Le moment ou tout aurait peut-être basculé pour Rossano Candrini si l’attachement viscéral à Modène n’avait pas été plus fort que Sunset Blvd .
Jean-Paul Orjebin, traducteur des souvenirs de Rossano Candrini
Dans la même série :
Rossano Candrini 1
Rossano Candrini 2
Quand il faut choisir entre Modène et Hollywood
Cette photo me renvoie dans le temps, il y a maintenant plus de 50 ans.
Il me semble incroyable que cela fasse un demi-siècle. C’était la première voiture neuve qu’achetait mon père. Avant celle-ci, toutes étaient d’occasion, sa théorie était qu’à les acheter d’occasion, quelqu’un d’autre faisait la perte initiale.
Probablement sans le dire à la maison, il voulait se payer un dernier plaisir, sentant que son voyage terrestre était proche de se terminer.
C’est vrai que Papa est mort en mars 1971 et de cette belle et nouvelle Ferrari 365 gt 2 + 2 Altaïr, il n’a pas eu le temps d’en profiter longtemps.
Pour moi, jeune homme de 20 ans, j’étais très excité à l’idée que mon père achetait cette voiture car je savais que je pourrais l’utiliser comme je l’entendais.
Je me souviens très bien que le Dr. Amerigo Manicardi, directeur des ventes, avait convaincu mon père de changer la couleur gris métallisé qu’il avait commandée pour un superbe vison métallisé en lui disant : « c’est une teinte nouvelle, le Commandatore l’aime beaucoup. »
Ainsi la voiture a été livrée de couleur vison métallisé avec un bel intérieur en cuir clair.
Ils m’ont accordé le droit de suivre la construction de la 365 à l’usine, ils n’ont pas eu à me le dire deux fois.
Je faisais presque partie de la maison à Maranello, je connaissais tout le monde, du concierge aux différents ouvriers, tout au long de la chaîne de montage. C ‘était une nouvelle génération de voitures pour la Maison Ferrari en particulier pour le confort de conduite.
Elle semblait presque ′′ elettrica ′′ par rapport aux Ferrari 250 précédentes qu’avait possédées mon père.
A propos du Signore Manicardi, il me revient le souvenir suivant. J’habitais à Modène via Trento Trieste, dans un immeuble dont l’entrée jouxtait celle des bureaux que Ferrari avait conservés à cette adresse. Un matin, sortant de chez moi, je tombe sur Amerigo Manicardi et Carlo Benzi, ils discutaient sur le trottoir devant le portail d’accès au siège de Ferrari. Carlo Benzi m’invite à entrer et ajoute que le Dr Manicardi allait nous suivre avec le client qu’il attendait. Cela faisait quelques petites minutes que j’étais installé dans son bureau lorsqu’il y pénétra avec un célèbre acteur américain qui devait rencontrer le Commandatore un peu plus tard dans la journée.
Le Dr. Manicardi comme d’habitude, une fois assis, a retiré ses chaussures et glissé confortablement ses pieds sur, ou plutôt dans le tapis très épais sous son bureau. C’était son originalité, Il aimait recevoir les clients sans chaussures, en fumant son éternelle pipe offerte par je ne sais quel Prince ou Emir, toujours bourrée d’un tabac blond et doux.
Après une brève conversation qui m’a été traduite par Manicardi, cet acteur attendait une réponse de moi … elle est arrivée en même temps que le rouge sur mon visage.
Il disait qu’il m’invitait, dans les studios en Amérique, car à ses dires j’avais l’air intéressant pour le cinéma, il m’aurait fait auditionner….
De la folie pour moi, j’étais marié depuis environ un an et nous venions d’avoir une petite fille de quelques mois, mon père malade, avec son entreprise à suivre, je ne connaissais rien à la langue anglaise, et en plus je n’avais jamais pris l’avion sauf un saut de puce à Palma de Majorque qui avait laissé une certaine inimitié entre moi et le vol.
J ‘ai répondu presque immédiatement à M. Dean Martin, qu’il m’était impossible d’accepter, je l’ai remercié, suivirent quelques poignées de main et sourires, et je suis parti à pied, juste à côté, là où j’avais mon activité à l’atelier et à la pompe à essence.
La route de mon destin pour aller en Amérique m’était apparue, l’espace d’un instant, mais mon amour pour ma Province, Modène et plein d’autres bonnes raisons me firent l’oublier.
Texte de Rossano Candrini , traduit de l’italien par Jean-Paul Orjebin