POUR NICO, L’ESSENTIEL FUT ACQUIS D’ENTRÉE
Au moment où la meute des F1 abordait le premier virage du Grand Prix du Japon, nous avons ressenti une impression que beaucoup de spectateurs ont dû partager. Tandis que Lewis Hamilton était empêtré dans le peloton, Nico Rosberg au volant de l’autre Mercedes se trouvait déjà distinctement détaché en avant de la troupe. Derrière lui, dans une cohue qui ne le concernait plus, les Red Bull et les Ferrari se disputaient le privilège de s’imposer au commandement de la poursuite à venir. Mais pour Rosberg, l’essentiel était acquis. C’est cette impression que nous évoquions plus haut. Elle s’imposait déjà alors que quelques secondes à peine s’étaient écoulées depuis l’extinction des feux rouges : il ne restait plus à Nico qu’à conduire sa F1 comme il sait très bien le faire, sans excès et sans erreur. Et la victoire serait au bout de sa route. A l’écart de la tourmente qui allait agiter tous les autres pilotes derrière lui, c’est bien ce qu’il accomplit – tranquille et solide qu’il est désormais devenu. Il ne nous restait plus qu’à regarder les 21 autres acteurs se battre sur un circuit exigeant qui donna lieu à quelques empoignades serrées dont le seul inconvénient est qu’elles se déroulaient dans son ombre. Quelques empoignades et quelques éclats de voix à l’adresse de ceux qui regardaient mal (ou peut-être trop bien ?) dans leurs rétroviseurs.
Johnny RIVES.
EXPERT DES COURSES POURSUITES
En 2016, Lewis Hamilton sera devenu le spécialiste des courses poursuites. Cela avait commencé dès le premier acte, en Australie, où il avait manqué son premier départ de la saison. Cela ne l’avait pas empêché, au terme d’une remontée remarquée, de s’assurer une belle 2e place derrière Rosberg. Rebelote à Bahrein où, après un départ encore cafouillé, il avait dû se contenter de la 3e place derrière Rosberg et Raïkkonen. En Chine, des qualifications avortées l’avaient contraint de démarrer en dernière ligne. Il s’était néanmoins hissé jusqu’à la 8e place cependant que Rosberg gagnait encore. Idem en Russie où il n’avait pas roulé en Q3, ce qui l’avait condamné à partir en 5e ligne. Résultat : 2e à 25 secondes de Rosberg !
Lewis avait dû attendre Monaco pour renouer avec la victoire qui se refusait à lui depuis sept mois et huit départs (G.P. des Etats-Unis 2015, le 25 octobre). La période qui suivit fut tout à son avantage puisque, en dépit de son retard initial, il reprit le commandement du championnat au soir du G.P. de Hongrie (24 juillet) au nez et à la barbe de Nico Rosberg que les augures trop pressés voyaient déjà champion du monde après les quatre premiers Grands Prix. Mais voilà qu’après un mois d’août loin des circuits, la mauvaise série reprit dès la Belgique pour Hamilton qui nous a délivré une partition semblable à son début de saison. D’abord à cause de lourdes pénalités dues aux nombreux changements d’organes du moteur décidés par Mercedes à Francorchamps afin qu’il soit débarrassé d’une telle menace jusqu’à fin de saison. Résultat : 3e derrière Rosberg et Ricciardo. A Monza il retrouve sa mauvaise habitude de louper son départ (6e au premier tour alors qu’il partait en pole), ce qui le contraignit à une nouvelle remontée ponctuée par une 2e place entre Rosberg et Vettel. Il ne conservait plus que deux points d’avance sur Nico. A Singapour il dut se battre bec et ongles pour souffler la 3e place à Raïkkonen. Mais au championnat Rosberg, de justesse vainqueur devant Ricciardo, redevenait le maîtr. Ce qu’il confirmait de façon chanceuse en Malaisie où Hamilton était trahi par son moteur tandis que Nico (3e) était contraint à une course poursuite après avoir été envoyé en tête-à-queue par Vettel dès le premier virage.
Au Japon, devancé par Rosberg d’un souffle pour la pole position, Hamilton a renoué avec sa vieille habitude des départs cafouillés qui entraina celle de ses belles remontées au terme de laquelle Verstappen s’imposa durement à lui pour le priver de la 2e place. Débarrassé de sa menace, Rosberg avait eu tout loisir de contrôler la situation à son avantage. En dépit de quoi le championnat est loin d’être joué, quelles que soient les impressions que la situation puisse suggérer. Car que sont 33 points d’avance quand 100 restent en jeu lors des quatre Grands Prix à venir ? Evidemment la situation est favorable à Rosberg qui pourrait se contenter de quatre deuxièmes places derrière Hamilton pour être enfin couronné. Mais rien ne lui garantit par avance de terminer quatre fois sur quatre… Les paris sont ouverts.
LA FRUSTRATION DE GROSJEAN
En dehors du tranquille contrôle exercé par Rosberg et de la difficile remontée d’Hamilton, le G.P. du Japon a été marqué par quelques batailles d’arrière garde au cours desquelles les Ferrari ont montré leurs limites (leader au gré des circonstances pendant cinq tours, Vettel a dû se contenter de la 4e place avec 20 secondes de retard). Et où les Force India de Perez et Hulkenberg ont émergé joliment du restant de la troupe, prenant un net avantage sur les Williams dont on comprend mal le déclin. Des Williams que Grosjean aurait mérité de devancer, tant il avait rapidement fondu sur elles après son dernier changement de pneus. Mais une fois revenu dans leurs sillages, Romain se trouva quasiment face à un mur. Et il dut se contenter de terminer à une frustrante 11e place, alors qu’il sentait sa Haas en net progrès. Ce que confirme son meilleur tour (1’37’’020) meilleur que ceux d’Hulkenberg (1’37’’351), Massa (1’37’’785) et Bottas (1’37’’844). Apparemment le doigt a été mis sur le défaut qui handicapa les Haas après un joli début de saison. « Aujourd’hui ma voiture me donnait la sensation d’être irrésistible, j’ai eu l’impression d’accomplir une des meilleures courses de ma vie », commenta-t-il avec regret. Mais avec espoir aussi, tant les forces requinquées de sa machine l’avaient remis en confiance. Le circuit d’Austin se profile à point nommé pour que Grosjean nous en délivre la confirmation.
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