L’essai de l’AGS 17 F2 1980 par Richard Dallest
D’Automobiles Gonfaronnaises Sportives à AGS Formule 1, il y a un pas. Un grand pas. Franchi à bon rythme par Henri Julien et son équipe de copains, collaborateurs, passionnés et pour ainsi dire bénévoles dans un mode qui ne leur ressemblait pas beaucoup. De la Formule France à la Formule 1 en passant par la Formule Renault et la F2, l’écurie de Gonfaron a su se faire respecter à coups d’astuces, d’audace et de ténacité. De résultats aussi, Notamment avec l’AGS JH17 F2.
En ce dimanche 30 septembre la famille AGS est réunie au Luc. Ecurie et circuit ont en commun leur âge. Lancés en 1968, ils franchissent tous deux leur demi-siècle. Commémorations, portes ouvertes, démonstrations. Mais quoi de mieux en cette occasion que de faire rouler Richard Dallest sur l’AGS JH17 F2 de 1980 ? L’année faste.
Olivier Rogar
Les essais de Richard Dallest pour Classic Courses
AGS JH 17 Formule 2 1980
Bmw 2002 Tii 1972
Ford Mustang Bullitt 1967
Jaguar XK 150S 1959
2018 – Dallest et l’AGS JH17 F2
Ca fait 38 ans que Richard n’a pas démarré son AGS JH17 F2. Celle avec laquelle il a remporté les Grands Prix de Pau et de Zandvoort en 1980 et fait la pole au Nurbürgring la même année.
Patrick D’Aubreby, propriétaire de AGS Formule 1 et de la JH17 a élégamment proposé à Richard Dallest de faire quelques tours en l’honneur des 50 ans de l’écurie AGS et du circuit du Var. Outre la F2, Pascal Fabre, qui a roulé pour AGS en 1987, est là aussi. Il va rouler sur la JH24 F1 ex Tarquini, refaite à neuf.
Présent tôt le matin, je vois s’affairer les mécanos sur le châssis nu de l’AGS JH17 F2, tandis qu’un soleil rasant donne aux ateliers brumeux les premières couleurs du jour. Henri Julien, n’est plus, mais famille, collaborateurs, ingénieur, arrivent. Les anciens. Et les nouveaux. Ceux des stages AGS F1. Actionnaire, directeur, moniteur, mécanos. Personne n’est indifférent. Certains viennent de loin. D’autres n’ont jamais quitté le voisinage de l’écurie. Du circuit. Leur vie est là. Conciliabules. Discrétion. On se retrouve. Sans tapage ni exubérance. Ces gens savent ce qu’ils ont fait. C’est leur fierté. Ca leur suffit. Chapeau Messieurs.
Richard Dallest est calme. Silencieux. Arrivé avec son sac et son casque « classic » il va se changer. Combinaison, gants… La F2 est sortie des ateliers. Jean Silani, le mécanicien, l’ami est là. Comme il y a 38 ans, il regarde tout. Fait le tour de l’auto. Vérifie, ausculte, règle, ajuste. Il est temps.
Richard monte et se laisse glisser dans son baquet bras en l’air. Jean lui passe le harnais sur les épaules et l’ajuste. Les deux hommes échangent doucement. Leurs regards se croisent. L’un ajuste le harnais en serrant les boucles à fond. L’autre se concentre. Nouveaux regards. A quoi pensent-ils ? Trente huit ans. Les gestes, des centaines de fois accomplis, sont les mêmes. Rituels. Emotion bien sûr. Par cercles concentriques. Les acteurs. Les témoins anciens et récents. Les spectateurs.
Un signe aux mécaniciens. Le moteur est lancé. Chauffe rapidement. Richard embraye, la voiture s’élance souplement. Le temps vient de fuir vers l’infrarouge, la longueur d’onde du passé…
On court vers la piste. Batterie en main. C’est loin. C’est long. C’est lourd. Mais tous veulent voir Dallest boucler son premier tour. La batterie m’échoie. Tout se mérite. Le Bmw s’annonce sourdement. Son intensité vire à l’aigu tandis qu’il se rapproche. Poussé vigoureusement mais souplement. Dallest a toujours été un artiste et ça s’entend. Le tour est bouclé. La voiture s’arrête sur la piste. Puis rentre aux stands.
Impressions à chaud
Richard, sur ce circuit quelle voiture donne le plus de plaisir, F2 ou F1 ? : « Une F1 ça pousse plus bien sûr. Mais en virage, Formule Renault, F3, F2, F1, la vitesse de sortie est conditionnée par la vitesse d’entrée. Avec une FR tu peux rentrer aussi vite qu’avec une F2 dans un virage serré. C’est une question d’adhérence donc de feeling. »
Peux-tu nous décrire un tour de ce circuit ? : « Bien sûr : Ligne droite des stands, 5e – Courbe à gauche avant freinage pour virage à droite – là tu passes en 4e pour rentrer dans la courbe puis la 2e pour l’épingle à droite qui suit – Tu arrives sur le second droit qui est plus rapide. Tu mets la 3e – Ligne droite en 4e – Chicane gauche – droite – gauche puis double droit que tu passes en 3e ou en 4e suivant adhérence – ensuite ligne droite brisée à fond de 5e ou 6e si pneus en température. Au bout freinage pour le droit qui ramène sur la ligne droite des stands. Là tu passes directement en 2e. Puis tu remontes tous les rapports jusqu’en 5e sur la ligne droite. »
Un peu plus tard il y a aura ces quelques tours accomplis en tandem avec Pascal Favre. F1. F2. Ou l’accomplissement d’AGS.
Comment partagez avec vous, chers lecteurs, cette impression qui nous envahit lorsque les deux monoplaces retournent au ralenti vers leur paddock. Un songe où passent Henri Julien, Christian Vanderpleyn, José Dolhem, Didier Pironi…
1978 – AGS en F2
Tandis qu’en F1 le Turbo va bientôt chasser les moteurs atmosphériques, la F2 se contente pour quelques années encore d’une motorisation 2 litres fournie principalement par Bmw, Hart ou Honda.
AGS est engagée dans le championnat d’Europe de Formule 2 à partir de 1978. L’ancien pilote François Guerre-Berthelot y a contribué en apportant deux sponsors Motul mais aussi GPA dont il est propriétaire. AGS engage la JH15 pour José Dolhem et Richard Dallest. Ils partagent la voiture tout au long de la saison. L’année 1979 sera similaire, la voiture étant conduite sur une partie du championnat par José Dolhem puis Alain Couderc. Années d’apprentissage pour l’écurie, l’ingénieur belge autodidacte Christian Vanderpleyn et les pilotes.
Du côté de Gonfaron, que ce soit au garage ou dans l’atelier de l’autre côté de la route, Julien, Vanderpleyn et Silani donnent tout ce qu’ils peuvent. Les essais d’hiver au Ricard permettent de voir tourner les F1 et de s’en inspirer autant que faire se peut.
Vous l’admettrez le bureau d’étude, s’il est brillant, n’est pas très fourni. L’AGS JH 17 F2 a la ligne des F1 Wing Cars de l’époque, avec des flancs rectangulaires et des dimensions qui la rendent assez volumineuse, tout en restant très équilibrée. Comme nous l’expliquera Richard Dallest, ses dimensions sont les plus importantes du plateau F2. Son empattement la rend plutôt tolérantes et facile notamment quand les conditions d’adhérence se dégradent.
AGS a bénéficié de certaines pièces venant de Matra. Ainsi les portes-moyeux sont ceux de la 670. L’épisode se renouvellera en 1986 lorsque la première F1 AGS bénéficiera de la coque carbone de la Renault F1 RE60.
Nous allons voir que cette saison 1980 fut brillante.
Les années qui suivent verront Richard Dallest s’effacer après une saison 1981 mitigée marquée par deux arrivées dans les points, deux hors des points, cinq abandons et trois non-participations. 17e au championnat.
Philippe Streiff amène de nouveaux sponsors et avec une voiture plus fiable termine successivement 6e puis deux fois 4e au championnat en 1982, 1983 et 1984. Il remporte en Grande Bretagne la dernière course du championnat d’Europe F2 avant que celui-ci ne cède la place au championnat F3000. Les monoplaces héritent alors des V8 Cosworth désormais délaissés par la F1 au profit des turbos. Idée brillante de Bernie Ecclestone.
1980 – Tous sauf un…
Malgré une saison 1979 difficile, Richard Dallest a attiré l’attention de certaines écuries de F1. Lotus notamment auprès de laquelle José Rosinski a vanté les mérites du pilote marseillais. Il reçoit un telex de Colin Chapman le conviant à l’essai d’une F1 sur le circuit Paul Ricard courant novembre 1979. Il n’est pas le seul ; South, Lammers, de Angelis, Mansell sont également sur la liste.
Las, le camion qui vient d’Angleterre avec les précieuses monoplaces, brûle. Ultime facétie du destin en fin de collaboration avec le cigarettier Imperial Tobacco ?… Toujours est-il que l’essai est reporté sine die. Puis annulé. Elio de Angelis roulera en 1980 aux côtés de Mario Andretti sur des Lotus devenue bleues et rouges, les couleurs de Essex, leur nouveau sponsor.
Championnat d’Europe de Formule 2
Une saison complète en F2 se profile donc pour Richard Dallest chez AGS. Le championnat d’Europe de Formule 2 constitue l’anti-chambre logique de la F1. On ne se disperse pas encore en de multiples championnats FIA ou marques auxquels on a du mal à adhérer tellement confuse est la logique qui y prévaut.
On en est encore, suivant qu’on se trouve en France ou en Grande Bretagne à la suite Formule Renault ou Ford, Formule Renault Europe ou F3, F2, F1. Quelques surdoués ou chanceux parviennent à passer directement de la F3 à la F1. Soit qu’ils aient gagné le Grand Prix de Monaco F3 soit qu’ils aient été repérés.
La F2 est donc solidement charpentée et compétitive. 1980 voit 63 pilotes s’y essayer sur 12 courses. March, Ralt, Toleman, Merzario et AGS sont les principaux châssis. Bmw, Hart et Honda les fournisseurs de moteurs. Parmi les pilotes on notera la présence des britanniques Brian Henton, Derek Warwick, Mike Thackwell, Nigel Mansell, Geoff Lees, des italiens Teo Fabi, Siegfried Stohr, Andrea de Cesaris, Arturo Merzario, de l’allemand Manfred Winkelhock, du néerlandais Jan Lammers du suédois Stephan Johansson. Côté français Patrick Gaillard et Richard Dallest.
Tous iront en Formule 1. Sauf un…
Une saison au firmament
La saison sera outrageusement dominée par les Toleman Hart avec 6 victoires et les March 802 avec 4 victoires. Brian Henton (Toleman Hart TG 280) sera champion avec 3 victoires, suivront Warwick (Toleman Hart TG 280) 1 victoire, Fabi (March 802 Bmw) 3 victoires, Stohr (Toleman Hart TG 280 ) 1 victoire, Cesaris (March 802 Bmw ) 1 victoire et Dallest (AGS JH17 F2 Bmw) 2 victoires.
En termes de vitesse pure, les Toleman réalisent 7 poles et 10 meilleurs tours en course contre 3 poles et 2 meilleurs tours aux March. AGS réalise 2 poles ( Nurbürgring et Zandvoort) .
La modestie de Richard Dallest dut-elle en souffrir, l’analyse des résultats et des performances parle d’elle-même. La saison compte douze courses. Il abandonne à Thruxton, finit 10e à Hockenheim, réalise la pole au Nurbürgring mais abandonne en course. Il finit 9e à Vallelunga et gagne à Pau. Première grande victoire de l’écurie et du pilote. Il ne prend pas le départ à Silverstone, finit 8e à Zolder, 7e au Mugello. Il fait la pole et gagne à Zandvoort. Il finit 5e à Pergusa, abandonne à Misano et finit la saison à Hockenheim en 4e position.
En synthèse, quatre résultats dans les points, quatre hors points, un non départ et trois abandons. On notera que ses deux victoires ont eu lieu sur les pistes dont la moyenne horaire a été la plus faible de la saison, mettant en évidence les qualités de sa voiture sur piste humide mais ses limites sur piste sèche. Tandis que sa pole au Nurbürgring est davantage le reflet de son adresse que de la vitesse pure de la belle AGS. Pour le reste, un peu plus de fiabilité et de réussite…
La saison se solde par une très belle 6e place au championnat d’Europe de Formule 2.
Au fait ! , Question : « Qu’ont en commun Jim Clark, Jack Brabham, Jochen Rindt (3), Jackie Stewart, Reine Wisell, Peter Gethin, François Cevert, Patrick Depailler, Jacques Laffite, René Arnoux (2), Bruno Giacomelli, Eddie Cheever, Richard Dallest, Geoff Lees, Johnny Cecotto, Jo Gartner et Mike Thackwell ? »
Réponse : « Ils ont en commun d’avoir remporté le Grand Prix de Pau entre 1964 et 1984, période au cours de laquelle il a été disputé en Formule 2. Quatre ont été champions du monde de F1 et cumulent 9 titres, tous les autres sont allés en Formule 1. Sauf un… »
Essai AGS JH17 – Equipe AGS @ Olivier Rogar