En historique et notamment à Monaco, on est partagé entre admiration des voitures et nostalgie des pilotes. Entre ceux qui nous ont fait rêver et celles qu’ils ont fait triompher. Alors si l’on a la chance de croiser certains d’entre eux, tout en voyant tourner certaines d’entre – elles, le bonheur n’est pas loin.
Il faut pourtant rendre justice aux pilotes d’historique. Année après année on assiste à une montée en qualité qui donne des courses très disputées. Les Formules junior et les F3 ont disparu, les F1 imposent leur aura à tout le programme du Grand Prix Historique. De 1978 on est passé graduellement à des plateaux allant jusqu’à 1985 desquels restent sagement absents les moteurs suralimentés.
Après le plan large qui nous a été proposé par Jacques Vassal, nous vous proposons de suivre d’un peu plus près ces trois jours de courses. Cette année nous avons fait l’impasse sur les plateaux A1 ( voitures d’avant 1939) et B (F1 1960-1965) , ne nous en tenez pas grief, nous y reviendrons. Dans deux ans. (1)
Olivier Rogar
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A l’heure où les actionnaires US de la F1 mettent en question l’avenir du Grand Prix de Monaco, on ne saurait trop leur suggérer d’assister au Grand Prix Historique. Des voitures fines, légères et et compactes offrent ici un spectacle qui allie à une atmosphère unique, compétition et sensations. On assiste à des courses disputées où les dépassements existent toujours.
La F1 moderne, d’abord pour des raisons de sécurité auxquelles on ne peut que souscrire ( jusqu’en 2000) puis pour des raisons techniques et aérodynamiques, a généré des voitures ultra rapides mais encombrantes et lourdes. Qu’on en juge : en 2000 la Ferrari F1-2000 pesait 600 kg avec pilote et mesurait 4.40 m. Aujourd’hui une F1 pèse 798 kg et mesure autour de 5.70 m. Ce qui la situe à un mètre de plus qu’une Peugeot 508, presque au niveau d’une Rolls Royce Phantom 7… Globalement 30% d’embonpoint en vingt ans. Est-ce raisonnable ? Est-ce beau ? Est-ce utile ?
Difficultés de dépassement et attentes du public ont entrainé la mise en place d’artifices aérodynamiques, comme le DRS. Puis en 2022 une refonte du règlement, avec un DRS devenu inutile dont on espère qu’il disparaîtra bientôt. L’esthétique des voitures a quelque peu été ré-équilibrée. Mais pas leurs dimensions. On reste bien éloignés du « light is right » de Colin Chapman et des préoccupations environnementales auxquelles répondrait naturellement cette volonté de légèreté.
GP Historique Monaco 2022 – Voitures de GP à moteur avant 1945-1961
Gentlewomen, start your engine
De leurs formes oblongues et du son de leurs mécaniques résulte une sensation de vitesse à laquelle on ne s’attend pas. Telles les images des « Actualités Pathé », les « missiles » traversent le champ de la caméra en une fraction de seconde.
Leur efficacité est pourtant là. Davantage que dans les virages où la position de leurs moteurs, leurs pneus étroits et leur freinage en rendent la maîtrise délicate. L’alliance nécessaire de courage, de force et de finesse a longtemps été l’apanage des hommes. Jusqu’à ce que pour la première fois, une femme, Maria-Teresa de Filippis s’engage à Monaco, en 1958, sur une Maserati 250F (Non qualifiée) qu’on retrouve cette année.
Soixante quatre années plus tard, rendant grâce à cette pionnière, parmi trois femmes engagées, Claudia Hürtgen, venant du DTM, nous gratifiera d’un pilotage sans faille pour mener à une nouvelle victoire la Ferrari Dino 246. Celle avec laquelle Phil Hill donna l’ultime couronne à une F1 à moteur avant. C’était à Monza en 1960, en l’absence néanmoins, des principaux concurrents britanniques.
Marque la plus représentée, Maserati, avec sept voitures, allant de la A6GCM pilotée par Mme Julia de Baldanza, à la 250 F, compte quelques modèles remarquables.
La n° 32, celle précisément engagée par Maria Teresa de Filippis en 1958, a été inscrite au GP de Monaco de 1955 à 1959, soit cinq éditions. Un record.
La n°34 a été la voiture officielle de 1955, pilotée par Jean Behra, vainqueur aux GP de Pau et de Bordeaux, ainsi que par Cesare Perdisa, 3e à Monaco la même année.
Les Gordini présentes sont celles des tout débuts de l’écurie en F1, les T11/15 d’abord, lancées en 1946 et évoluant en Formule Junior, dont la version 15 put participer à différentes courses de F1 du fait de la pénurie de voitures dans la catégorie reine. Participation sanctionnée par une 4e place de Maurice Trintignant à Monaco en 1948. Quant à la n° 18 de Jean-Jacques Bailly, ci-dessous, elle a toute sa place à Monaco : c’est une voiture de Princes ! Elle a en effet été pilotée par les Princes Bira et Igor Troubtzkoy au sein de l’écurie officielle en 1947.
La T16 n°14 de Jean-Pierre Richelmi a participé à 17 courses de F1 entre 1952 et 1955. Elle était du triomphe de Reims en 1952, complétant par la 4e place de Bira, la victoire de Jean Behra, devant l’écurie Ferrari au complet.
La Talbot T26C fait partie des plus anciennes autos de ce plateau. Datant de 1948, elle a pris la 4e place du GP de l’ACF avant d’émigrer pour l’Argentine. Louis Rosier a été l’un des pilotes les plus emblématiques de ce modèle mais n’a jamais pu terminer le GP de Monaco à son volant ( 1948 et 1950).
La Cooper T20 de Mme Niamh Wood appartenait à l’écurie Ecosse et elle fut notamment confiée à Jimmy Stewart, le frère de Jackie, lors du GP de Grande-Bretagne 1953.
Les nombreuses Lotus T16 présentes étaient elles trop nombreuses, au même endroit, au même moment justement ? Le passage de la Rascasse s’est avéré un véritable chalut dont aucune ne put s’extraire. Pilotées à l’époque par Graham Hill, Ines Ireland, Alan Stacey ou Pete Lovely, elles symbolisent les débuts en F1 de l’écurie de Colin Chapman.
Enfin la Scarab F1, si fine avec son moteur incliné à 90° et malgré tout obsolète dès son apparition, ne peut laisser indifférent. Les deux exemplaires présents à Monaco en 1961 n’avaient pu se qualifier. La voiture en lice cette année n’a pas disputé de courses à l’époque.
Pour aller plus loin :
Résultats de la course
GP Historique Monaco 2022 – Voitures de sport à moteur avant 1952-1957
Johnny Rives a situé l’origine de sa passion pour la course automobile aux 12 Heures d’Hyères 1952. On peut les imaginer, lui et son ami Antoine, du haut de leurs 15 ans, enfourcher leurs vélos se rendre dès l’aube au circuit et les voir se poster sur « le ballast de la vieille voie ferrée ». Admirant la course de la Jaguar XK 120 des futurs vainqueurs, tout en étant fascinés par « les formes, les couleurs et le tumulte des voitures paraissant superbes. même les plus banales – elles portaient un numéro sur les portières ! » (2) .
En cette même année venait de naître le championnat du monde des voitures de sport. Et pour cette unique occasion, l’Automobile Club de Monaco avait choisi de faire courir hors championnat une course de cette catégorie en lieu et place de la F1. Raison pour laquelle les voitures de sport ont droit de cité lors du Grand Prix Historique.
La Cooper Jaguar n°72 est la voiture utilisée en 1955 sur les circuits anglais par Tommy Sopwith. Vainqueur de la série C cette année 2022.
La Maserati 300 S n° 88 a été vendue neuve à l’Automobile Club d’Angola en 1959. Il s’agirait d’un modèle 1957 reconditionné. 2e de la série C cette année 2022.
Livrée neuve en 1957 à Antonio Mendes de Barros, associé à Luis Milan pour les 1000 km de Buenos Aires. Elle a appartenu récemment à Mark Knopfler ( Dire Straits). 3e de la série C cette année 2022.
Cette Jaguar D a fait partie de l’écurie officielle en 1954. Elle a terminé 2e des 24 Heures du Mans et des 12 Heures de Reims pilotée par Duncan Hamilton et Tony Rolt. 4e de la série C cette année 2022.
La Cooper-Jaguar T33 a participé en 1955 aux 12 Heures d’Hyères au mains de Bertie Bradnack. Elle est pilotée ici par Katarina Kyvalova au sein d’un plateau huppé qui ne lui a pas permis de briller (14e) autant qu’aux 6 Heures Historiques de Spa 2021 où nous l’avions vu réaliser une performance remarquable au volant de la Jaguar Type E (9e).
Cette Aston Martin DB3S a également participé en 1955 aux 12 Heures d’Hyères au mains de Graham Whitehead, associé à son demi-frère Peter.
Ulrich Schumacher, au volant de la Maserati A6GCS de 1955, pilotée à l’époque par Luigi Musso aux Mille Miglia et aux 24 Heures du Mans.
La dernière Type C construite sur 54. Livrée neuve à l’irlandais Joe Kelly en 1953. 7e du Tourist Trophy auquel elle a aussi participé en 1954.
Pour aller plus loin :
Résultats de la course
GP Historique Monaco 2022 – Voitures de Grand Prix F1 3L – 1966 -1972
Claudia Hürtgen qu’on a vu en série A2 et en série C, est le premier pilote professionnel présent cette année dans le GP Historique. Elle est aussi inscrite en série D et est rejointe entre autres sérieux clients à la victoire, par Stuart Hall, habitué de la F1 historique et souvent vainqueur, par Esteban Gutierrez, champion BMW Europe, champion GP3 series, ancien pilote de F1 de 2013 à 2016, chez Sauber et Haas et par Michael Lyons, autre jeune habitué de la F1 Historique et multiple vainqueur à Monaco ( Trois couronnes ici – même en 2021) .
La course a finalement été remportée par Stuart Hall sur la Mc Laren M19A de 1971 avec le meilleur tour en 1’32 »345. Pour mémoire en 1971, le vainqueur avait été Jackie Stewart sur Tyrrell avec un meilleur tour en 1’22 »2. Soit dix secondes d’écart dans cette série. Le circuit faisait 3145m en 1971 et il fait 3337m aujourd’hui. En pondérant le meilleur tour de 1971 on le porterait à 1’27″21. Il resterait 5″ plus rapide qu’aujourd’hui à voiture comparable.
Voyant qu’une BRM et trois Matra étaient inscrites dans cette série, on imaginait un hommage à la victoire de Jean-Pierre Beltoise ici-même il y a 50 ans. ( Oui, ça pique !). Il n’en fut rien. Malheureusement. On se contentera de la belle affiche de l’évènement. Au vu de ces noms inscrits sur les cockpits, toujours la même émotion. Je sais que certains n’apprécient pas de voir les pilotes actuels porter des casques aux couleurs de ceux qui ont jadis fait triompher ces autos. De même certains pilotes ne veulent pas porter d’autres couleurs que les leurs. Les deux points de vue sont compréhensibles.
Bref hommage rendu aux V12 présents. BRM, Matra, Ferrari. Symphonie garantie. Stridence aussi.
La « Spazzaneve » qui valut une brève relégation à Mauro Forghieri. Pourtant les germes des années de succès étaient déjà présents. Trop tôt. Elle ne fut jamais engagée en course.
La BRM P153 fut engagée en 1970 pour Pedro Rodriguez. Le mexicain entra quatre fois dans les points, avec notamment une 2e place au GP des USA. Esteban Gutierrez ne finira malheureusement pas la course.
La March 701 est le premier modèle produit par la marque éponyme ( Marque fondée par Max Mosley, Alan Rees, Graham Coakeret Robin Herd). Et celle-ci la toute première 701. Elle a été pilotée par Chris Amon, pilote d’usine avec Joseph Siffert. Amon a remporté avec elle, mais hors championnat, le Daily Express Trophy.
Pilotée par Claudia Hürtgen qui ne pourra pas prendre part à la course, cette Ferrari 312 de 1969 fut pilotée par Chris Amon notamment.
La March 721 n’était pas une réussite mais les écuries privées l’ont utilisée toute la saison. L’Eifelland légèrement modifiée par Luigi Colani fut pilotée par Rolf Stommelen puis par John Watson lors de ses débuts en F1.
De son côté l’usine March a repris une initiative privée ayant conduit à remplacer le chassis raté de la 721 par un chassis de F2. Celle-ci fut engagé à titre privé par Clarke Mordaunt Guthrie Racing pour Mike Beuttler ( Cf « Privé de gloire »)
La McLaren M14A fut la dernière à porter les couleurs Kiwi de Nouvelle Zélande. Evolution de la M7 pilotée par Bruce McLaren et Denny Hulme. Celle-ci a été dévolue à Denny Hulme lors des six premiers GP de 1970. ( 4e à Monaco).
Avec Surtees et après McLaren, nous avons un autre pilote de F1 qui a fondé son écurie. Peut être pas avec le même succès ni la même longévité. Les TS 9 engagées ici à Monaco ont été respectivement pilotées par Derek Bell, Mike Hailwood en 1971 puis Andrea de Adamich en 1972. ( n°12 avec les radiateurs déplacés vers l’avant). La TS9 premier modèle, version A est la seule à être restée ainsi. Elle était la voiture du Sud Africain John Love. Aujourd’hui aux mains du redoutable Michael Lyons, elle est une prétendante régulière à la victoire en principauté.
La Surtees TS14A , de 1972 était la voiture de Carlos Pace en 1973 lors de ses débuts en Grand Prix. C’est au volant d’un modèle identique que John Surtees a participé à son dernier Grand Prix en 1972 à Monza.
« LA » Lotus 72. L’une des plus glorieuses F1. Deux titres pilotes avec Jochen Rindt en 1970 puis Emerson Fittipaldi en 1972. Elle a remporté 20 victoires en Championnat du Monde. 4 avec Rindt, 9 avec Fittipaldi et 7 avec Peterson. Dont Monaco 1974. 9 voitures construites entre 1970 et 1975.
La Lotus au nom de Kubota a été construite en 1971. Pilotée par Reine Wisell, Dave Walker et Ronnie Peterson qui obtint la 3e place à Monaco en 1973.
Pour aller plus loin :
Résultats de la course
Notes
1 : Les précisions historiques concernant la provenance des autos sont souvent issues de l’excellent programme officiel de l’ACM.
2 : Extrait de la préface, par Johnny Rives, du livre » 1951-1955 les 12 Heures d’Hyères » de Jacques Busson.