’un petit coup de main en fin de championnat, je serai là. Mais là, c’est trop tôt : je voulais cette course ».

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Lauda
Podium joyeux : Lauda a enfin remporté une course en 1985, Prost assure 6 points de mieux et Senna savoure le plaisir d’être aux côtés de deux légendes © D.R.

L’excellente entente entre les deux sociétaires de l’équipe la plus performante du moment ne se fissura pas d’un millimètre : ils se serrèrent la main avec un sourire et, comme tous les dimanches soirs d’après grand prix, partirent faire une nouba d’enfer dans quelque boîte du coin. Willy Dungl, le physiothérapeute rigoriste de Lauda, et de Prost par la même occasion, leur disait : « Que vous perdiez ou gagnez, allez faire la fête. Mais demain lundi, terminé » ! Un truc de plus que le jeune Saint-Chamonais apprit du Viennois roublard en ces deux saisons de partenariat fructueux…

Notes

(1). John Barnard et Ron Dennis, respectivement directeur technique et directeur sportif de McLaren International.

(2). Depuis qu’ils faisaient équipe, Lauda et Prost ne s’étaient affrontés qu’à distance.

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