Rétromobile 2022 : Pour tout dire, des coups de coeur, nous en avons eu beaucoup lors de cette édition ! Il a fallu faire des choix. Ceux que nous partageons aujourd’hui avec vous. Des choix qui ont un point commun, celui de tous relever de l’art, de l’esthétique et du plaisir. Des choix qui mettent en avant des artisans présents ou passés dont le travail nourrit la passion, préserve un patrimoine unique et , espérons-le, suscite des vocations.
Olivier Rogar
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Compte tenu de ces montées dans les tours affectifs, nous vous proposons, pour lire ces quelques lignes, d’écouter Georges Harrison : My sweet Lord et Eric Clapton : Crossroad, pour des raisons que vous découvrirez ci-dessous.
Lamborghini Polo Storico
Vous en souvient-il ? 1971 la Lamborghini Miura venait de fêter ses cinq ans de production. Cinq années au cours des quelles elle avait établi de nouvelles références en termes de Grand Tourisme. Et déjà il fallait songer à la remplacer. Paolo Stanzani, à la manoeuvre à Sant’Agata avait lancé Bertone et Marcello Gandini, l’auteur de la Miura, sur la piste de ce qui pourrait être sa remplaçante donc.
Il fallait qu’elle démode tout ce qui existait. Le coup de la DS en 1956 ou de la Jaguar Type E en 1961. Ou celui de la Miura en 1966… Et ce n’est pas qu’un simple « rhabillage ». Certes on a toujours un V12, mais celui – ci n’est plus transversal, il est longitudinal, d’où l’appellation LP 500 ( Longitudinale Posteriore – 5 Litres ) et le châssis n’est plus monocoque mais en treillis tubulaire. Comme souvent à cette époque Gandini s’acquitte de sa tâche avec une maestria sans égale. En trois mois il dessine et construit la maquette.
Le succès est tel que la construction en série est décidée. Il faudra trois ans de développement, jusqu’en 1974. La carrosserie sera peu modifiée. Le moteur repassera pour un temps à 4 Litres. Et le prototype servira à tout. Notamment aux tests d’homologation. Et au crash test. Il n’en restera rien.
Jusqu’à ce coup de fil au Polo Historico en 2017 : « Et si ?…. » . Oui, et si on reconstruisait la plus pure des Countach. Celle sortie de l’esprit du Maestro Gandini. Celle dont même les plans ont disparu ! 25 000 heures plus tard, le miracle est accompli. Scan du 1er châssis de série, évaluation des volumes, façonnage des formes, analyse des couleurs, Même Pirelli a recréé les Cinturato d’époque.
When you have taste and money is not a problem…
Ascott Collection
Kremer 917 K81
Renault A442, Porsche 935 Kremer puis Rondeau l’avaient successivement emporté au Mans entre 1978 et 1980. Les Porsche 956 puis 962 qui allaient marquer l’épreuve de leurs empreintes plusieurs années durant n’étaient pas encore entrées en piste. Alors, malgré l’engagement de deux 936, dont une dévolue à Jacky Ickx, il vint à certains, une idée saugrenue.
Et cette idée émanant du cerveau aussi fécond que compétent des frères Kremer, dont la 935 fut couronnée en 1979, convainquit Porsche de jouer le jeu. Quel jeu ? Celui d’engager, douze ans après son lancement, dix ans après sa seconde victoire, une Porsche 917 !
Plans d’origine. Deux moteurs flat 12 qui développaient « encore » 570 cv. Des pilotes de pointe : Bob Wollek, Xavier Lapeyre et Guy Chasseuil. Les ingrédients sont là pour une performance.
Cependant les premiers tours de roue laissent entrevoir quelques problèmes. Outre une mauvaise adaptation aux pneus modernes, des modifications aérodynamiques ont été réalisées dont les résultats sont très décevants par rapport aux simulations informatiques. Ses 3’46 en qualification lui valent une 18e place et sont loin des 3’30 attendus. L’auto plafonne à 300 km/h en pointe contre 340 pour son ainée. Enfin, en course, après être remontée à une encourageante 9e place à la 3e heure, des problèmes de capot moteur la rendent dangereuse à piloter. Bob Wolleck jette le gant. La voiture continue pour finalement abandonner dans l’anonymat, en soirée sur casse moteur.
Pourtant à la course suivante, à Brands Hatch, pilotée par Wollek et Pescarolo, la 917 K81 mènera avant de se retirer. Cette fois définitivement.
Si les prolongations n’ont rien fait pour le palmarès de la 917, il faut bien admettre qu’avec un peu de mise au point l’extraordinaire engin était toujours capable de jouer un rôle important dix ans après son retrait. Peu de voitures en ont été capables. Nous pensons à la Delage 1500 cm3 Grand Prix de 1927 dont certain exemplaires couraient encore au plus haut niveau après guerre. Sinon ? A vous chers lecteurs de nous le rappeler !
Speed Classics
De belles autos chez Speed Classics. L’Iso Griffo et la Bizzarini vendues au tout début du salon… La Maserati Birdcage une refabrication, 570 kg de bonheur « street legal » et « FIA papers ». Le meilleur des deux mondes ?!… Et au fond, une de Tomaso Pantera ainsi qu’une très rare AMC AMX sur le prototype de laquelle Bizzarini intervint aussi.
Auto Classique Touraine
L’entreprise de Patrick Delage s’est à nouveau distinguée par la qualité d’un travail exceptionnel sur la base du châssis de la Bugatti 73. Interprétation « presque » libre de ce qui aurait pu être un roadster 73, la dernière création, le dernier projet d’Ettore Bugatti en 1947, étudié pendant la guerre et présentée au Salon de Paris quelques mois après sa mort. L’idée première était pour ces temps d’après guerre, la création d’une voiture moins exclusive. De là à en faire une populaire, comme on le lit, comme cela avait été évoqué à l’époque, il y a tout de même une marge dans laquelle se situe peut être une part du génie artistique de Bugatti.
Voiture compacte, coach deux portes, quatre places. Essieux rigides. Moteur 1.5L, 4 cylindres en ligne à compresseur. Arbres à cames en tête avec trois ou quatre soupapes par cylindre selon les versions. Et possibilité d’augmenter la cylindrée jusqu’à 1.8L. Le modulaire avant la lettre. L’idée de Bugatti étant de construire sur cette base, outre plusieurs versions de carrosserie, une vingtaine de châssis de compétition, monoplaces, qui se seraient nommés 73C et dotés de la version la plus performante du moteur, avec double arbre à cames en tête .
Selon les sources, il semblerait que cinq châssis de Type 73 aient été construits dont un seul est carrossé, le 73A coach Pourtout (châssis 73001), dans la collection Schlumpf depuis 1963, après avoir été équipée en 1958 d’un moteur qui n’est pas celui d’origine .
Deux Bugatti 73C de compétition ont été reconstituées et assemblées dans les années 1960, à partir des châssis 73C003 et 73C004, de pièces, et dessins d’origine de 1944, acquis par Jean de Dobbeleer (concessionnaire belge Bugatti de Bruxelles). Elles appartiennent depuis à divers propriétaires collectionneurs privés successifs dont l’anglais John Barton qui avait donc cette 73003, une 73C et deux châssis 73.
Patrick Delage revient sur « notre » 73 : « Elle est basée sur le châssis n°73003 acquise par Mr Roland d’Ieteren auprès de John Barton, avec un moteur mais pas de boîte. Ce dernier ayant acquis à la fois des moules de fonderie Bugatti et toutes les pièces disponibles chez Facel à leur liquidation, il a équipé la 73 d’une boîte Pont à Mousson de Facelia. «
« Ces deux éléments, comme neufs, ont été envoyés chez un « spécialiste » anglais pour être réassemblés et remis en route. Malgré les affirmations du « spécialiste », il semble impossible que le moteur ait été redémarré. En effet lorsqu’on a reçu le projet, on a vu que ça ne fonctionnait pas. Le moteur avait été monté directement au – dessus du châssis. On l’a remis dans le châssis en faisant passer l’arbre de transmission à l’intérieur. Le moteur a été envoyé chez Patrice Coutant ( Atelier de la belle époque). Il a été ouvert. A l’intérieur il n’y avait que des vieilles pièces. Barton n’y était pour rien. Il était mortifié de cette situation. On pense que le fameux « spécialiste » a échangé ses vieilles pièces hors côte contre des neuves ! Une sombre histoire. Désormais il tourne et est en cours de mise au point. «
« Quant à la carrosserie, c’est davantage mon élément, lorsque Roland d’Ieteren a acheté la voiture, il y avait un certain nombre de dessins de Macoin, un ingénieur Bugatti, mais plutôt des années 50, dont un dessin pour un roadster. Avec une calandre de S.
Roland d’Ieteren qui avait aussi un talent de styliste a travaillé avec Steve Bernaud, l’un des designers de la Bugatti EB 110. Steve a transformé avec bonheur les portes qui empiétaient sur les ailes. ( Voir le coach). Et Roland a eu l’idée superbe de mettre une petite arrête sur les ailes. Ca a complètement transformé l’esthétique de la voiture. La couleur a été trouvée par Nicolas d’Ieteren. Un beau travail d’équipe. »
Comme on peut le voir sur la photo ci-dessous, en véritable conservatoire des métiers du patrimoine, Auto Classique Touraine, a porté à un très haut niveau l’esprit de qualité et d’esthétique de Bugatti.
Kidston, oh my sweet Lord ! McLaren F1 #025
Et si vous écoutiez My sweet Lord ?
Kidston présentait une collection de sept McLaren F1. De série. De course. De propriétaires particuliers. Il en était ainsi du châssis n°25 réalisé sur commande spéciale pour Mr George Harrison, l’un des fabfour comme tous nos lecteurs le savent. Passionné de voitures de caractère, Harrison avait aussi le privilège d’être lié à Gordon Murray, l’ingénieur Brabham puis McLaren à l’origine, notamment, de la fameuse McLaren F1 à moteur V12 BMW .
Harrison commanda sa voiture en 1994 et le châssis 25 lui fut livré en janvier 1995 sous le n° M7 AUM. Il avait choisi un violet foncé comme couleur pour la carrosserie et noir satin pour les roues. Il se dit aussi – mais qui a pu le vérifier ? – que le châssis de l’auto est recouvert de symboles hindous et de textes et chansons écrits à l’encre argent par Gordon Murray lui-même. Quant à George, Il semble avoir été passionné par sa voiture, à un point tel qu’il ne l’a jamais vendue, même à son ami Eric Clapton, qui a pourtant essayé à plusieurs reprises de le convaincre. De fait la voiture est restée la propriété de la famille Harrison après son décès en 2001.
Cette voiture a été exposée parmi d’autres, lors du Goodwood Festival of Speed en juin 1995 pour célébrer la victoire du même modèle ( piloté notamment par Yannick Dalmas) le week end précédent, aux 24 Heures du Mans.
Pur Sang Argentina
Tout le monde connait les argentins de Pur Sang. Il est communément admis d’en entendre du mal. Pour le novice que je suis en matière de Bugatti 35 ou d’Amilcar C6, il m’est difficile de leur reprocher quelque chose. Je peux bien entendu, m’interroger sur les possibles écarts de fabrication entre les modèles exposés et ceux vendus aux clients. Mais ceux qu’il nous est donné de voir sont quand même assez bien fichus.
Incapable de juger, j’ai interrogé l’un des maitres es-Bugatti, à savoir Monsieur François Chevalier. Et que m’a dit, en substance, ce sage ? : « Avoir une Bugatti de course absolument authentique est quasiment impossible. Toutes sortes de choses existent. Et tout de même, ces autos sont faites pour qu’on s’en serve. Donc il y a une vie autour. Elles cassent, sont faites, refaites, en partie, en intégralité, leurs pièces se mélangent sur plusieurs d’entre elles et finalement, après quatre vingt quinze ans, chacun y perd un peu son latin. Il en existe deux fois plus que ce qui a été fabriqué. Mais pourvu qu’on ait le flacon, on a l’ivresse ! Et les argentins font bien les choses. Et ceux qui ne veulent en matière de Bugatti de course, que de l’authentique, on pourrait leur conseiller de se recentrer sur des Rembrandt et de précieusement les ranger dans un coffre ! »
Forts de leur savoir faire Pur Sang ont donc complété la 35 par une Amilcar C6 à compresseur. Un beau prototype. A suivre.
Galerie des artistes – Patrick Brunet et Crossroad
Et si vous écoutiez Crossroad ?
On peut dire de Patrick Brunet qu’il a su imposer un style reconnaissable entre tous. Deux nouveaux tableaux ont attiré notre attention.
Laissons Patrick nous parler du premier : « CrossRoad est un morceau composé par Robert Johnson musicien Afro-américain considéré comme un des fondateurs du Blues . Éric Clapton va reprendre ce morceau en l’électrifiant avec le groupe Cream. Ce morceau sera également interprété par de nombreux musiciens. Clapton va aussi enregistrer des albums avec d’autres musiciens et amis qu’il admire : BBKing et JJ.Cale . Il va même organiser un festival où il invite tous les plus grands guitaristes afin de lever des fonds pour financer un centre de désintoxication qui porte le même nom : CrossRoad. Le dessin représente cette croisée des chemins qui rassemble Clapton, BBKing, JJ.Cale et bien sur Robert Johnson avec qui toute cette histoire a commencé. Voilà ! »
Quant à l’autre tableau, représentant le rallyman Jean Rolland, il constitue une belle transition pour évoquer les nouveaux projets de nos amis de Jamval Editions.
Jamval Editions
Créée par Xavier Pequin (Avocat, contributeur de Classic Courses, malheureusement disparu en 2020) et Philippe Guyé, la maison Jamval Editions s’est immédiatement spécialisée dans les beaux livres ayant trait à l’automobile. Ainsi leur première publication a-t-elle été consacrée au peintre britannique mais néanmoins francophile, Stanley Rose ( Les roues de la vie) et le deuxième à Alain Bertrand, une autre peintre, français lui (Poursuis ton rêve). Leur troisième ouvrage sera, lui, écrit par Alin Legay. C’est un hommage au pilote Jean Rolland, disparu en 1967 et qui malgré la brièveté de sa carrière a marqué les esprits par son talent, sa personnalité et ses résultats sur Alfa Romeo.
L’épopée inachevée, par Alain Legay
Sacré deux fois Champion de France, son talent et son charisme ont marqué de leur empreinte le monde du rallye dès la fin des années 50 jusqu’à 1967, le plus souvent avec son fidèle ami Gabriel Augias comme coéquipier.
Jean Rolland s’est d’abord illustré sur Peugeot 203. Il se distingua à plusieurs reprises dans les années 60 au volant de Citroën DS officielles. Mais à partir de 1959 et tout au long de sa carrière, il signa ses plus belles victoires sur Alfa Romeo, dont il pilota six modèles iconiques.
C’est ainsi que son nom reste indissociable en France des grandes heures de la marque italienne !
Surnommé « Roi des Cévennes » et « Seigneur de la Coupe des Alpes », il brillait aussi en circuit. Un tour de trop à Montlhéry en septembre 1967 lui sera tragiquement fatal lors d’une séance d’essai de l’Alfa 33 avec laquelle il accédait à la prestigieuse catégorie des Sport Prototypes.
Préfacé par Johnny Rives, l’ouvrage est jalonné de témoignages de pilotes et de personnalités du sport automobile tels Jean Todt ou Gérard Larrousse ainsi que d’anecdotes de Gérard Lanvin, alors responsable du Service course de la Société Française Alfa Romeo.
Un livre d’histoire automobile traité comme un livre d’art !
imprimé en France sur papier couché, couverture reliée rigide.
Plus de 300 photos d’archives et illustrations d’époque.
Près de 200 épreuves relatées et de nombreux témoignages exceptionnels.
= 304 pages de nostalgie et d’émotions… (format 29 x 24 cm)
Livraison : octobre 2021 – Prix Public après souscription : 68€ + Frais de port
Alain Legay, pourquoi ce livre ?
Depuis mon adolescence dans les années 60, j’ai toujours eu la passion du tourisme pour lequel mon moyen de transport favori fut la voiture dite sportive. Simultanément, je m’intéressais aux grandes épreuves du Sport Auto dont les Spéciales inspiraient souvent mes itinéraires. C’est ainsi qu’à l’occasion du 50e anniversaire de sa disparition, me vint l’idée de raconter l’épopée de Jean Rolland et de son fidèle compagnon de route, Gabriel Augias.
D’abord parce que leur histoire fut celle d’une fidélité en amitié. Ensuite, leurs exploits furent avant tout motivés par leur sport dont la pratique restera au stade amateur pour plus de liberté. Enfin, leur terrain de jeu se situait dans certaines de nos plus belles contrées, notamment celles du Sud et des Alpes dont Jean ne consentaient à sortir des limites qu’à de rares exceptions. Et puis il y a son attachement à Alfa Romeo, à la grande époque où le constructeur avait réussi sa mutation en produisant des autos toujours parmi les plus performantes et désirables.
Mais honorer la carrière de Jean Rolland, c’est aussi évoquer les grands pilotes d’une époque où la polyvalence et l’endurance étaient des qualités fondamentales. En effet, les grands rallyes marathon des années 1950/60 se courant sur quelques 5 à 6000 km dans des conditions de route difficiles plusieurs jours durant lesquels pilotes et navigateurs se relayaient entre parcours de liaison et épreuves chronométrés, exigeaient tout autant de condition physique que de talent de pilotage, tant sur route que sur circuit.
‘L’épopée Jean Rolland’ est aussi un hommage à un champion disparu trop tôt. Il n’est malheureusement pas le seul mais la majorité des pilotes qui ont connu un destin plus heureux sont conscients d’avoir vécu une grande et belle aventure. Certains témoignent de leur émotion d’avoir été de ceux qui ont connu l’équipage Rolland-Augias et vécu une période inoubliable.