Dans la cour de récréation de Fiorano, sous les yeux de Rossano, deux grands enfants, Gilles et Jody, s’amusent avant l’arrivée du prof.
Rossano Candrini
Traduit de l’italien par Jean-Paul Orjebin
Dans la même série :
Rossano Candrini 1 – L’ami d’Enzo Ferrari
Rossano Candrini 2 – Fiorano
Rossano Candrini 3 – Modène et Hollywood
Rossano Candrini 4 – Ma 288 GTO
Rossano Candrini 5 – Test secret
Rossano Candrini 6 – Une 250 Gte
Rossano Candrini 7 – Padrone bienveillant
Rossano Candrini 8 – Merci Ingegnere Forghieri
Rossano Candrini 9 – La Ferrari 4 portes
Rossano Candrini 10 – Paris truqué
1979 fut vraiment une année de grâce pour Ferrari. L’ing. Mauro Forghieri avait construit un de ses chefs-d’œuvre, le T4 aussi rapide que fiable. Cette année-là, pour le Grand Prix de Monaco, j’ai regardé les Rosse depuis le virage de la Rascasse debout tout au long de la course, les doigts crispés au grillage métallique jusqu’à la victoire de Jody Scheckter.
A Fiorano quelques jours avant cette course, à la veille du départ du « bisarca » (1) pour la Principauté, j’ai vécu un moment amusant qui me revient en mémoire.
Le lundi matin, les deux pilotes sont convoqués pour tester les deux 312 et effectuer les réglages nécessaires à la configuration particulière du circuit monégasque. J’étais prévenu de ces essais et suis arrivé tôt en même temps que Gilles et Jody. Les mécaniciens et les autos étaient en retard.
Que pouvaient donc faire ces deux extraordinaires pilotes en attendant leurs montures ? Quoi de mieux pour s’échauffer qu’organiser un challenge amical entre eux sur le circuit avec leur voiture de service. Le canadien, sa 308 GTB jaune et le sud-africain avec sa 400GT 2+2 bleu métallisé, une des toute premières équipées du moteur à injection en remplacement des vieux Weber.
Pour pimenter cette course improvisée, nos deux compères misent chacun 100 dollars qu’ils mettent dans la main de Giorgio Ferri, le directeur du circuit. Le pari était : deux tours de circuit et le premier arrivé empoche la mise en jeu.
Personne n’avait remarqué que Gilles, souhaitant découvrir le nouveau système d’injection monté sur la 400, avait discrètement débranché un ou deux fils des bougies d’allumage. Dès le départ, le GTB de Gilles prend la tête, pendant que la 400 de Jody ratatouille et fume à chaque accélération. Il n’a pas fallu longtemps au pilote sud-africain pour comprendre ce qui s’était passé. Il s’est arrêté au premier tour derrière Gilles déjà sorti de sa voiture.
L’arrivée de Mauro Forghieri juste précédé de celle du bisarca avec les monoplaces a stoppé Jody dans son élan, il courrait pour se venger de Gilles qui s’échappait en riant de sa bonne blague.
Forghieri qui, en plus du diplôme d’ingénieur, avait un deuxième diplôme en dialecte modénaise, gesticulant avec les mains dit : : » e quile’sarenni po’i me pilota ? » » Et ce serait eux mes pilotes ? »
Pendant ce temps, les monoplaces étaient descendues du camion, Giorgio Ferri a remboursé aux deux challengers les dollars misés et les douze à plat des monoplaces se sont mis à chanter une symphonie bien connue ici.
Tout ceci s’est passé par une matinée très claire des premiers jours du mois de mai 1979 ; Année de grâce.
Une vraie merveille pour qui aura à le raconter.
Rossano Candrini
Traduit de l’italien par Jean-Paul Orjebin
1) Bisarca : transporteur automobile